Le Palmarès d’Anaïs Heluin
Meilleur spectacle
La Reprise de Milo Rau (Festival d’Avignon)
Créé au NTGent dont Milo Rau a pris la direction en début de saison, puis joué au Tandem à Douai et au Festival d’Avignon avant d’arriver au Festival d’Automne, La Reprise, Histoire(s) du théâtre (I) illustre avec force la direction que le metteur en scène entend donner à son théâtre. Son désir de s’y confronter aux grandes tragédies de l’époque. Et d’ainsi « changer le monde », premier des dix objectifs de son ambitieux Nouveau Manifeste de Gand.
Meilleures comédiennes
Marina Hands et Audrey Bonnet dans Sœurs de Pascal Rambert (Bouffes du Nord)
Elles ont l’habitude des mots de Pascal Rambert. Des ses phrases-uppercuts. Dans Sœurs, Marina Hands et Audrey Bonnet les font résonner avec tout leur corps et toute leur voix, en un match où la sororité se révèle dans ses paradoxes. Dans son complexe entremêlement d’amour et de rivalité.
Meilleur comédien
Mathieu Montanier dans Bérénice/Paysages mis en scène par Frédéric Fisbach (Théâtre de Belleville)
Dans Bérénice/Paysages, Mathieu Montanier arpente la pièce de Racine à la manière d’un promeneur qui, sur son chemin, cueille les fleurs qui parlent à son âme. Sans penser au bouquet final. Délicatement mis en scène par Frédéric Fisbach, il s’empare des répliques de tous les protagonistes, et fait converser avec eux son personnage de comédien qui sort de scène. Qui repousse un peu le retour à la rue, au quotidien.
Révélation
Clément Bondu dans L’Avenir (Les Plateaux Sauvages)
Le milieu théâtral ne l’aura pas vu venir. Avant de venir créer aux Plateaux Sauvages une performance crépusculaire autour de son poème dramatique L’Avenir, Clément Bondu a en effet surtout évolué dans la sphère musicale, avec son groupe Memorial et sa compagnie Année Zéro. Les occasions de le découvrir en 2019 ne manqueront pas.
Meilleur spectacle collectif
Pavillon noir des collectifs O’SO et Traverse (TNBA)
Dans Pavillon noir, le Groupe O’SO et le collectif Traverse s’emparent avec inventivité des questions posées par bon nombre des collectifs théâtraux qui se multiplient en France depuis une dizaine d’années : la place du théâtre à l’ère du divertissement, la nécessité de repenser les rapports de pouvoir au sein de l’institution, de résister au culte du metteur en scène… Cela à travers le thème de la piraterie, qu’ils érigent brillamment en utopie.
Meilleur metteur en scène
Julien Gosselin pour Joueurs, Mao II, Les Noms (Festival d’Avignon)
C’était le marathon du dernier Festival d’Avignon. Après 2666 de Roberto Bolaño, Julien Gosselin confirme avec Joueurs, Mao II, Les Noms son talent dans l’adaptation de monuments de la littérature contemporaine. En l’occurrence, de trois romans de l’Américain Don DeLillo qui brassent les grands problèmes de notre temps. Sur scène, terrorisme, capitalisme et montée de l’extrême droite en Europe côtoient la perte des idéaux, l’échec des révolutions, en dix magistrales heures de théâtre.
Meilleur spectacle étranger
Révélation. Red in Blue Trilogie de Satoshi Miyagi (Théâtre de la Colline)
Après son Antigone qui ouvrit en 2017 le Festival d’Avignon, le metteur en scène japonais et sa troupe Shizuoka Performing Art sont revenus en France mettre leur art du rituel musical et dansé au service d’un texte inattendu. Soit Révélation, le premier volet de Red in Blue Trilogie de Leonora Miano, consacré à la mémoire de la traite transatlantique. Une rencontre des cultures au sommet.
Meilleur spectacle de cirque
Red Haired Men d’Alexander Vantournhout (Cirque Théâtre d’Elbeuf, et CIRCa à Auch)
Entre nouveau cirque et danse contemporaine, le Belge Alexander Vantournhout se fraie un chemin bien à lui. Absurde et acrobatique. Après plusieurs solos, dont l’autoportrait Aneckxander (2015) qui l’a fait connaître, il signe avec Red Haired Men sa première pièce de groupe. Il y orchestre avec bonheur une rencontre improbable, entre l’univers de l’auteur russe Daniil Harms (1905-1942), ses deux disciplines de prédilection et la musique de Mozart.
Meilleur spectacle de marionnettes
At the still point of the turning world de Renaud Herbin (TJP – Centre dramatique d’Alsace Strasbourg)
À la tête du TJP – Centre dramatique d’Alsace Strasbourg, qu’il dirige depuis 2012, Renaud Herbin cherche à faire se côtoyer la parole d’artistes et celles de chercheurs, ainsi qu’à créer les conditions de la rencontre entre différentes pratiques artistiques. Un projet politique dont sa dernière création, At the still point of the turning world, est une délicate illustration. Né de la rencontre entre le marionnettiste et la danseuse et chorégraphe Julie Nioche, cette pièce est une belle fable sans paroles. La traversée d’une singulière « zone d’incertitude ».
Livre de l’année
Le Grand Art d’Alexandra David-Neel (Le Tripode)
Le Tripode, dont Le Sillon de Valérie Manteau a obtenu cette année le Prix Renaudot, est décidément une maison pleine de surprises. Dans Le Grand Art, roman inédit d’Alexandra David-Neel (1868-1969) publié cette année, on découvre un visage méconnu de l’auteure rendue célèbre par son récit Voyage d’une Parisienne à Lhassa. Avant de s’aventurer au Tibet, la femme de lettres fut en effet cantatrice pendant une dizaine d’années. Passionnant portrait doux-amer d’une actrice de la Belle Époque, c’est ce pan de vie que documente le livre paru au Tripode.
Le palmarès de Philippe Noisette
Meilleur spectacle
Fúria de Lia Rodrigues (Chaillot – Théâtre National de la Danse)
La chorégraphe installée à Rio de Janeiro dans une favéla signe un acte de rébellion en mouvement. Choc salutaire Furia en impose. (En tournée 15/16 janvierMC2 Grenoble, 19 janv Belfort, 29 janv Le Parvis Tarbes, 31 janv 1 fev Theätre Garonne Toulouse, 5 fev Les Salins Martigues, 11 et 12 fev Festival Antigel Lignon/Genève, 15 fev Les Hivernales Avignon).
Meilleure compagnie de danse
Le Tanztheater Wuppertal
Avec Since She, première création originale à Wuppertal depuis presque 10 ans le chorégraphe grec Dimtris Papaioannou rend hommage aux danseurs magnifiques, toutes générations confondues de la compagnie fondée par Pina Bausch. Mention spéciale à Ruth Amarante, Julie Anne Stanzac, Scott Jennings et Breanna O’Mara.
(A La Villette/Théâtre de la Ville hors les murs du 8 au 11 juillet 19)
Chorégraphe de l’année
William Forsythe
En pleine forme Forsythe ose avec Seventeen/Twenty One le télescopage du baroque de Rameau avec les danses actuelles. Un chef d’œuvre d’ironie. (Programmé au festival Montpellier Danse en 2019 puis au Festival d’automne)
Interprète masculin de l’année
Takao Kawaguchi dans About Kazuo Ohno
Gonflé, ce solo autour de la figure du plus grand danseur japonais Kazuo Ohno aura marqué les esprits durnat le Festival d’automne. Du butô au présent.
Interprète féminine de l’année
Marie Goudot
Dans Mitten wir im leben sind de Anne Teresa De Keersmaeker on ne voit qu’elle ou presque. Pas facile pourtant de voler la vedette à la chorégraphe flamande. Entre tension et poésie Marie Goudot est a sa juste place. Un sommet dans son parcours.
Espoirs de l’année
Bianca Scudamore et Francesco Mura
Deux graines d’étoiles du Ballet de l’Opéra de Paris que l’on suivra avec bonheur durant les saisons à venir.
Meilleur spectacle musical/Opéra
Only the sound remains de Kaija Saariaho (Opéra de Paris)
Dans une mise en scène minimaliste et pourtant riche de sens de Peter Sellars cet opéra de la compositrice finlandaise aura été le choc musical de cette année.
Ratage de l’année
Kreatur de Sasha Waltz (Festival d’Avignon)
Il y en aura eu beaucoup, trop même. Mais le retour à Avignon de la chorégraphe allemande aura été particulièrement raté. Une pièce qui se prend les pieds dans ses ambitions. On est sorti de Kreatur un rien fâché.
Mention spéciale
Laetitia Dosch/François Chaignaud
Avec Hate, et son compagnon de cheval, l’actrice et parfois danseuse Laetitia Dosch osa tout. Avec Romances Inciertos Chaignaud dompta la grâce. Qui pensera à réunir un jour ces deux solistes en scène?
(Romances Inciertos est en tournée en 2019)
Mention (très) spéciale
David Byrne et Annie B-Parson
Pour la tournée American Utopia de David Byrne (A Paris Zénith)
Un concert comme nul autre. Dansé. Rythmé. Unique. Mis en mouvement par la chorégraphe Annie-B Parson avec l’ex leader des Talking Heads, David Byrne. On ne s’en est toujours pas remis.
Le palmarès de Vincent Bouquet
Meilleur spectacle de théâtre public
Joueurs, Mao II, Les Noms de Julien Gosselin (Festival d’Avignon)
Julien Gosselin confirme sa place de jeune prodige du théâtre européen. Spectacle-monstre d’une dizaine d’heures, à la maîtrise et à la radicalité renversantes, ce triptyque offre une plongée magistrale dans l’univers stimulant de Don DeLillo.
Meilleur spectacle étranger
La Reprise de Milo Rau (Festival d’Avignon)
Avec la première partie de son « Histoire(s) du théâtre (I) », le metteur en scène a bouleversé les spectateurs avignonnais. Fondée sur les principes novateurs du manifeste de Gand, cette reconstitution d’un crime homophobe survenu en 2012 dans les rues de Liège fait du théâtre une passerelle pour générer du réel.
Meilleures comédiennes
Audrey Bonnet et Marina Hands dans Sœurs (Bouffes du Nord)
Avec une puissance en mesure de renverser n’importe quelle montagne textuelle, y compris celle de Pascal Rambert, les deux comédiennes se nourrissent l’une l’autre. Ensemble, elles incarnent une force, sublime, au pouvoir d’attraction immédiat et forment un duo qui captive et bouleverse. Une performance hors norme.
Meilleur comédien
Thibault Lac dans Déjà la nuit tombait (T2G)
Dirigé par Daniel Jeanneteau, comme transfiguré par les récits de combats de L’Illiade, le jeune danseur arbore le regard perçant d’une implacable tête chercheuse. Il s’invite bientôt dans le public. Du haut de sa beauté aussi troublante qu’inquiétante, il scrute et toise ses membres, jusqu’à jeter son dévolu sur l’un d’entre eux. De force, il l’attire au centre du plateau, avec la ferme intention de le mettre à mort. Un coup de maître.
Révélation féminine
Louise Vignaud pour Phèdre (Comédie-Française) et Rebibbia (TNP)
Après le succès rencontré par son Phèdre, il y a quelques mois, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, la jeune metteuse en scène a continué de creuser son sillon théâtral singulier avec Rebbibia, récemment créé au TNP de Villeurbanne. A bas bruit, cette artiste déterminée construit sa place dans le paysage scénique français.
Révélation masculine
Radouan Leflahi dans Peer Gynt (Les Gémeaux)
Fidèle parmi les fidèles de David Bobée, le jeune comédien, dont on soupçonnait déjà le talent, est criant et bouleversant de vérité dans le rôle-titre de Peer Gynt. Un comble pour un personnage dont le mensonge est le principal moteur et le fonds de commerce mortifère.
Meilleur metteur en scène
Krystian Lupa pour Le Procès (Théâtre de l’Odéon)
Avec son adaptation du roman de Kafka, le metteur en scène polonais franchit un cran supplémentaire. Tout n’est que virtuosité dans sa façon de décrire, au-delà d’un système vicié qui broie les individus, une société à bout de souffle et de forces, sous le joug d’un pouvoir pervers qu’elle alimente alors qu’il la tue.
Meilleur scénographe
Jan Versweyveld pour Tragédies romaines (Théâtre de Chaillot) et Les Choses qui passent (Festival d’Avignon)
Fidèle compagnon d’Ivo van Hove, à la vie comme à la scène, le scénographe magnifie les propositions du maître flamand. Loin d’être de simples décors, les espaces scéniques des Tragédies romaines et des Choses qui passent en sont des éléments consubstantiels, générateurs d’images d’une fascinante beauté.
Meilleur auteur
Pascal Rambert pour Reconstitution (Théâtre de l’Aquarium)
Écrite spécialement pour Véro Dahuron et Guy Delamotte, « Reconstitution » tente de reconquérir les émois perdus de la première rencontre. Se réconcilier pour mieux se dire adieu, tel est le credo bouleversant de la pièce délicate et poétique de Pascal Rambert.
Meilleur spectacle de danse
Show d’Hofesh Shechter (Théâtre de la Ville)
Cette production, le chorégraphe israélien l’a confiée à sa nouvelle équipe de danseurs juniors, Shechter II. Tous âgés de 18 à 25 ans, ces quatre jeunes hommes et quatre jeunes femmes profitent de leur folle énergie pour s’engager corps et âme dans une danse fiévreuse. Comme montés sur ressorts, aux prises avec des gestes saccadés, ils magnifient le langage chorégraphique de Shechter.
Meilleur spectacle issu d’un collectif
Quoi / Maintenant de tg STAN (Théâtre de la Bastille)
Les comédiens du collectif flamand ont regroupé dans un seul et même spectacle deux textes, l’un de Jon Fosse, l’autre de Marius von Mayenburg. Scandaleusement corrosive, la satire politique et sociale du dramaturge allemand profite de leur aisance de jeu. Un régal.
Meilleur animal en scène
Corazon dans Hate de Laetitia Dosch (Nanterre-Amandiers)
Le pur-sang espagnol est un habitué des plateaux, formé au « clicker training » qui guide et récompense – avec de petits morceaux de carotte – les initiatives spontanées du cheval au lieu de le contraindre par des pressions désagréables. De cette méthode naît la grâce du spectacle, cette sensation de liberté totale comme ferment de la complicité entre l’homme et l’animal.
La déception de l’année
Iphigénie de Chloé Dabert (Festival d’Avignon)
Au Cloître des Carmes, la metteuse en scène a accouché d’un spectacle sans saveur, à la proposition scénique et dramatique plus que limitée. Comme obsédée par la métrique, elle a entravé le jeu de ses comédiens, piégés par les vers raciniens.
Le Palmarès de Christophe Candoni
Meilleur spectacle
La Reprise de Milo Rau (Festival d’Avignon)
Présenté en première française au Tandem à Douai, puis au Festival d’Avignon et à Nanterre-Amandiers, La Reprise de Milo Rau a bouleversé par la violence de son propos choc comme par son intelligente réalisation. D’une force et d’une justesse dramatiques incontestables, la pièce s’est présentée comme une édifiante illustration de la capacité du théâtre à montrer et penser l’impossible réalité.
Meilleur spectacle étranger
Imitation of life de Kornél Mundruczó (MC93)
Homme de théâtre et de cinéma hongrois, Kornél Mundruczó a signé avec Imitation of life un spectacle d’une radicalité et d’une beauté vertigineuses sur la violente marginalisation des plus faibles. On espère revoir ce chef-d’oeuvre trop peu montré sur les scènes françaises à l’exception de Strasbourg, Bobigny et Orléans.
Meilleur spectacle musical
The Beggar’s opera (Bouffes du Nord)
Portés à la scène par l’impayable duo William Christie et Robert Carsen, les gueux, imaginés par Gay & Pepousch qui inspirèrent le célèbre Opéra de quat’sous, ont électrisé la scène parisienne et internationale de leur formidable insolence et de leur gaie vitalité.
Meilleur spectacle de danse
Romances Inciertos (Festival d’Avignon)
François Chaignaud en travesti baroque et sensuel a magnifié les figures typiques de la culture traditionnelle espagnole d’une manière ébouriffante.
Meilleure comédienne
Marie-Sophie Ferdane dans La Dame aux camélia (TNB)
Elle a superbement incarné une Dame aux camélias de Dumas brûlante de désir et d’intensité, fulgurante de sensualité mortifère, dans la mise en scène d’Arthur Nauzyciel.
Meilleur comédien
Tom Adjibi dans La Reprise de Milo Rau (Festival d’Avignon)
D’une manière stupéfiante, l’acteur se raconte tout en prêtant ses traits à Ihsane Jarfi, jeune homme victime d’une agression homophobe reconstituée sur le plateau de la Reprise de Milo Rau.
Meilleure autrice
Elfriede Jelinek
Sa réécriture inventive du mythe d’Orphée et Eurydice dans une veine féministe et militante, a été portée à la scène dans une production décapante de Katie Mitchell avec la troupe de la Schaubühne.
Meilleure mise en scène
La Nuit des rois de Thomas Ostermeier (Comédie-Française)
Thomas Ostermeier revisite Shakespeare sous les signes de la jubilation et de la transgression sexuelles et identitaires pour sa première mise en scène à la Comédie-française.
Meilleure scénographie
Ithaque de Christiane Jatahy (Odéon)
Dans un espace en perpétuelle reconfiguration, la pièce de Christiane Jatahy voyait un plancher ancien progressivement inondé d’une marée évoquant superbement les odyssées d’hier et d’aujourd’hui.
Révélations
Gurshad Shaheman et ses comédiens
L’artiste d’origine iranienne et son magnifique chœur de jeunes acteurs ont fait entendre la parole poignante de jeunes exilés gays et trans dans Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète, un oratorio crépusculaire et lumineux plein d’engagement et de sensibilité.
Déceptions
L’inénarrable déclin d’un metteur en scène autrefois de génie : Peter Stein, signataire d’une oeuvre fondatrice et révolutionnaire dans le Berlin des années 1970 finit sa carrière dans le théâtre privé parisien où il monte en toute sécurité financière et avec paresse intellectuelle l’oeuvre de Molière.
Le palmarès de Stéphane Capron
Meilleur spectacle de théâtre public
Désobéir de Julie Berès, Alice Zeniter et Kevin Keiss (rerise au TCI et à la Commune)
Désobéir est une pièce d’actualité créée en 2017 au Théâtre de la Commune – CDN d’Aubervilliers, et reprise cette année au Théâtre de la Cité. Julie Berès a récolté la parole de jeunes femmes issues de l’immigration rencontrées auprès de diverses associations d’Aubervilliers avant de la transposer au plateau avec quatre comédiennes formidables. Une pièce magistrale qui parle sans tabous de sexualité, de religion, des rapports femmes/hommes, des relations familiales. Elle sera en tournée en France pendant toute l’année 2019.
Meilleur spectacle de théâtre privé
Le vieux juif blonde au Théâtre des Mathurins
Le vieux juif blonde, pièce d’Amanda Sthers était de retour dans une nouvelle mise en scène de Volker Schlöndorff. Camille Razat a repris le rôle créé en 2006 par Mélanie Thierry. Camille Razat incarnait avec une force inouïe ce personnage rongé par sa double identité, tourmenté par les supplices. Un travail remarquable et une mise en scène inspirée de Volker Schlöndorff qui donnait l’impression dans la petite salle des Mathurins de se retrouver dans les paysages rigoureux de la Pologne et d’Auschwitz.
Meilleur spectacle de Danse
Fúria de Lia Rodrigues (Chaillot – Théâtre National de la Danse)
Le cri du cœur d’une artiste engagée auprès des habitants des favelas, les bannis du Brésil. Lia Rodrigues nous tient en haleine pendant une heure avec des danseurs remarquables, dont les corps ne possèdent pas les muscles de ceux des compagnies occidentales. Ces danseurs nous ressemblent. Ils sont la vie. Ils nous ouvrent les yeux et réveillent les consciences. Un vrai choc.
Meilleur Comédien dans une pièce dans un théâtre public
Claude Duparfait dans L’Ecole des Femmes à l’Odéon
Il a retrouvé son metteur en scène fétiche, Stéphane Braunschweig, et son auteur fétiche, Molière pour la troisième fois. Après Le Misanthrope en 2003, puis Tartuffe en 2008, Claude Duparfait a composé un Arnolphe exceptionnel dans L’Ecole des femmes.
Meilleur Comédien dans une pièce dans un théâtre privé
Jean-Pierre Daroussin dans Art au Théâtre Antoine
Dans le trio imaginé par Yasmina Reza, Jean-Pierre Daroussin est Ivan, le tolérant, le romantique. Il a remporté tous les suffrages du public, et un Molière. Son monologue sur la fabrication du faire-part de son futur mariage est une véritable pépite burlesque. La pièce sera de nouveau à l’affiche au Théâtre Antoine en 2019 à partir du 11 septembre.
Meilleur Comédienne dans une pièce du théâtre public
Françine Bergé dans l’Echange – TNP
A 80 ans, celle qui a tenu le rôle de Liliane Bettencourt dans Boulevard Bettencourt de Michel Vinaver est tout simplement impressionnante dans cette mise en scène de Christian Schiaretti. Elle ne lâche rien, se jetant à corps perdu dans les vers acides de Claudel. Elle est envoutante, elle vampirise l’espace dans ce rôle de démon qui ira jusqu’à faire assassiner son amant. Respect.
Meilleure Comédienne dans une pièce du théâtre privé
Anouk Grinberg dans Un mois à la campagne au Théâtre Déjazet
Anouk Grinberg choisit ses metteurs en scène et ses textes avec parcimonie. James Joyce et Auguste de Villiers de L’Isle-Adam avec Marc Paquien en 2012 et 2015, et cette année Ivan Tourgueniev et Alain Françon pour Un mois à la campagne. Anouk Grinberg était tout simplement remarquable dans ce rôle de mère de famille déchirée par ses pulsions amoureuses.
Meilleur spectacle collectif
Pavillon noir des collectifs O’SO et Traverse (TNBA)
Deux collectifs se sont réunis pour créer ce Pavillon Noir ; le collectif Traverse à l’écriture et le collectif OS’O (artistes associés au Quartz et au Gallia théâtre) pour le jeu. De cette alliance jaillit un petit bijou d’inventivité sur des sujets dans l’air du temps : les lanceurs d’alerte, les pirates informatiques, les activistes du net.
Meilleur Metteur en scène
Arthur Nauzyciel pour La Dame aux Camélias (TNB)
Dans un bel écrin rouge passion, Arthur Nauzyciel a signé pour sa première mise en scène en tant que directeur du Théâtre National de Bretagne une splendide et troublante adaptation de La Dame aux camélias, brûlante de désir et d’intensité.
Spectacle étranger
Tartiufas d’Oskaras Koršunovas au Festival d’Avignon
Retour au Festival d’Avignon pour Oskaras Koršunovas avec une version de Tartuffe détonante, dont il modifie la fin et lui donne une tonalité plus politique que religieuse. Il amène aussi un peu de rire dans une édition 2018 à la tonalité bien sombre. Dommage que le spectacle n’ait pas tourné en France.
Meilleure Autrice de l’année
Nadège Prugnard pour No Border
Nadège Prugnard s’est immergée dans la jungle de Calais aux côtés des migrants pour écrire sur cette tragédie humaine du 21e siècle. La pièce est une commande de la compagnie HDVZ de Guy Alloucherie. Elle a été créée à Culture Commune, la scène nationale de Loos en Gohelle dans la Pas-de-Calais. Le texte de Nadège Prugnard est un long monologue digne des plus grandes tragédies antiques. Une immersion bouleversante dans la vie de ces réfugiés. Elle le vit avec une intensité haletante. Le spectacle est en tournée en 2019.
Révélation féminine
Séphora Pondi dans Désobéir et Au bois
Formée à l’ERAC, la comédienne a brillé dans deux productions cette année. Dans Au bois, créé au TNS, elle était magnifique en jeune femme insoumise et déterminée. Dans Désobéir, elle est glaçante quand elle interprète en anglais le fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy écrit par Henri Gaino. Une grande actrice est née. Elle fera partie des artistes associé.e.s de la future direction du Théâtre 14.
Révélation masculine
Yacine Sif El Islam
Silhouette émaciée comme Pasolini, même révolte intérieure, il a fait partie de la distribution de La nostalgie du futur au TnBA dans la mise en scène de Catherine Marnas. Yacine Sif El Islam est membre du Groupe Apache, compagnie basée en Aquitaine.
Meilleure pièce musicale
Bibi de Sylvain Maurice avec la Compagnie de l’Oiseau-Mouche
L’Oiseau-Mouche a fêté en 2018 ses 40 ans. La dernière production de cette compagnie basée à Roubaix – composée de comédiens en situation de handicap – a été confiée à Sylvain Maurice, le directeur du CDN de Sartrouville. Il a composé un cabaret dont il a le secret qui révèle de superbes acteurs.
Livre de l’année
La Comédie-Française, une histoire du théâtre
Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française et Martial Poirson, professeur d’histoire et d’études théâtrales, racontent en 300 pages la passionnante histoire de la Comédie-Française, le plus ancien théâtre d’Europe, né en 1680. Le livre, Comédie-Française, une histoire du théâtre est paru aux Editions du Seuil.
La Déception de l’année
Le Macbeth de Stéphane Braunschweig à l’Odéon
Le directeur de l’Odéon a soufflé le chaud et le droit en cette année 2018. Son Macbeth nous a laissé de marbre au début de l’année, malgré la présence d’Adama Diop dans la rôle-titre, pas suffisant pour entrer dans la folie de cette tragédie shakespearienne.
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