Plus de 200 spectacles sont programmés en ce mois de janvier, dont une grosse centaine de créations, les journalistes de la rédaction en verront une bonne quarantaine. Et dans les spectacles à l’affiche, certains ont déjà été vus, et on vous les conseille. Voici notre sélection de 20 spectacles, de Paris à Strasbourg, de Dijon à Bagnolet, de Lyon à Gennevilliers, de La Rochelle à Ivry-sur-Seine !
La collection au Rond-Point à Paris du 4 au 15 janvier 2023
Conçue et interprétée par le collectif BPM (réunissant les comédiens Catherine Büchi, Lea Pohlhammer et Pierre Mifsud), La Collection se veut un projet au long cours.
Soit la création progressive d’une série de formes courtes, chacune se dédiant à un objet ayant fait les riches heures d’années ou décennies du XXe siècle. Des objets depuis tombés en désuétude, relégués au rang de déco vintage.
Débuté avec la K7 audio, La Collection compte désormais plusieurs épisodes (dédiés respectivement au vélomoteur, au téléphone à cadran rotatif, au service à asperges et au téléviseur à tube cathodique). Ce sont Le Vélomoteur et Le Téléphone à Cadran Rotatif que nous avons pu découvrir. Sans qu’aucun des fameux objets ne soit jamais exposé.
Samantha van Wissen dans Giselle de de François Gremaud au Théâtre de la Bastille à Paris du 5 au 24 janvier 2023
Sous la direction de François Gremaud, la danseuse se sert de la force de l’imaginaire pour redonner leur lettres de noblesse à toutes les composantes de ce ballet romantique par excellence.
Au titre de ce ballet romantique par excellence qui, depuis sa création en 1841, n’a jamais cessé d’être représenté, François Gremaud joint, cette fois, trois points de suspension, façon, pour lui, de créer un pont vers l’imaginaire et d’aller, avec sa Giselle…, au-delà, bien au-delà, de la pièce originelle.
Après Romain Daroles dans Phèdre ! et Aurélien Patouillard dans Auréliens, c’est au tour de Samantha van Wissen d’endosser le rôle de maîtresse de cérémonie dans un cadre scénique similaire.
Prix No’Bell et Exils intérieur à La Reine Blanche à Paris du 4 janvier au 5 février 2023
Elisabeth Bouchaud, la directrice du théâtre de la Reine Blanche présente le deuxième épisode de sa série Flammes de science qui met en lumière le destin de femmes scientifiques écartées de l’histoire malgré leurs contributions. Le premier épisode revenait sur le destin de Lise Meitner, mère de la fission nucléaire qui doit abandonner ses recherches pour fuir l’Allemagne nazie.
Avec Prix No’ Bell, Elisabeth Bouchaud poursuit sa série sur les femmes scientifiques oubliées en revenant cette fois-ci sur le destin de Jocelyn Bell, une grande scientifique oubliée de l’Histoire. Toujours aussi réussi.
Othello de Shakespeare dans la mise en scène de Jean-François Sivadier. Reprise de la tournée les 4 et 5 janvier 2023 à La Coursive, scène nationale de La Rochelle
Après Le Roi Lear, le metteur en scène revient à Shakespeare et aborde la tragédie du Maure de Venise sous son versant cruellement comique, grâce au tandem de choc Nicolas Bouchaud-Adama Diop.
Dans un décor qui rappelle celui d’Un ennemi du peuple, Jisca Kalvanda, Adama Diop et Gulliver Hecq ne manquent d’ailleurs pas de s’illustrer et de faire progressivement, et respectivement, dériver Emilia, Othello et Roderigo vers une folie matinée de désespoir. Au rythme de We will rock you de Queen ou de Paroles, paroles de Dalida, Othello donne alors à voir un visage qu’on lui méconnaissait où d’un comique intrinsèque et larvé naît une infinie cruauté.
La campagne de Martin Crimp, mise en scène de Sylvain Maurice au Rond-Point à Paris 5 au 22 janvier 2023
Sylvain Maurice et ses interprètes rendent toute la finesse de l’insaisissable Crimp. Une écriture qui attrape le spectateur et le retient dans les filets de ses mystères. Une pièce toute en glissements sur le couple, l’amour et la cruauté.
Que peut-on faire de mieux avec un texte de Crimp que d’en respecter les subtils équilibres ? Pour sa dernière mise en scène en tant que directeur du CDN de Sartrouville, Sylvain Maurice renoue avec l’auteur anglais, dont il avait déjà monté Dealing with Clair en 2011.
Chloé Moglia dans ANIMA de Noémie Goudal et Maëlle Poésy au Théâtre Dijon-Bourgogne, Centre dramatique national du 6 au 14 janvier 2023
La photographe et la metteuse en scène créent une installation immersive où, sans verser dans la leçon de morale écologiste, musique, photos, film et performance circassienne se confondent pour donner à éprouver le vertige du temps, la fragilité des paysages et la puissance des éléments.
Alors que la force des éléments naturels – l’eau, le feu… – se déchaîne et met à mal la permanence supposée des paysages aux yeux des Hommes, la musique de Chloé Thévenin, pétrie de nappes sourdes, se fait de plus en plus obsédante, et annonce l’arrivée du clou de la performance.
Par autan de François Tanguy au Théâtre National de Strasbourg du 6 au 14 janvier 2023
Le dernier opus de François Tanguy, mort le mercredi 7 décembre 2022 avait vu le jour en mai 2021 dernier au Théâtre des 13 vents de Montpellier, et présenté début novembre, dans son lieu au Mans, La Fonderie.
S’il est sans doute plus difficile de pénétrer dans ce Par autan que dans d’autres spectacles de François Tanguy, la magie ne peine malgré tout pas à opérer, et sa savante mécanique, moins désordonnée que ne le laissent croire les apparences, à produire ses troublants effets.
Dans cette scénographie qui ne cesse de s’ouvrir et de multiplier les plans, comme si l’art dramatique et le vent parvenaient à repousser progressivement les limites d’un espace mental trop encombré, les comédiennes et comédiens ont l’aura magnétique de créatures sorties du fond des âges et des livres.
Gaël Leveugle dans Un homme à L’Echangeur à Bagnolet du 9 au 13 janvier 2023
Dans Un homme, Gaël Leveugle part d’une nouvelle de Charles Bukowski pour développer une riche et singulière poétique du déséquilibre. Une partition où corps, lumière, musique et texte participent tous d’une même chute qui est aussi une fête.
À la fois disparates et entièrement cohérents. Bienvenue Au sud de nulle part, titre d’un recueil de Charles Bukowski publié en 1973. Dans Un homme précisément, ou plutôt dans l’univers que Gaël Leveugle a construit autour de cette courte nouvelle où amour, sexe et alcool ne font pas bon ménage.
Dans leur exploration de la zone obscure du désir où s’engouffrent les deux protagonistes de Bukowski, les comédiens de Un homme affirment pourtant une saisissante force de vie.
Clément Hervieu-Léger met en scène Un mois à la Campagne de Tourgueniev au Théâtre de l’Athénée à Paris du 10 janvier au 4 février 2023
Après La Cerisaie présentée l’an passé à la Comédie-Française (et reprise en ce moment), le metteur en scène poursuit son compagnonnage avec le théâtre russe et s’empare avec subtilité de l’œuvre-phare de Tourgueniev.
Comme Alain Françon avant lui, Clément Hervieu-Léger a opté, à raison, pour la sublime traduction de Michel Vinaver, qui donne un sérieux coup de fouet, et de jeune, à la pièce. Aux commandes d’une scénographie dépouillée qui, dans les costumes comme dans l’articulation de certaines séquences, penche plus du côté du cinéma italien de la seconde moitié du XXe siècle que de la Russie de la fin du XIXe, le metteur en scène en profite pour vivifier les tourments amoureux et existentiels dessinés par Tourgueniev.
Derrière le hublot se cache parfois du linge par Les filles de Simone au Monfort à Paris du 10 au 22 janvier 2023
Décortiquer la vie conjugale pour s’aimer mieux, un vaste programme mené avec brio par les Filles de Simone, avec leur dernière pièce Derrière le hublot se cache parfois du linge, créée à l’Azimut.
Depuis 2015 le collectif composé de Claire Fretel, Tiphaine Gentilleau et Chloé Olivères décortiquent avec humour et culot les nombreuses discriminations dont sont victimes les femmes. Après avoir exploré le thème de la maternité dans leur première pièce, puis évoqué les injonctions qui pèsent sur les corps des femmes, le collectif se penche désormais sur le couple : comment la vie conjugale hétérosexuelle et parentale est-elle, encore aujourd’hui, empreinte d’inégalités ?
Il n’y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement d’Agnès Limbos au Mouffetard à Paris du 10 au 19 janvier 2023
Figure majeure du théâtre d’objets, la Belge Agnès Limbos dissèque dans Il n’y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement la fascination que peut exercer le fait divers. Entre plateau et table de cuisine, elle enchaîne les scènes de meurtre avec un drôle de plaisir coupable – mais pas trop – et communicatif.
Comme toujours dans les spectacles que crée Agnès Limbos depuis la fondation de sa compagnie en 1984, les objets sont beaucoup plus éloquents que les hommes et surtout la femme, elle-même étant la protagoniste centrale et souvent unique de tous ses spectacles. Ce qui, pour parler de mort, est somme toute assez logique.
Une mort dans la famille d’Alexander Zeldin au Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier à Paris du 11 au 21 janvier 2023
Après sa trilogie des Inégalités, l’auteur et metteur en scène anglais Alexander Zeldin aborde avec Une mort dans la famille la solitude de l’homme contemporain sous un angle plus intime, personnel. Dans cette première pièce avec des acteurs français, on retrouve toutefois sa capacité formidable à mettre en scène la vie de petites communautés en marge de la société. En l’occurrence, celle d’un Ehpad.
Tout en nous mettant sans détours face à la manière dont vivent et meurent nos personnes âgées, Une mort dans la famille se fait très habilement une place dans l’histoire d’un art qu’il ne se prive pas de pousser jusqu’à ses limites, tout près de la vie. Et de son autre rive.
Institut Ophélie de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano au T2G, CDN de Gennevilliers du 12 au 23 janvier 2023
Après Un Hamlet de moins, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano complètent leur diptyque shakespearien et utilisent la parole hallucinée d’Ophélie comme modèle pour explorer les mécanismes d’oppression et d’assignation qui pèsent sur les femmes.
Puissamment référencé, sans doute jusqu’à l’excès, particulièrement dense, ce maelström fonctionne par jaillissements intellectuels successifs. Porté par la langue aussi simple que poétique d’Olivier Saccomano, qui parvient à conserver le caractère halluciné de celle d’Ophélie, il réussit à engendrer un bouillonnement savamment hypnotique.
Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? d’Etienne Gaudillère et Giulia Foïs au Théâtre du Point du Jour à Lyon du 16 au 20 janvier 2023 en décentralisation
Grand Reporterre initié par le Théâtre du point du jour place l’actualité au cœur du théâtre. Le dispositif mêle artistes et journalistes. Pour ce cinquième épisode, l’autrice journaliste Giula Foïs et l’auteur metteur en scène Etienne Gaudillère se penchent sur l’épineuse question de la dissociation de l’artiste et de l’œuvre. Et leur réponse est claire…
« Peut-on séparer l’artiste de son compte en banque ? » lancent ainsi facétieusement les deux compères, ce qui d’entrée situe le débat. En guise d’argumentaire, c’est d’ailleurs plutôt un récit que propose Etienne Gaudillère, l’artiste du duo. Il est associé à Giulia Foïs pour créer ce spectacle. Productrice sur France Inter, qui conçoit et anime l’émission Pas son genre, chaque vendredi sur France Inter. Elle est également l’autrice de Je suis une sur deux où elle révèle qu’elle a été victime d’un viol à l’âge de 23 ans.
A son contact et travaillant à la conception de ce spectacle, Etienne Gaudillère a modifié son point de vue.
Fin de Partie de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski au Théâtre de l’Atelier à Paris du 19 janvier au 26 février 2023
Le metteur en scène Jacques Osinski poursuit, avec Fin de partie, son compagnonnage avec le dramaturge irlandais. Au Théâtre des Halles, il en livre une version magnifiquement solaire où l’alchimie entre les deux comédiens fonctionne à merveille.
Après Cap au pire, La Dernière bande et L’Image, le metteur en scène poursuit son compagnonnage avec le dramaturge irlandais. Dernière pièce où l’auteur s’encombre encore d’un semblant de récit, Fin de partie incarne aussi un défi scénique, avec son décor, imposé, et ses quatre acteurs. Pour l’occasion, Jacques Osinski fait, une nouvelle fois, appelle à Denis Lavant à qui il confie le rôle de Clov, mais aussi à Frédéric Leidgens qui hérite de celui de Hamm, et à Claudine Delvaux et Peter Bonke qui campent Nell et Nagg.
Delphine et Carole de et avec Marie Rémond et Caroline Arrouas du 19 au 27 janvier 2023 au Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne dans le cadre du Festival Les Singulier·es du 104
Caroline Arrouas et Marie Rémond s’inspirent en toute liberté d’un documentaire sur Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig. Au-delà de légères fragilités, le spectacle convainc par son propos comme par l’engagement des comédiennes.
C’est leur rencontre et leur travail commun au sein du collectif de vidéo Les Insoumuses que le documentaire de Callisto Mc Nulty, comme le spectacle, déplient. Se saisissant des matériaux offerts par le film (et constitués d’images d’archives télévisuelles, de photographies, d’extraits d’entretiens et de films), Caroline Arrouas et Marie Rémond racontent à leur façon – soit avec les moyens du théâtre – le parcours, les productions et les engagements pour les droits des femmes du duo.
La (nouvelle) ronde de Johanny Bert du 20 au 29 janvier Théâtre de la Ville de Paris ( Les Abbesses)
Après son excellent cabaret marionnettique HEN, Johanny Bert poursuit son exploration du genre et de l’amour avec La (nouvelle) ronde, créé au Théâtre de la Croix-Rousse dont il est artiste associé. Dans une réécriture très libre et joyeuse par Yann Verburgh de la célèbre pièce d’Arthur Schnitzler écrite en 1897, hommes et pantins dressent un vivant et délicat inventaire, non exhaustif, des manières contemporaines d’aimer.
La (nouvelle) ronde est davantage qu’une suite de tableaux amoureux : pour chacun de ses protagonistes, cette pièce est un lieu de métamorphoses, d’expériences diverses. De Schnitzler à Johanny Bert et Yann Verburgh, les identités sexuelles se sont déstabilisées.
On n’est pas là pour disparaître mise en scène et adaptation de Mathieu Touzé au Théâtre 14 à Paris du 24 janvier au 18 février 2023
Le co-directeur du Théâtre 14, Mathieu Touzé, adapte avec force et finesse la polyphonie littéraire d’Olivia Rosenthal. Bouleversante plongée dans l’esprit tourmenté d’un malade d’Alzheimer et dans le quotidien douloureux de ses proches, elle profite de la performance à la fois singulière et éclairante de Yuming Hey.
Malgré l’apparence à première vue chirurgicale du plateau, tout, à commencer par la très belle composition musicale de Rebecca Meyer et la création lumières de Renaud Lagier et Loris Lallouette, concourt à stimuler les sens pour augmenter les mots, à offrir aux spectateurs des points d’appui pour s’y retrouver dans la polyphonie littéraire d’Olivia Rosenthal.
DUET de Margot Alexandre et Nans Laborde-Jourdàa au Théâtre de l’Aquarium à Paris dans le cadre du festival BRUIT du 26 au 28 janvier 2023
Après POLYESTER, encore en tournée, Margot Alexandre et Nans Laborde-Jourdàa accouchent d’un nouveau spectacle : DUET affirme une écriture et une tonalité singulières, marque de fabrique de la compagnie TORO TORO.
Nans Laborde-Jourdàa et Margot Alexandre aiment jouer et ça se voit. Leur jeu relève de la maestria en ce qu’ils ne sont jamais là où on les attend, dans cette oscillation permanente et subtile entre le dedans et le dehors, l’implication et la distance. Tous les deux sont aussi touchants que désopilants, drôles et tendres à la fois, définitivement attachants. Et la douceur radieuse qui émane de leur complicité scénique en dit aussi long que l’affection indéfectible que se portent cet homme au bord du vide et ce primate doué de parole.
Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule de Claire Diterzi au CentQuatreParis du 27 au 29 janvier 2023 dans le cadre du Festival Les Singulier·es
L’autrice, chanteuse et multi-instrumentiste Claire Diterzi crée sa première pièce à destination du jeune public. Opéra pour une interprète, l’excellente Anaïs de Faria, ce spectacle met subtilement la musique à portée d’enfant.
La recherche, les hésitations sont au rendez-vous dans le solo écrit, composé et mis en scène par Claire Diterzi, accompagnée à l’écriture et à la dramaturgie par Kevin Keiss. Une autre nouveauté pour l’artiste qui aime à créer ses spectacles de toutes pièces, depuis la musique jusqu’à la scénographie. En multipliant dans cette création les « premières fois », Claire Diterzi réalise un geste proche de celui de sa protagoniste : plein de risques et d’audaces, qui font de la contrainte d’espace et de temps l’occasion d’expérimenter une liberté nouvelle. Dans cet opéra miniature, la compositrice explore un maximum des possibles que lui ouvre paradoxalement la réduction au minimum le nombre d’interprètes.
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