Anthony Poupard est un homme de troupe, il a fait partie de celle La Comédie de Valence de 2002 à 2008, puis de celle du Préau CDN de Normandie – Vire de 2009 à 2018. Il a rejoint l’équipe de Simon Delétang au Théâtre du Peuple de Bussang. Il est à l’affiche de Normalito, la nouvelle pièce de Pauline Sales. Création ce soir au Am Stram Gram de Genève avant une tournée en France, voici son interview Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Non. Le trac c’est lié à l’égo. Quand t’as compris que tu seras jamais l’acteur génial que tu aimerais être, tu te détends et tu fais ce que tu peux. C’est déjà ça. (Mais j’ai peur quand même un peu hein, j’avoue)
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Je prends mon plus beau stylo pour coucher mes plus jolis mots sur une carte que j’offre à chacun.e de mes camarades. Et puis je dépense trop d’argent mais joyeusement dans les cadeaux de première.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Une clope. Un verre de blanc. Un tweet ou deux, un vaillant « Mangia la mierda tutti ! » gueulé depuis le plateau à toute la team et c’est parti pour le show.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Jamais je me suis dit ça. Mais à 13 ans, quand j’ai découvert la famille théâtre au Clec de Gonfreville-l’Orcher, j’ai su que c’était pour un bon bout de temps que je chérirai cette famille-là.
Premier bide ?
Bérénice de Racine. Au TNP. Anthiocus. Seul en scène sur le proscenium face à une salle bondée. J’ai dit MA rivale au lieu de MON rival et j’ai pensé à Lacan en tremblant jusqu’au salut.
Première ovation ?
Les Inchaussables. Adaptation d’Arturo Ui de Brecht par mon prof du CLEC, Oliver Savalle, pour les ados qu’on était alors. Mon tout premier spectacle. Toute la famille debout au premier rang qui a pris des photos qui se sont révélées toutes floues, in fine : les traces du théâtre c’est derrière les paupières et dans nos artères qu’on les garde intactes.
Premier fou rire ?
J’ai tout le temps l’envie de rire sur un plateau. Tutoyer le décrochage. Notre métier est joyeux. Notre privilège exige qu’à tout le moins on sourit même intérieurement dès lors qu’on joue. J’ai beaucoup de mal avec l’idée que le jeu soit un sacerdoce. J’ai travaillé sur les chantiers avec mon père. Là-bas ça rigole moins (encore que…)
Premières larmes en tant que spectateur ?
Requiem pour Srebrenica d’Olivier Py. J’avais 19 ans. Je découvrais qu’on pouvait faire œuvre poétique d’une actualité politique brûlante. Ça m’a retourné.
Première mise à nue ?
Concrètement c’était Le Sous-Locataire de Marie Dilasser par mon ami Michel Raskine. À poils complet. Le conseil municipal de Saint-Sever Calvados a voulu censurer notre représentation dans leur salle des fêtes. En vain. Et tout s’est bien passé. Mais sinon plus largement on est toujours à poils quand on joue, non ? C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai toujours envie de rire !
Première fois sur scène avec une idole ?
J’ai pas d’idole, ça prend trop de place. Dionysos à la limite mais le gars n’a jamais daigné me donner la réplique, alors bon. Sinon j’aime particulièrement jouer avec Vincent Garanger. Ce n’est pas mon idole, mais mon camarade, mon ami, mon phare impressionnant en qui je vois constamment l’enfant qu’il était. Ce mec me bouleverse à chaque fois.
Première interview ?
Stéphane Capron pour France Inter en 2015 à La Manufacture d’Avignon quand je jouais « Sur la page Wikipedia de Michel Drucker il est écrit que ce dernier est né un douze septembre à Vire ». Il était trop tôt le matin et on a causé d’Isabelle Huppert et de décentralisation théâtrale en milieu rural car ces sujets ne sont pas incompatibles.
Premier coup de cœur ?
À chaque fois que j’entends un ado ânonner pour la première fois une réplique d’Eschyle mon cœur s’emballe et je sais pourquoi je fais ce métier qui ne serait pas grand chose sans la transmission. Rendre ce qu’on m’a donné. Et à toi de jouer : tant que tu parles fort, que tu articules, que tu sais ce que tu dis, à qui tu le dis et pourquoi tu le dis : tu seras beau !
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