La rentrée de janvier sera riche avec beaucoup de spectacles en création, et d’autres déjà été créés mais peu vus en 2021 à cause de la fermeture des salles de spectacle. Ils repartent à la conquête du public. On vous aide à faire votre choix dans cette rentrée foisonnante avec cette sélection de spectacles recommandés par la rédaction de sceneweb.
Avant la retraite de Thomas Bernhard dans la mise en scène d’Alain Françon au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris à partir 12 janvier au 2 avril 2022
Un puissant trio d’acteurs parfaitement aigus et aiguisés joue Avant la retraite, une impitoyable et effroyable comédie du mal écrite par Thomas Bernhard mise en scène par Alain Françon.
Les comédiens maîtrisent des partitions redoutables et cristallisent dans leur jeu toute la méchanceté, la cruauté terrible et grinçante qui suscitent aussi bien une franche hilarité qu’un profond malaise. La satire bernhardienne est excessivement glauque et redouble de férocité. Mais Alain Françon ne cherche pas l’outrance ou la démonstration. Jamais caricaturale, d’une finesse d’où justement émane une incroyable puissance, la mise en scène et l’interprétation exacerbent la monstruosité des protagonistes sans les départir d’une réelle humanité, ce qui rend la pièce encore plus dérangeante et secouante. CC.
La Réponse des Hommes de Tiphaine Raffier du 6 au 28 janvier 2022 au Théâtre de Nanterre-Amandiers (co réalisation avec le Théâtre de l’Europe à Paris)
Inspiré des Œuvres de Miséricorde, La Réponse des Hommes s’impose comme le spectacle total d’une époque. Quatrième opus de la jeune metteuse en scène, il prouve sa pleine maîtrise dramaturgique et esthétique. La Réponse des Hommes est un spectacle riche et puissant de sa totalité. Après un large détour par la science-fiction, Tiphaine Raffier décide de regarder ses contemporains au fond des yeux, et de les mettre face à leurs contradictions, actuelles et éternelles. VB.
Le Jeu des Ombres de Valère Novarina dans la mise en scène Jean Bellorini du 13 au 30 janvier 2022 au Théâtre National Populaire de Villeurbanne
Nourris par L’Orfeo de Claudio Monteverdi, le metteur en scène et le dramaturge unissent leurs forces, leurs univers et leurs obsessions pour ce spectacle aussi délicate qu’onirique, que le public du TNP peut enfin découvrir.
Résultat d’un immense puzzle où tout, de la musique aux lumières, des costumes au jeu, du décor aux mots, s’imbrique parfaitement, Le Jeu des Ombres fait montre d’une remarquable fluidité, tel un navire qui voguerait, sans jamais chavirer, sur les flux et les reflux provoqués par la marée langagière. VB.
Bénédicte Cerutti dans Girls and Boys de Dennis Kelly au Rond-Point à Paris du 4 au 30 janvier 2022
Ce seul en scène interprété avec une belle profondeur par Bénédicte Cerutti reprend vie nous plonge dans un passionnant enfer. Avec son verbe tout en contrastes, brut, à la limite parfois de la vulgarité mais capable aussi de grandes élégances dans le style et l’analyse, l’héroïne de Girls and Boys de Dennis Kelly offre à qui s’y frotte un vaste champ des possibles. AH.
Les imprudents d’après les dits et écrits de Marguerite Duras par Isabelle Lafon à La Colline à Paris du du 6 au 23 janvier 2022
D’après divers dits et écrits de la Marguerite Duras des années 60, Isabelle Lafon compose un vivant et passionnant portrait en creux d’une femme méconnue. D’une personne libre, curieuse des autres, toujours inattendue. Les comédiens ne s’effacent jamais derrière les personnes dont ils portent tour à tour les mots, les témoignages de leur surprise et de leur joie face à une Duras méconnue. AH.
Ineffable de Jann Gallois à Suresnes Cités Danse les 18 et 19 janvier 2022
Avec ce solo robotique, Jann Gallois retrouve les racines de la break dance. La danseuse se fait musicienne –à moins que ce ne soit le contraire- dans une création comme un voyage. On feuillette les pages de cette partition chorégraphique, riche d’emprunts aux danses d’ailleurs, ici une paume offerte comme dans une gestuelle lointaine, là un bras flottant dans l’espace.
Du Japon à l’inde, Gallois navigue à vue, passe du cor au synthétiseur, imagine des boucles de son et de mouvement, défie le wadaiko, l’art du tambour, dans un même élan. PN.
Chère Chambre de Pauline Haudepin du 17 au 29 janvier 2022 au Théâtre de la Cité Internationale à Paris
Pauline Haudepin livre une pièce en eaux troubles qui, si elle danse sur un volcan, pose les bases d’un avenir prometteur. Dans sa façon d’exploser les cadres et les codes, de rebondir, toujours, là où on ne l’attend pas, la pièce ne cesse de danser sur un volcan et se doit de tenir une position d’équilibriste qui peut, à la longue, se révéler périlleuse.
Déroutante, gourmande en frottements et en frictions qui produisent quelques jolies étincelles, elle dynamite, par la bande, l’idéal socialement admis – celui d’une famille unie, dans une maison recouverte de papier peint Liberty, incarné par la bien-nommée Rose – pour lui substituer une quête plus profonde, souterraine, suffisamment diffuse, vague diront certains, pour que chaque spectateur en tire son propre corollaire. VB.
Vincent Winterhalter dans Tout l’univers d’Olivier Brunhes du 7 au 11 janvier 2022 à La Criée de Marseille
« Qu’est-ce qui reste quand tout a pété ? ». L’auteur et metteur en scène Olivier Brunhes cherche la réponse dans Tout l’univers. Le monologue délicat d’un homme seul, en marge, porté par le très juste Vincent Winterhalter.
Le rapport du théâtre au réel, pour Olivier Brunhes, ne va pas de soi. D’autant plus que depuis la fondation de sa compagnie L’Art Éclair en 2004, la part du monde qui l’intéresse, c’est celle qui vit cachée, en marge.
Si Olivier Brunhes a approché depuis 2017 le monde des sans-abris, ce n’est ni pour raconter cette expérience ni pour soumettre les hommes et femmes concernés à une quelconque analyse. Dès l’entrée en scène fracassante de Vincent Winterhalter, lui aussi compagnon de longue date de L’Art Éclair, un cadre fictionnel est clairement posé. AH.
En réalités d’après La Misère du monde de Pierre Bourdieu adapté par Marie Menechi et Alice Vannier au Théâtre des Célestins du 14 au 16 janvier 2022
Avec énergie et conviction, la jeune metteuse en scène adapte La Misère du monde, ouvrage dans lequel une équipe de sociologues, sous la direction de Pierre Bourdieu, sillonne la France pour donner à entendre des paroles inaudibles.
Tout comme il importait aux sociologues de respecter la parole des personnes interrogées en articulant les difficultés auxquelles elles font face, En réalités prend garde à mettre en perspective les entretiens. Ces derniers alternent avec des séquences où les sociologues sont au travail, les dialogues se fondant dans ce cas-là avec les textes contextualisant les enquêtes. CC.
Moanda Daddy Kamono dans Profil à la MC 93 de Bobigny du 15 au 23 janvier 2022
Le comédien porte la plume dans la plaie pour dénoncer les discriminations dans le monde du théâtre. Une adresse directe et poétique qui profite du savoir-faire de Magali Tosato et de la dextérité musicale de Rodriguez Vangama.
Fondée sur une autofiction, son adresse à ce metteur en scène non identifié retrace le chemin qui, un jour, l’a conduit jusqu’à cette salle du sixième étage. De trottoir en escalier, Moanda Daddy Kamono détaille sa soif de théâtre, son désir viscéral d’être au plateau. Loin de céder à la complainte hargneuse, il préfère prendre le mal à revers et s’interroger sur ce que pourrait bien être son « profil », quitte à examiner la pertinence d’une telle acception.
Une télévision française de Thomas Quillardet au Théâtre de la Ville de Paris du 5 au 22 janvier 2022
Dans un savant mélange de théâtre documentaire et de fiction, le metteur en scène retrace la bascule de TF1 dans le giron du privé, et analyse, avec une infinie justesse, ses conséquences sur le quotidien de bon nombre de journalistes d’hier et d’aujourd’hui.
Avec un tel projet, Thomas Quillardet prenait le risque de tomber dans la caricature. Il n’en est rien. Nourri par une série d’entretiens avec une quarantaine de journalistes, anciens ou actuels de TF1, mais aussi issus d’autres rédactions comme Mediapart ou France 2, le metteur en scène décrit, en détail et avec une infinie justesse, la tâche quotidienne de nombre de professionnels, d’hier comme d’aujourd’hui, en proie aux doutes et à la crainte constante de l’erreur, en guerre souterraine pour défendre leur pré-carré ou pour obtenir un poste de correspondant à l’étranger, fascinés par des faits d’une extrême dureté ou négligeant la culture que beaucoup considèrent comme la derrière roue du carrosse. CC.
Clotilde Hesme et Pascal Sangla dans Stallone au Petit Saint-Martin à Paris du 4 janvier au 26 février 2022
Créé en 2019 au 104, Clotilde Hesme est toujours dans la peau de Stallone. Avec le cinéaste Fabien Gorgeart, elle a adapté la nouvelle d’Emmanuèle Berhnheim publiée en 2001 dans Le Monde. La scénariste et romancière avait imaginé le destin d’une jeune femme dont les instants de sa vie sont rythmés par les sortis des films de la star américaine. Un spectacle d’une beauté incroyable. SC.
Marylin, ma grand-mère et moi de Céline Milliat-Baumgartner au Petit Saint-Martin à Paris du 11 janvier au 9 avril 2022
Après sa rencontre avec Pauline Bureau, Céline Milliat-Baumgartner mêle son univers à celui de Valérie Lesort. Un tête-à-tête artistique et intime où elle entrecroise les destins de sa grand-mère et de Marylin Monroe, symboliques de la dureté de la condition féminine.
Céline Milliat-Baumgartner n’est jamais aussi à l’aise qu’à contre-courant, celui d’un fleuve familial tumultueux qu’elle remonte inlassablement pour en trouver la source. Dans Les Bijoux de pacotille, déjà, la comédienne, et désormais dramaturge, invoquait des fantômes, ceux de ses parents, décédés prématurément dans un dramatique accident de la route. VB.
La Trilogie des Contes Immoraux (Pour l’Europe) de Phia Ménard du 6 au 12 janvier 2022 à la MC 93 de Bobigny
Phia Ménard a complète sa Trilogie des contes immoraux et livre un triptyque performatif d’une force symbolique et d’une puissance plastique saisissantes. Il faut la voir cette Athéna punk en diable, tatouages sur les jambes, perfecto rouge sur les épaules, masque noir sur les yeux, assise là, au fond de la scène, patientant comme on attendrait son heure.
Il faut la voir encore se lever, visage fermé, regard déterminé, scruter l’aplat de carton qui recouvre une large partie du plateau, puis empoigner une pique, tel un hoplite de la Grèce antique, pour commencer sa grande œuvre. Il faut la voir enfin se battre, pendant près d’une heure et demie, avec ce monument qu’elle tente d’édifier à grands coups de ruban adhésif et avec l’aide de simples cales, ce Parthénon miniature, emblème de la démocratie, qui parfois lui résiste. VB.
Vincent Dissez dans Un jour, je reviendrai de Jean-Luc Lagarce dans la mise en scène de Sylvain Maurice au Théâtre 14 à Paris du 19 au 29 janvier 2022
Dans Un jour, je reviendrai, Sylvain Maurice rassemble deux récits de Jean-Luc Lagarce. Deux monologues autobiographiques où la mort côtoie la vie de près, interprétés par un Vincent Dissez qui excelle dans l’art délicat d’incarner un revenant.
Sur un plateau aussi nu que son torse, Vincent Dissez aborde L’Apprentissage comme on approche un ami dont la vie nous a séparé depuis longtemps. Avec douceur, avec une joie mêlée d’appréhension. Cet ami, c’est sans doute Jean-Luc Lagarce lui-même, dont il porte les mots autobiographiques sans chercher à l’incarner. D’une sobriété qui confine à l’effacement, Vincent Dissez se fait dès ses premières phrases « revenant », terme employé par l’auteur pour désigner les nombreux morts qui habitent son œuvre, souvent à travers les vivants. AH.
Denis Lavant dans L’Image de Beckett dans une mise en scène de Jacques Osinski au Théâtre du Lucernaire du 4 au 23 janvier 2022
Le metteur en scène et le comédien poursuivent leur compagnonnage fructueux avec l’œuvre de Samuel Beckett et transforment quatre de ses « petits » textes en jolis joyaux.
En habile éclaireur de la langue de Beckett, muni de sa diction parfaite, Denis Lavant profite, dans le phrasé qu’il instaure, de ces ruptures et sculpte, couche après couche, cette image jusqu’à lui offrir toute la plénitude de son relief. Avec une servante pour unique accessoire et un projecteur pour seul soutien, il bâtit un paysage, fait de monts trompeurs et de vallées saumâtres. VB.
The Normal Heart de Larry Kramer mise en scène de Virginie de Clausade au Théâtre La Bruyère à partir du 20 janvier 2022
C’est tambour battant que les sept comédien.nes de The Normal Heart portent la première pièce de Larry Kramer exhumée par Virginie de Clausade. Régulièrement jouée aux Etats-Unis, la pièce est passée inaperçue en France malgré sa force de frappe incontestable. Larry Kramer y fait preuve d’une pertinence narrative et d’un sens dramatique remarquables.
Virginie de Clausade s’en empare avec une distribution magistrale, déployant une mise en scène fluide et rythmée centrée sur le jeu des acteurs. Le décor est sobre, à minima. Seuls quelques éléments de mobilier composent l’espace. Les costumes contextualisent l’époque avec subtilité. Le sel du spectacle, ce sont les comédiens, tous exceptionnels, qui portent le texte avec une fougue et un engagement palpables. MP.
Extrait des critiques de Vincent Bouquet, Christophe Candoni, Stéphane Capron , Caroline Châtelet, Anaïs Heluin, Philippe Noisette et Marie Plantin.
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