Formé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Thibault Vinçon joue sous la direction de Claudia Stavisky, Richard Brunel, Stéphane Braunschweig, Georges Lavaudant et Denis Podalydès. Il sera Alceste dans Le Misanthrope, première création de Simon Delétang au Théâtre de Lorient.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Parfois à en être malade, oui. Je m’en guéris petit à petit dans le regard de mes partenaires, dans l’assentiment du public, dans l’idée que tout ça n’a pas tant d’importance, qu’on fait ce qu’on préfère faire au monde et aussi, parfois, dans l’observation d’un détail dérisoire : un parapluie qui dégouline au premier rang, un gobelet abandonné sur la table de régie ou un cure-dent coincé dans les rainures du plancher.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Dans une forme d’hébétude joyeuse. Le plus souvent, je traîne autour du théâtre. J’arrive tôt, puis, dans un rituel emprunté à Dario Fo, je me mets en tenue de sport, je cours une heure, je me douche, puis je m’allonge sur le plateau dans un peignoir et je ruisselle sereinement dans le brouhaha du plateau qui s’anime, du va-et-vient des techniciens et des partenaires. J’essaie de faire la part du vide.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Une seule, oui : ne jamais faire d’italienne.
Première fois où je me suis dit « Je veux faire ce métier » ?
Mon grand frère m’emmenait souvent au théâtre vers 12 ou 13 ans. On prenait des places à dix balles au dernier moment à l’Odéon ou à la Comédie-Française, on voyait des spectacles d’Engel, de Chéreau, de Vitez… Je me souviens qu’en voyant le Roi Lear dans la mise en scène de Deborah Warner avec Brian Cox et Ian McKellen, j’ai eu terriblement envie d’être sur le plateau, d’en être, d’en faire partie, mais, dans le même instant, j’ai dû me sentir très démuni, ne pas savoir comment faire, ni quel chemin emprunter.
Premier bide ?
Je jouais un monologue totalement abscons au bord d’un bassin à poissons dans un dispositif déambulatoire à la Cité internationale. Les copains qui sont venus en ont encore des fous rires. Je n’aurais pas voulu mourir après ce spectacle.
Première ovation ?
Je ne sais plus. Modestement, il y en a eu quelques-unes et je voudrais n’oublier personne.
Premier fou rire ?
Je me réveille souvent au milieu d’un fou rire, c’est curieux, je ne sais pas pourquoi. Au théâtre, je ne suis pas très rieur, mais l’oeil frisant et fou de certains partenaires – je pense à Christian Hecq entre autres – est proprement irrésistible.
Premières larmes en tant que spectateur ?
J’ai peur d’« inventer » a posteriori ces premières larmes, mais je dirais avec certitude que j’ai été transpercé par La Ville Parjure au Théâtre du Soleil, par le Platonov de Lacascade dans la Cour d’honneur et par La Casa de la fuerza d’Angélica Liddell à l’Odéon, après avoir été totalement exaspéré par le début de ce spectacle – un éternel merci à Malik Zidi dont l’enthousiasme merveilleux m’a retenu après le premier entracte. Honneur soit fait à tous ceux qui s’entêtent, donnent une chance, prennent patience.
Première mise à nu ?
Je me suis souvent retrouvé à poil dans des films ou des pièces sans pour autant me sentir nu ou « à nu ». Je suis un partisan de la pudeur.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je ne suis pas du tout idolâtre. Sans angélisme, je dirais que mes idoles sont ceux qui essaient, se trompent, tombent, se relèvent, donc beaucoup des gens avec qui j’ai eu le privilège de jouer.
Première interview ?
Celle que j’inventais en sortant mon chien quand j’étais ado. Je répondais à mes propres questions avec pas mal de détachement et d’humour en regardant mon chien chier dans les thuyas de la Poste. Je trouvais un mot juste et chaleureux pour chacun de mes célèbres partenaires, prenait un air inspiré pour parler du réalisateur mondialement connu qui avait bien voulu me confier le premier rôle de son film, et concluais en disant que ce métier n’avait pas tant d’importance, que je pourrais aussi bien faire autre chose, que l’essentiel était ailleurs.
Premier coup de coeur ?
Je ne sais plus. Il y a en a eu tant. Peut-être Jean-Yves Dubois explosant dans le soleil à la fin du Caligula de Youssef Chahine à la Comédie-Française ? Mais je peux peut-être parler du dernier. J’ai eu un coup de coeur l’an passé en voyant Thierry Gibault jouer Une trop bruyante solitude d’après Bohumil Hrabal au merveilleux festival du Garage Théâtre qu’ont créé Lou et Jean-Paul Wenzel à Cosne-sur-Loire.
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