Après s’être formé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris dans les classes de Pierre Vial, Madeleine Marion, Jean-Pierre Vincent et Viviane Théophilidès, Éric Génovèse entre à la Comédie-Française le 1er décembre 1993. Le 499e Sociétaire créé cette semaine Trois Fois Ulysse de Claudine Galea, dans une mise en scène de Laëtitia Guédon au Théâtre du Vieux-Colombier de la Comédie-Française.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Énormément ! Ce sont les soirs où, comme beaucoup de mes collègues, je me demande pourquoi je fais ce métier ; pourquoi je m’inflige ça, cette peur de ne pas être à la hauteur, cette pression ; j’aimerais être partout sauf là, faire le métier le moins engageant qui soit.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
En me tendant des pièges. L’objectif est de ne pas trop attendre l’heure de la représentation, de faire semblant que c’est une journée comme une autre. La veille je me couche très tard et je dors le plus longtemps possible pour qu’elle soit moins longue. Puis je cherche à m’aligner avec le temps présent, à éviter l’anticipation, à lâcher toute volonté d’être au mieux car c’est précisément ce qui conduit à ne pas l’être. En résumé je cherche (vainement souvent) l’ abandon que je vais trouver dans les jours qui suivent.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Pendant les dernières répétitions de chaque spectacle se met en place ce que va être ma vie en coulisse tout au long de son exploitation. Une heure d’arrivée s’impose à moi, des circulations, des rendez-vous avec chacune des personnes qui travaillent sur le spectacle, avec mes partenaires. C’est une sorte de partition parallèle à celle du rôle. Je ne m’éloigne jamais trop du plateau. Et puis mes parents disparus sont à mes côtés : je leur parle quand j’ai peur. Il y a un endroit où les vivants et les morts peuvent cohabiter, c’est de toute évidence dans un théâtre. Tout y est fait de mémoire.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
J’avais 9 ans, je me sentais exclu par ceux de mon âge. Je me promenais dans le vieux Nice avec ma mère. J’ai été interpellé par un panneau où était inscrit « Cours de Théâtre ». J’ai immédiatement demandé si je pouvais y aller alors que je n’avais jamais vu un spectacle. Je ne cherchais pas encore un métier mais un enracinement, un lieu de parole.
Premier bide ?
Premier concours d’entrée au conservatoire. Même pas reçu au premier tour ! Je l’ai eu l’année suivante !
Première ovation ?
Lors d’un atelier de dernière année du Conservatoire national. Je jouais Oreste de Vittorio Alfieri qu’ avait dirigé mon professeur, la grande Madeleine Marion .
Premier fou rire ?
Je ne sais pas si c’est le premier mais le plus incongru : nous jouions La Place Royale de Corneille à Aubervilliers mis en scène par Brigitte Jaques et dans la scène finale, nous étions assis autour d’une table, accablés car Angélique annonçait sa décision d’entrer au couvent quand soudain le bouchon d’une bouteille de champagne posée sur la table a sauté. Un fou rire irrépressible nous a gagnés l’un après l’ autre, puis la salle entière !! C’est devenu totalement irréel.
Premières larmes en tant que spectateur ?
Il y a deux souvenirs très forts : un lié à la musique : à 18 ans j’ai découvert l’opéra. Un ami m’a emmené voir Don Carlo de Verdi. La distribution dont j’ignorais tout était composée de légendes: (Grace Bumbry, Nicolai Ghiaurov entre autres) et je me souviens qu’à la mort de Posa, que chantait avec une intensité folle Alain Fondary, j’ai été submergé par les larmes.
L’autre souvenir est théâtral : je dois à Dominique Valadié une émotion si forte la première fois que je l’ai vue jouer que je suis resté un bon moment en état de choc. Je lui voue une admiration sans bornes.
Première mise à nu ?
Je l’ai amorcée la première fois que j’ai mis les pieds sur une scène ; j’y ai compris que le dépouillement et la vulnérabilité étaient des forces. C’est le travail de toute une vie.
Première fois sur scène avec une idole ?
Tout de suite après le Conservatoire sous la direction de Pierre Vial , nous avons enregistré publiquement à Avignon un hommage au grand auteur Jean Audureau. J’y partageais la scène avec Denise Gence que j’admirais et qui m’impressionnait beaucoup. En sortant de scène, elle m’a donné un coup sur l’épaule et m’a dit : « Tu es tatoué. Te voilà comédien ! » Un honneur !
Première interview ?
C’était au « Pop Club » de José Arthur en direct du Fouquet ‘s. J’étais un tout jeune acteur, je ne faisais pas de cinéma., uniquement du théâtre. A ce moment-là, il était également fréquent d’ être interviewé au journal de 20h sur les chaînes nationales après une première du Français.
Premier coup de cœur ?
La Comédie -Française, sa Troupe, son histoire. J’en suis tombé amoureux. Je crois qu’il me fallait m’inscrire dans quelque chose de beaucoup plus grand que moi. J’ai la chance d’y être entré et d’y avoir trouvé ce sentiment d’appartenance que je cherchais enfant.
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