Aujourd’hui, Jean-Luc Lagarce est un auteur « classique », dans le sens où personne ne lui conteste son appartenance au Panthéon dramatique. Il est joué sur les plus grandes scènes comme les plus modestes. Difficile de se souvenir, dans une actualité riche en productions qui s’entrechoquent, que Lagarce n’a pas connu le succès de son vivant.
Jean-Luc Lagarce nait en pays de Montbéliard de parents ouvriers chez Peugeot. Une fois son bac en poche, il quitte la campagne pour la ville : il s’installe à Besançon pour étudier la philosophie. En parallèle, il fonde une compagnie amateure, La Roulotte, avec la bande de copains du petit conservatoire de la capitale Bisontine. Jean-Luc Lagarce adapte alors L’Odyssée ou Les Atrides. Suivant le chemin de la professionnalisation, celui qui est d’abord considéré comme un metteur en scène, restera attaché toute sa vie à l’idée de la décentralisation. Inlassablement, dans les années 80 et 90, entre Besançon et Belfort, il monte ses propres pièces et aussi beaucoup d’auteurs « classiques » (Racine, Marivaux, Crébillon, Molière mais aussi Labiche et Ionesco…).
En parallèle de cette aventure de troupe, Jean-Luc Lagarce affute sa plume depuis la fin de l’adolescence. En juin 1976, il a 19 ans et adresse à Lucien Attoun ses premières pièces. Se tisse alors un lien qui perdurera jusqu’à la mort de l’auteur. Lucien et Micheline Attoun sont ceux qui se sont le plus battus afin de faire connaitre ses productions au moyen de l’émission Le Nouveau Répertoire Dramatique sur France Culture où il est diffusé dès 1980, puis, plus tard, à Théâtre Ouvert. Jean-Luc Lagarce les surnommait affectueusement Attoun et Attounette dans la correspondance qui le liait avec le couple. Lors de l’inauguration de l’esplanade Jean-Luc Lagarce à Besançon, en 2007, Micheline Attoun a tenu à rappeler à quel point cela a été difficile de faire connaître le jeune auteur malgré un soutien constant.
Après sa mort, en 1995, quelques metteurs en scène (dont Olivier Py), s’attaqueront à ses textes. Mais c’est en 2000 que l’auteur est enfin connu du grand public : la mise en scène de Juste la fin du monde par Jean-Luc Jouanneau est considérée comme celle qui a fait éclore le dramaturge. Avec la même pièce, il entre au répertoire de la Comédie-Française, sous la baguette de Michel Raskine, en 2008. Désormais, les pièces de Lagarce sont traduites dans une vingtaine de langues, il fait l’objet de travaux d’étudiants en arts du spectacle et, en 2017, Xavier Dolan adaptait sa prose au cinéma. Lagarce est mort à 38 ans (en 1995), mais il est devenu éternel. Toutes ses pièces sont éditées aux Éditions des Solitaires Intempestifs.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Dans une étude que j’ai faite pour le ministère de la culture, portant sur le répertoire de l’ensemble des compagnies dramatiques subventionnées en France sur les années 2001 à 2003, Lagarce apparaissait comme l’auteur contemporain le plus joué, de très loin. Toutes « catégories » confondues, il était joué presque autant que des classiques comme Molière.