Carnets de création (4/28). Eric Wurtz signe depuis 35 ans les lumières des spectacles de Mathilde Monnier. De La Ribot à Lucinda Childs en passant par Ashley Chen ou le Ballet de Lorraine, la liste des artistes pour lesquels il travaille ne cesse de s’allonger. Portrait d’un créateur lumière qui traduit « dans un espace lumière le moteur interne d’une pièce ».
Dans son approche créative Eric Wurtz envisage chaque collaboration comme un dialogue. A quel moment entre-t-il dans la danse ? « C’est très variable, cela peut être très en amont, au cours d’entretiens, où nous élaborons des orientations et définissons des concepts, en regard des intentions du chorégraphe. Puis il existe une phase de maturation ou il faut inventer la lumière, la construire et la structurer. Pour élaborer un plan de feux qui permettra d’expérimenter le dispositif au cours des répétitions. Les échanges peuvent commencer, disons 6 mois avant la création. Par ailleurs, suivant les productions, ces temps peuvent être extrêmement réduits, il faut pouvoir osciller entre deux formes de combustion : la vive et la lente ». Cet « artisan » créateur parle de son métier avec une simple évidence. « Mettre en lumière c’est traduire dans un espace lumière le moteur interne d’une pièce. En général nous sommes maître dans notre champ et force de proposition. « » Avec une chorégraphe comme Mathilde Monnier il a tissé un long compagnonnage. Depuis Mort de rire en 87. 35 ans plus tard, leur collaboration est toujours aussi forte. « Une très longue collaboration est un atout précieux, qui témoigne du partage d’une même esthétique et politique en quelque sorte ». De La Ribot à Lucinda Childs, la liste est longue de ses rencontres. « Les outils et la technologie n’ont cessé d’évoluer, mais au cœur du processus, dans l’acte de création on trouve les mêmes moteurs, curiosité, tension et ironie, peut-être… Je peux espérer que l’expérience et le savoir-faire me permettent d’être plus habile, tout en maintenant un esprit de recherche et d’expérimentation. J’entame une phase différente, j’ai moins de nécessité de travailler et c’est plus facile de choisir les projets dans lequel je m’engage. Depuis longtemps je rêve à une sorte d’atelier consacré à la lumière, ce sera, qui sait, le moment. »
Eric Wurtz pense que le monde (du spectacle) d’après sera autre. « Certainement différent, ne serait-ce qu’en terme de financement, sans doute de format et de relation avec le public. On ne peut pas sortir indemne d’une telle crise. Les questions liées à l’éco-conception prennent de plus en plus de place. Comment allons-nous revenir aux collaborations internationales, à la circulation des œuvres et est-ce que la culture va rester au cœur des politiques publiques ? ». Un nombre considérable de défis seront à relever à ses yeux. « Matthias Langhoff a écrit un très bon texte en avril 2020 , « Donner congé aux destructions de la culture ». Il cite Brecht dans son livret d’opéra, La Décision, « Ändere die Welt, sie braucht es. – Changez le monde, il en a besoin ».
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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