La nouvelle production de la Comédie-Française, jouée au Théâtre du Vieux-Colombier, est mise en scène par David Lescot. En compagnie de Denis Podalydès, on y découvre Pauline Clément, dernière pensionnaire arrivée dans la troupe.
Quelle ironie que ces Derniers jours de l’humanité par Karl Kraus ! Dans une scénographie apocalyptique – la scène est jonchée de débris de pianos – les vidéos d’archives de la Grande Guerre complètent le décor. Bel hommage au cinéma muet que ces retrouvailles scéniques entre piano et images muettes. Quelques cadavres, des villes en ruine et des éléments de vie installent une ambiance à contrepied du vécu des personnages.
Car pour ces derniers, tout va bien dans le meilleur des mondes. La pièce est une succession chronologique de tableaux, où des Autrichiens ressentent la guerre au quotidien. Le moins que l’on puisse remarquer, c’est qu’ils la vivent bien… On assiste à une sorte de méthode Coué à l’échelle d’un peuple. Loin du front, ils semblent totalement déconnectés de la réalité. Ils vont au café, chantent leur amour des infirmières, se privent avec joie, confessent leurs infidélités ou prêchent allègrement les bienfaits de la guerre.
La fin de l’humanité réside ici, dans cette inconscience, à la fois dramatique et terriblement drôle vue du public : ces êtres semblent ne pas se rendre compte d’être arrivés à leur propre fin. Heureusement, le vernis craque pour dévoiler le drame le plus complet au dernier quart d’heure du spectacle. Une fin réalisée de manière trop tragique – mais serait-ce possible de le faire autrement ? – et qui nous agace plus qu’elle ne nous touche.
On retient malgré cela un Denis Podalydès au sommet de son art. Tour à tour, il est exalté, il est le vieux, le soldat ou la mégère. Il est Vienne et les Autrichiens. Les autres acteurs tiennent le rythme, parmi lesquels la juvénile Pauline Clément qui fait son entrée à la Comédie-Française ; la variété des personnages qu’elle interprète en si peu de temps, laisse présager que cette recrue saura épanouir son talent dans la maison.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Les Derniers Jours de l’humanité de Karl Kraus
traduction : Jean-Louis Besson et Heinz Schwarzinger
Conception et mise en scène : David Lescot
Scénographie : Alwyne de Dardel
Costumes : Sylvette Dequest
Lumières : Laïs Foulc
Conseiller artistique aux images d’archives : Laurent Véray
Collaboration artistique : Charlotte Lagrange
Assistante aux costumes : Magali Perrin-Toinin
Conseiller technique à la vidéo : Serge Meyer
Avec : Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli, Denis Podalydès, Pauline Clément et Damien Lehman, piano
Avec la participation de l’ECPAD ( Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle pour la Défense) pour les images d’archives, du CNC (Centre national du cinéma) et du musée Albert Kahn
En coproduction avec la Compagnie du KaïrosVieux-Colombier
du 27 janvier au 28 février 2016
20h30 du mercredi au samedi
15h les dimanches
19h les mardis
Durée : 1h50
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