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Castorf dénude Don Juan et le traîne dans la boue

À la une, Coup de coeur, Les critiques, Montpellier, Théâtre

photo Matthias Horn

Frank Castorf a présenté en ouverture du Printemps des comédiens de Montpellier un Don Juan de Molière puissant et provocant, génialement décadent. En attendant son Bajazet d’après Racine et Artaud cet automne à Lausanne puis à Bobigny.

Après avoir porté Molière lui-même à la scène dans Die Kabale der Scheinheiligen, l’ancien directeur de la Volksbühne de Berlin revient au dramaturge français et met en scène un de ses chefs-d’oeuvre, Don Juan, dans un spectacle monstre créé au Residenztheater de Munich. Pour s’attaquer à un tel mythe, Castorf commence par le dédoubler. Ce n’est pas un mais deux Don Juan qui entrent en scène, non sans une certaine désinvolture provocatrice. Campé par le beau Franz Pätzold, star montante du théâtre allemand, Don Juan est la jeunesse et la vitalité incarnées, une sorte de dandy arrogant et affolé, plein de manières, en perruque blonde et lunettes de soleil. Sous les traits de Aurel Manthei, Don Juan paraît plus mur, plus viril, plus sombre et désabusé. Moins gravure de mode que son double, l’acteur est à l’évidence plus taillé pour les valets de comédie. Sauf que chez Castorf, le rôle de Sganarelle n’est pas distribué. Si le metteur en scène renonce au raisonneur et décide de répartir ses meilleures répliques entre les autres personnages, c’est pour se focaliser sur l’ambiguïté du rôle-titre porté par cet étincelant duo. Plein d’outrance et d’exubérance et pourtant toujours juste et précis, le tandem arbore des costumes de Cour, plumes, masques, en tout genre, ou bien s’exhibe, le corps et le sexe nus, pour s’asperger de Coca-Cola, de flotte, se maculer de boue, de lait ou d’excréments. Il s’adonne aux pires obscénités, et ce, en toute liberté.

Ce n’est évidemment pas la gentille galanterie d’un seigneur qui est ici traitée mais l’indiscipline et l’insoumission ravageuses d’un avide libertin. Plus que la séduction, c’est le décadentisme de Don Juan qui inspire Frank Castorf. Tapageur, blasphémateur, son Don Juan sème le trouble tant il est épris d’absolu et ce jusqu’à la destruction.

La pièce se place sous le signe de la peste, autant dire du sale, du soufre, de la putridité. Le personnage pustuleux bien que fort apprêté est traîné dans la fange. Il souille autant qu’il est souillé. Il éructe, crache de la bile et du sang. Son monde est malade, gangrené. Il est aussi factice. Castorf aime jouer avec la théâtralité en faisant abonder les occurrences d’un carnaval vénitien ou d’une revue de music-hall. Le décor d’Aleksandar Denić est d’abord celui d’une salle de théâtre à l’ancienne avec ses planches de bois, ses toiles peintes, ses éclairages aux chandelles. La scène postée sur une tournette fait par la suite apparaître le cadre rustique dans lequel évoluent Pierrot et Charlotte, présentés en éleveurs de boucs. Trois belles bêtes à cornes prennent place dans un enclos fourni en foin et font sensation.

Autour d’elles, Bibiana Beglau en Elvira rageuse et éplorée, Marcel Heuperman en Pierrot farce et touchant, Nora Buzalka en mutine Charlotte et tous les acteurs sont absolument exceptionnels de force et d’engagement. Chacun déploie une formidable liberté de jeu sous l’impulsion de Castorf qui livre une fois de plus un geste considérablement fou et insolent sur une œuvre phare du répertoire. Fidèle à ses habitudes, il torpille, remanie, réinvente. Molière se voit entaillé et tout à coup enrichi de textes de Georges Bataille, de Heiner Müller, de Alexandre Pouchkine, de Blaise Pascal, autant de plumes qui rendent compte du pouvoir transgressif du donjuanisme. Dans ce spectacle funèbre et flamboyant à la fois, Castorf hypertrophie un Don Juan défiant fiévreusement la vie, la mort et le théâtre.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Don Juan d’après Molière Avec : Bibiana Beglau, Nora Buzalka, Marcel Heuperman, Aurel Manthei, Franz Pätzold, Jürgen Stössinger
Et : Farah O’Bryant et Julien Feulliet
Caméra : Josef Motzet et Jaromir Zezula
Trois chèvres
Mise en scène : Frank Castorf
Scénographie : Aleksandar Denic
Costumes : Adriana Braga Peretzki
Composition : William Minke
Lumière : Gerrit Jurda
Dramaturgie : Angela Obst
Vidéo et montage live : Marie-Lena Eissing
Son : Thomas Hütti et Maximilian Loibl
Photos : Matthias Horn

Printemps des Comédiens 2019
1er et 2 juin – PREMIERE EN FRANCE
Spectacle en allemand surtitré en français.

3 juin 2019/par Christophe Candoni
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