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Avec « Manières d’être vivant », Clara Hédouin suit Baptiste Morizot à la trace

A voir, Bobigny, Les critiques, Marseille, Théâtre, Villeurbanne
Clara Hédouin crée Manières d'être vivant d'après Baptiste Morizot au TNP
Clara Hédouin crée Manières d'être vivant d'après Baptiste Morizot au TNP

Photo Christophe Raynaud de Lage

Après avoir exploré Alexandre Dumas et Jean Giono, Clara Hédouin s’empare de la pensée complexe du philosophe du vivant pour observer, avec audace et une immense sensibilité, ce que les humains et les non-humains ont en partage.

Manières d’être vivant posait un triple défi à Clara Hédouin : s’approprier la boîte noire d’une salle de théâtre à laquelle, jusqu’ici, pour Les Trois Mousquetaires comme pour Que ma joie demeure et Prélude de Pan, elle avait toujours préféré les environnements extérieurs ; travailler avec des comédiennes et des comédiens qui ne font pas partie de sa troupe de fidèles compagnons de route ; et parvenir à traduire scéniquement un texte intrinsèquement philosophique : Manières d’être vivant de Baptiste Morizot. Au cours des dernières saisons, les travaux du philosophe, spécialiste des relations entre l’humain et le vivant, ont inspiré un nombre croissant d’artistes, de Pauline Ringeade à Jérôme Bel, qui, chacun à leur endroit, se sont emparé de Pister les créatures fabuleuses, en passant par Aurore Fattier et le premier épisode de sa série Paysages avec traces. Cette tendance, dans laquelle Clara Hédouin s’inscrit aujourd’hui après être passée par Dumas et Giono, est d’autant plus surprenante que le matériau fourni par Baptiste Morizot n’a, en théorie, rien d’un substrat théâtral. Au contraire. Fourmillants, prolixes, souvent complexes, ses écrits répondent avant toute chose à un impératif de construction et de structuration d’une pensée qui, aussi vivifiante soit-elle, s’accommode a priori mal, au-delà, sans doute, du mode de la conférence, aux contraintes et aux attendus du théâtre. Manières d’être vivant, comme d’autres, n’échappe pas à cette impression. Et pourtant, grâce à l’adaptation qu’elle co-signe avec Romain de Becdelièvre et l’ensemble des membres de la distribution, Clara Hédouin apporte, avec son lot de tremblements d’où émane une immense sensibilité, la preuve évidente du contraire.

Pour réussir ce tour de force, la metteuse en scène est revenue au point de départ et s’est inscrite dans les traces de Baptiste Morizot, dans sa façon de faire advenir la pensée. Loin d’être un intellectuel en chambre, le philosophe est un homme de terrain, en prise avec la Nature et surtout avec les non-humains qui la composent, et qu’il se plait à pister pour apprendre à mieux les connaître. De cette pratique, à laquelle elle s’est, elle aussi, adonnée, Clara Hédouin a fait un moteur dramaturgique. Sous sa houlette, Manières d’être vivant, avant d’être un essai, devient une aventure où un petit groupe de passionnés du vivant se risque, la fleur au fusil. Réunis au col de la Bataille, dans le Vercors, cette « porte mythique pour basculer de l’autre côté du monde », ils observent d’abord les milliers d’oiseaux qui, l’espace d’un instant, passent ici pour poursuivre leur long voyage migratoire vers l’Afrique. Leur compteur manuel de personnes en main, ils comptent les hirondelles, observent l’attitude des passereaux et des mésanges, eux-mêmes surveillés par les balbuzards, les faucons crécerelles et les milans royaux. Et puis, une fois renommés avec des noms de facultés – Doute, Raisonnement, Poésie, Imagination, Amour et Attention –, ces enquêteurs-philosophes se lancent à la recherche du plus mythique des animaux montagnards : le loup. Bon an mal an, l’équipage se met alors en quête d’une grotte d’où il pourrait plus facilement observer la meute qui, selon les ouï-dire, se serait installée dans la région. Après une soirée un peu trop arrosée dans une cabane avec une horde de skieurs, le petit groupe entend un premier hurlement, auquel l’un de ses membres se hasarde à répondre ; puis, à la surprise générale, un deuxième, un troisième, un quatrième, un cinquième, comme si l’animal présent aux alentours voulait établir un contact.

Au gré des épisodes qui structurent le parcours qui s’ouvre en pleine nature, l’aventure se dédouble et devient, tout à la fois, une exploration de l’environnement et des non-humains qui l’habitent, pour tenter – en se débarrassant, même si la tâche est ardue, de tout réflexe anthropomorphique – de mieux comprendre leur comportement et de mieux appréhender leur place, et une introspection des humains eux-mêmes et de tout ce qu’ils doivent à ceux que bien trop souvent ils négligent – quand ils ne les détruisent pas. Intellectuellement exigeante, cette double quête n’en est pas moins stimulante dans sa façon de bousculer les certitudes, de déciller les regards et d’apprendre à voir autrement. Lorsqu’ils ne se laissent pas happer, et diriger, par la pensée de Baptiste Morizot, et qu’ils se l’approprient pleinement – sans, pour autant, la réduire et l’affadir –, Baptiste Drouillac, Adrien Guiraud, Manon Hugny, Maxime Le Gac-Olanié, Liza Alegria Ndikita et Jenna Thiam réussissent à s’en faire les passeurs habiles et joueurs, capables de jongler avec ses concepts et de les mettre à notre portée, comme dans le dernier épisode du spectacle consacré à ces ancestralités animales que les Hommes ont en héritage et qui structurent autant leur mode de fonctionnement que leur manière de saisir le monde. À la force de leur jeu qui, s’il n’était pas exempt de certaines fragilités au jour de la troisième, étonne par son niveau d’engagement, les comédiennes et les comédiens transforment alors le plateau en immense terrain de réflexion que, à la manière de grands enfants turbulents, ils malaxent, échafaudent, bricolent pour mieux s’en emparer, mais aussi pour faire corps. Corps avec cette nature et ces non-humains qui ont avec eux, et avec nous, des liens aussi souterrains qu’indéfectibles, mais également corps ensemble, au long de cette aventure qui, au fil du temps et des innombrables découvertes, crée une communauté avec l’édification de la pensée comme subtil fer de lance.

Pour la faire advenir, Clara Hédouin utilise la boîte noire comme surface de projection : projection de l’imaginaire des spectatrices et spectateurs, mis à contribution pour répondre à la logique immersive du texte et souscrire au deal théâtral qui est proposé, mais aussi projection de tableaux, d’une beauté souvent renversante. Avec le talentueux concours de la créatrice lumières Elsa Revol et du scénographe Arthur Guespin, la metteuse en scène prouve qu’elle maîtrise aussi bien le plateau de théâtre que les scènes extérieures. De la neige qui, en une brève tempête, blanchit le sol pour mieux révéler les traces de celles et ceux qui la foulent aux images de caméras infrarouges qui, par effet de contraste, permettent d’épier les loups dans leur environnement naturel – qu’ils soient en famille ou à la poursuite de troupeaux de moutons, sous la bonne garde de chiens de protection –, en passant par ce moment inaugural où, dans un noir particulièrement profond, les comédiennes et les comédiens fendent la nuit d’un même hurlement, elle réussit non pas seulement à instaurer une ambiance, mais bien à émerveiller, et à émouvoir. Surtout, elle convoque l’ensemble de sa grammaire scénique, parfaite au contact du dehors, et n’hésite pas, dans sa direction d’actrices et d’acteurs, à mobiliser le plein potentiel énergétique de celles et ceux dont elles orchestrent les pas pour activer le plateau. Comme s’ils étaient en pleine nature – ce qu’ils seront, à partir du mois de juin 2026, lors de la création de la version extérieure du spectacle –, toutes et tous courent, sautent, bondissent, comme si les ancestralités animales dont ils sont pétris s’inscrivaient autant dans leurs corps que dans leurs esprits.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Manières d’être vivant
d’après l’essai de Baptiste Morizot
Co-écriture Clara Hédouin, Romain de Becdelièvre
Adaptation collective du texte
Mise en scène Clara Hédouin
Avec Baptiste Drouillac, Adrien Guiraud, Manon Hugny, Maxime Le Gac-Olanié, Liza Alegria Ndikita, Jenna Thiam
Collaboration artistique Éric Didry, Estelle Zhong Mengual
Assistanat à la mise en scène Jaomin Vasseur
Scénographie Arthur Guespin
Lumière Elsa Revol
Son Manuel Coursin
Costumes Clara Hubert
Régie générale André Neri
Décor et costumes Ateliers du TNP

Production Manger le soleil
Coproduction Théâtre National Populaire ; Nest, Centre dramatique national de Thionville-Grand-Est ; La Criée, Théâtre national de Marseille ; Théâtre + Cinéma, Scène nationale Grand Narbonne ; Théâtre La Passerelle, Scène nationale de Gap et des Alpes du Sud ; L’Estive, Scène nationale de Foix et de l’Ariège ; Bonlieu, Scène nationale d’Annecy ; Châteauvallon-Liberté, Scène nationale ; L’Usine, Centre national des arts de la rue et de l’espace public ; Centre national de la danse
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien du fonds d’insertion PSPBB/ESAD
Résidence d’écriture association Sur le sentier des lauzes ; Ferme de Villefavard en Limousin, centre culturel de rencontre
Accueil en résidence Le Channel, Scène nationale de Calais ; MC93, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny ; Le CENTQUATRE-PARIS

Manger le soleil bénéficie du soutien du ministère de la Culture (DRAC Auvergne-Rhône-Alpes) au titre de l’aide à la création de la DGCA, de l’aide aux compagnies conventionnées et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Le texte Manières d’être vivant de Baptiste Morizot est publié aux éditions Actes Sud, collection « Mondes sauvages ».

Durée : 1h50

Théâtre National Populaire, Villeurbanne
du 10 au 24 octobre 2025

La Criée, Théâtre national de Marseille
du 25 au 28 mars 2026

MC93, Bobigny
du 8 au 11 avril

14 octobre 2025/par Vincent Bouquet
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