Dans à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, sa dernière création en date, donnée pour la première fois durant la 21e Biennale de la danse de Lyon, Christian Rizzo ne fait plus confiance qu’aux danseurs et aux mots de l’autrice Célia Houdart pour construire un cercueil et une cérémonie à un ami disparu. Très émouvant.
Ne plus chercher le son électro du syndrome ian ou la batterie (live) de d’après une histoire vraie, ni même les installations de nombre de ses anciennes pièces. Christian Rizzo, installé dans un petit village des Pyrénées depuis qu’il a quitté la direction du CCN de Montpellier fin 2024, a dégagé l’espace, absolument vide, et c’est un orgue qui résonne et parfois bourdonne. Le ton d’à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête est d’emblée donné : celui d’une cérémonie. Seuls les points lumineux scintillants et clignotants évoquent encore la fête. Ce sont peut-être les bribes des stroboscopes éteints ou du nuage de néons d’une maison.
La maison, nous y sommes pourtant encore. Mais c’est en mots, lentement affichés, qu’elle se dessine. Il est question de persiennes qui « restituent la lumière du jour », de véranda et de jardin, d’aloès et de laurier, et de « rires qui craquent comme des pommes de pin qu’on écrase ». L’allégresse n’a pas complètement disparu, quand bien même, en début de spectacle, les sept danseurs sont lents, se regardent – ils et elles le feront presque toujours, comme pour ne pas se lâcher. Ils prennent le temps de se donner la main comme on transmettrait une énergie, un fluide, et alimenter un fil de vie. Tout au long de cette heure, ils vont faire corps collectivement en cherchant aussi individuellement comment se tenir, jouant de l’immobilité, de la recherche de postures, des suspensions et des gestes simples. Les chutes, élément récurrent du travail de Christian Rizzo, se font douces. Rien n’est heurté dans à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête. Les interprètes sont des chats quand il s’agit de toucher le sol ou l’autre. Ils sont habillés simplement de noir, comme souvent là encore dans ses créations, et seule la couleur de la peau de leurs bras émerge de ce plateau qu’ils apprivoisent timidement, puis de plus en plus rythmiquement au fur et à mesure que le texte de la romancière Célia Houdart, éditée chez P.O.L., annonce l’orage. Les « nuages gris arrivent », lit-on, « la pluie d’été transforme le chemin en boue crémeuse ». « Que faire ne pas faire ». Les voici dans cette impasse. Une suspension, encore, un espace, psychique et physique, indéterminé. Et l’impossibilité de comprendre pourquoi survient inéluctablement la fin, sans avoir de prise.
C’est cette finitude, à la fois vertigineuse et sereine, que le chorégraphe met en mouvement dans sa première pièce pour son retour en compagnie avec l’association fragile qu’il a créée en 1996. Il se dirige vers l’épure pour ce cérémonial mis en musique et en lumière par des fidèles – respectivement le bien nommé groupe Cercueil et Caty Olive. Sans éléments plastiques de décor, il en figure beaucoup d’autres, éphémères, qui n’existent que dans le regard de chacun. Il reste des traces, des persistances rétiniennes, comme celles laissées par l’ami disparu à qui le spectacle est dédié.
Nadja Pobel – www.sceneweb.fr
à l’ombre d’un vaste détail, hors tempête
Chorégraphie, scénographie, costumes Christian Rizzo
Avec Enzo Blond, Fanny Didelot, Hans Peter Diop Ibaghino, Nathan Freyermuth, Paul Girard, Hanna Hedman, Anna Vanneau
Création lumières Caty Olive
Création musicale Pénélope Michel et Nicolas Devos (Cercueil / Puce Moment)
Texte Célia Houdart
Régie générale Jérôme Masson, Victor Fernandes
Régie son Delphine Foussat
Régie lumières Clément Huard, Romain PortolanProduction l’association fragile
Coproduction ICI—Centre chorégraphique national Montpellier – Occitanie ; Bonlieu scène nationale d’Annecy ; CN D Centre national de la danse ; La Biennale de Lyon ; TANDEM Scène nationale Arras-Douai ; Théâtre de Nîmes – Scène Conventionnée d’Intérêt National Art et Création Danse Contemporaine ; ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; CCN • Ballet de l’Opéra national du Rhin dans le cadre du dispositif Accueil Studio 2025 ; Espaces Pluriels – scène conventionnée d’intérêt national Art et création – danse à Pau ; Théâtre Auditorium de Poitiers (TAP) ; Festival d’Automne à Paris ; MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny ; La Place de la Danse – CDCN Toulouse Occitanie ; GIE FONDOC-Scène nationale d’Albi-Tarn ; Le Théâtre, Scène nationale de Saint-Nazaire
Accueil en résidence Cndc – Angers
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels et de la Région Occitanie / Pyrénées-MéditerranéeL’association fragile est soutenue par le ministère de la Culture – Direction générale de la création artistique. Christian Rizzo est artiste associé au CN D en 2025 et 2026.
Durée : 1h
Vu en septembre 2025 à la Maison de la danse de Lyon, dans le cadre de la Biennale de la danse
MC93, Bobigny, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 6 au 9 novembreLe Triangle, Rennes
du 13 au 15 novembreHippodrome de Douai, Tandem Scène nationale Arras-Douai
les 9 et 10 février 2026ThéâtredelaCité, CDN Toulouse Occitanie
du 16 au 18 févrierThéâtre Auditorium de Poitiers
le 25 févrierBonlieu, Scène nationale d’Annecy
les 17 et 18 marsScène nationale du Sud-Aquitain, Anglet
le 31 marsEspaces Pluriels, Pau
le 2 avrilThéâtre de Nîmes
le 9 avril
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