Salomé Villiers
Formée au conservatoire du 11e arrondissement de Paris, Salomé Villiers débute sa carrière dans La Légèreté Française de Françoise Petit Balmer. Elle joue ensuite sous la direction de Jean-Philippe Daguerre, Anne Bouvier, Stéphane Guérin… En cette rentrée, elle interprète le rôle de Madame de Tourvel dans Les Liaisons Dangereuses mis en scène et adapté par Arnaud Denis au Théâtre de la Comédie des Champs-Élysées.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oh oui ! Je suis très sensible à l’adrénaline. La semaine qui précède une première j’ai tendance à être encore plus vive que d’habitude. J’ai la bougeotte dans tous les sens jusqu’au jour J. J’ai la chance que mon trac ne soit pas paralysant pour jouer. C’est un trac excitant que je perçois comme un moteur à propulsion alors j’essaie de l’accueillir du mieux que je puisse sans envahir l’espace de mes camarades. Le trac c’est tellement personnel et intime. Chacun a le sien.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Étant donné que mon trac est plutôt excité comme personnage, je l’apprivoise en essayant de retrouver mon calme. Parce que, si je suis sensible à l’adrénaline dans le bon sens, dans le mauvais sens, je peux aussi facilement paniquer. Le jour d’une première, j’essaie de me réserver plusieurs moments de solitude où je me concentre, je relis le texte, je revois mon parcours, j’écoute beaucoup de musiques qui me font penser au spectacle. Et une fois que j’ai la sensation que j’ai plus ou moins équilibré tout l’intérieur de ma machine, je me fais une joie de retrouver mes camarades afin de se préparer tous ensemble à sauter dans le grand bain !
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Oui, je vais voir chaque membre de l’équipe et je dis merde les yeux dans les yeux en serrant les mains de mes compagnons de scène. Après, je m’isole dans un coin du plateau et je me refais toute une partie du texte en surarticulant et en chuchotant pour me chauffer les muscles du visage jusqu’à ressentir comme une légère vibration.
Première fois où vous vous êtes dit me suis dit « Je veux faire ce métier » ?
Quand j’avais cinq ou six ans, ma mère m’a emmenée voir Cyrano de Bergerac. Ça a été comme une épiphanie, je suis tombée amoureuse de Cyrano. Je disais à ma famille que je voulais être un garçon pour être Cyrano de Bergerac. Ce qui est sûr, c’est que je voulais faire ce métier, je voulais absolument faire partie de la troupe.
Premier bide ?
Juste après le bac, j’avais monté un petit cabaret avec des copains et des copines, on avait seize ou dix sept et on avait écrit des petits sketchs. On était maladroits, tous « très verts » et évidemment on jouait assez « en force » comme on dit dans les cours de théâtre – mais bon ça venait du cœur. On essayait plein de trucs et il y en avait qui marchaient forcément moins, voire pas du tout… Ah, ce sentiment de solitude quand tu t’aperçois que ce que tu fais sur scène ne prend pas du tout avec le public… C’est un vrai gouffre qui s’ouvre sous les pieds, la gêne absolue, surtout dans le registre comique, mais c’est aussi comme ça qu’on apprend. L’écriture, c’est ce qu’il y a de plus difficile à mes yeux. J’ai une admiration sans limites pour les auteurs.
Première ovation ?
Quand j’étais au conservatoire du 11e et du centre, nos professeurs avaient organisé une soirée spectacle au Théâtre du Châtelet. On était une petite quinzaine d’élèves à y participer et j’ai eu la chance d’en être. Mes profs me faisaient travailler un monologue génial de Sacha Guitry, Je sais que tu es dans la salle. J’avais pris un plaisir dingue à travailler ce texte et ce soir-là, dans ce théâtre-là, sur cette scène-là, on a tous eu des ailes sur le plateau. Ce fut une soirée magique, le théâtre était plein, on était tellement heureux aux saluts qu’on avait tous les yeux qui brillaient. L’émotion était palpable dans la salle et je crois que nos professeurs Alain et Philippe étaient assez fiers de cette soirée !
Premier fou rire ?
Un jour, au petit Théâtre Montparnasse, on jouait la scène du dîner dans Adieu Monsieur Haffmann de Jean-Philippe Daguerre, et il y a un gros insecte qui est tombé du plafond et qui a atterri dans le plat sur la table. Tout le monde l’a vu, acteurs et public, et la bestiole faisait un boucan d’enfer en plus. Elle était encore vivante et elle n’a pas arrêté de faire des allers-retours entre nous et le public. Sur scène, on essayait tant bien que mal de continuer à jouer en évitant de se prendre la bestiole en pleine tête, mais on était morts de rire, autant que le public qui riait avec nous. Ça a été 30 minutes mémorables !
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Je pense à la mort de Cyrano. Depuis que je suis petite, je pleure à chaque fois sur la mort de Cyrano. Dans toutes les mises en scène et à chaque interprétation que j’ai pu voir, je pleure. Ce texte est tellement immense.
Première mise à nue ?
Quand j’ai mis en scène mon premier spectacle. C’était Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Je jouais le rôle de Silvia dans la pièce et j’étais merveilleusement entourée par mes copains de conservatoire et notre professeur. On venait de finir nos années de cours, on avait monté notre compagnie pour produire le spectacle et j’ai été tellement heureuse, fière et émue de l’accueil que le spectacle a reçu. J’étais très stressée, j’avais vraiment l’impression d’être complètement à nue. J’étais à la fois comédienne et metteuse en scène, et puis tout était une première fois. Je me sentais responsable de tout, je me mettais une pression monumentale. Et puis on a joué ce spectacle pendant 5 ans, et on est parti en tournée à l’international ! C’était dingue cette aventure ! Je suis toujours tellement stressée quand je mets en scène. Même encore aujourd’hui j’ai un trac monstrueux quand je présente une mise en scène, encore plus que quand je suis comédienne.
Première fois sur scène avec une idole ?
J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup de comédiennes et comédiens que j’admire. J’ai été très émue de travailler sous la direction de la fantastique Anne Bouvier pour la pièce Kamikazes de Stéphane Guerin avec entre autres la merveilleuse Raphaeline Goupilleau dans la distribution.
Première interview ?
C’était pour ma mise en scène du Jeu de l’amour quand on a eu la chance de jouer au Lucernaire. C’était ma mère l’attachée de presse du spectacle. Elle a été géniale, elle nous a beaucoup aidés. J’étais très heureuse de pouvoir parler du travail de notre troupe. Je crois que j’ai parlé tellement vite parce que je ne voulais rien oublier, parler de tout et de tout le monde, que je ne crois pas que l’interview soit très compréhensible. Surexcitation, quand tu nous tiens !
Premier coup de cœur ?
Quand j’avais 4 ou 5 ans, ma mère m’a emmené voir Jacqueline Maillan au théâtre. Elle m’a raconté que j’étais complètement fascinée, que je regardais la dame bouche grande ouverte d’émerveillement. Pendant 5 minutes, elle a regardé le spectacle sans faire attention à moi, et, quand elle a tourné la tête vers mon siège, j’avais disparu. Elle a cherché partout le plus silencieusement possible pour ne pas déranger les autres spectateurs et elle m’a retrouvée devant la scène. J’essayais d’escalader pour rejoindre Jacqueline Maillan. Ma mère s’est précipitée vers moi, rouge de honte, m’a attrapée par les bretelles de ma salopette et m’a obligée à me rasseoir. Apparemment, je suis restée tranquille à admirer la comédienne après cette escapade. J’aime à penser que c’était mon premier coup de cœur.
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