Elle nous a ébloui cet été au Train Bleu où elle jouait son premier seul en scène, Euphrate, récit initiatique plein d’humour et de danse. Nil Bosca a le panache qu’il faut pour être la personnalité de l’année qui vient de s’écouler. Retour sur un parcours qui privilégie le détour à la ligne droite et donne de l’espoir à tout.es celle.ux qui ont du mal à trouver leur voie.
Celles et ceux qui ont vu Euphrate connaissent son parcours atypique, fait de fausses routes et de tâtonnements. Car Euphrate, c’est elle, Nil, à peine déguisée dans la fiction qu’elle tisse au plateau en un seul en scène éruptif, entremêlant danse et théâtre pour mieux se raconter, libérer son expressivité phénoménale et son énergie bluffante. Avant de se mettre dans la poche public et critique dans le Off d’Avignon l’été dernier, avant de faire salle comble au Théâtre de la Cité Internationale cet automne, Nil Bosca est passée par des études de biologie, de médecine et de psychologie, trois disciplines reliées par la question du corps et des mots, comme si la future interprète tournait autour du pot sans trouver le noyau. Et puis le déclic. En prenant des cours de théâtre afin de débloquer ses prises de parole en public, elle se relie à un appétit de jeu qui l’anime depuis l’enfance. « A ce moment-là, tout se relie en moi, la pensée, l’âme, le corps, la présence. J’avais atteint un point de non-retour. ». Saisie d’une intuition forte, elle a l’impression qu’il se passe enfin quelque chose à l’endroit du plateau qui répond à sa nécessité d’intensité, à sa recherche du vivant avant tout, à son besoin d’expression.
Sa rencontre avec Joël Pommerat lors d’un stage de création est décisive. Sa recherche d’authenticité, d’une parole vraie sur scène sont des sources d’inspiration pour celle qui se destine alors à jouer. Mais quoi ? Et comment ? Euphrate est le fruit d’un long processus pour trouver sa forme, celle qui lui corresponde et réunisse ses envies tous azimuts. « J’étais habitée par une polyphonie de langages, la danse, le théâtre, le cirque, et je n’arrivais pas à trouver ma voie jusqu’à ce que je comprenne que c’est dans leur point de rencontre qu’elle se trouvait. C’est la nécessité de jouer qui m’a amenée à l’écriture et à la création. Et c’est dans ces grands-écarts en moi que j’ai élaboré mon propre vocabulaire scénique. » Grands-écarts qui rejoignent l’un des sujets de la pièce puisque Euphrate est littéralement écartelée dans sa double culture, entre une mère normande et un père turc. L’exil, matrice dramaturgique. Et ce grand-écart, elle le fait au sens propre car l’une des influences importantes de la comédienne, c’est la danse. En particulier le hip-hop qu’elle pratique en autodidacte depuis quelques années, allant à la rencontre de ses pairs sur la dalle du Cent-Quatre ou de la Porte de Pantin. « J’y ai appris ma manière d’apprendre. Danser ensemble, regarder les autres faire, a été très formateur pour moi. Ce n’était pas du tout scolaire et j’y trouvais un vent de liberté qui me portait. En piochant dans le vocabulaire chorégraphique des autres, je me constituais mon propre langage, ma singularité, mon flow. » En métissant les armes du hip-hop avec sa pratique de la danse contemporaine, Nil croise ses influences et élargit son champ d’action et de narration. Car ce qui l’intéresse, c’est « comment la danse peut se mettre au service d’un récit, exprimer des états émotionnels sans le recours aux mots ». Autre jalon de son parcours, le comédien Stanislas Roquette l’accompagne sur ce projet en collaboration à la mise en scène avec Olivier Constant. « Stanislas m’a beaucoup aidée dans le rapport à la langue. Avec lui, j’ai beaucoup travaillé l’endroit du jeu, de la parole. ». Danse, parole, et dans l’entre-deux, Euphrate est né, entre profondeur et légèreté, tendresse et humour, reliant dans un même geste, plein de précision et d’élan, son amour du mouvement, du vivant et son besoin que la pensée s’incarne pour que transformation il y ait.
Une première expérience d’écriture scénique qui trouve un écho faramineux auprès du public et qu’elle rêve de prolonger non seulement en se mettant au service d’autres projets en tant qu’interprète mais également en explorant du côté du cinéma cette fois. En allant expérimenter par le biais d’une forme filmique et sur un fil réaliste cette multiplicité de langages qui l’habite. Nourrie des cinématographies de Buster Keaton et Charlie Chaplin pour ce qui est de sa veine burlesque, elle cite Alice Diop et son cinéma documentaire en référence contemporaine. Encore un grand-écart qui va sûrement la mener autre part, pour dérouler le fil de ses envies qu’elle a nombreuses et pétillantes.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Pour suivre la tournée d’Euphrate, c’est ici
Le Palmarès de Marie Plantin
Le spectacle vision : Trois Annonciations de Pascal Rambert
Le spectacle cathartique : Ombre (Eurydice parle) de Marie Fortuit
Le spectacle hallucinant : Trois Contrefaçons de Laurent Bazin
Le spectacle révélation : Tom na fazenda de Rodrigo Portella
Le spectacle retour aux sources : Néandertal de David Geselson
Le spectacle rétro-futuriste : Le Jardin des délices de Philippe Quesne
Le spectacle adaptation cinématographique : Welfare de Julie Deliquet
Le spectacle synesthésique : Le Verso des images de Pascale Nandillon et Frédéric Tétart
Les comédiennes renversantes dans des seules en scène percutants : Estelle Meyer dans Niquer la fatalité, Marie Payen dans La Nuit c’est comme ça, Johanna Nizard dans Il n’y a pas de Ajar, Elsa Agnès dans Le Caméléon, Carole Thibaut dans Ex Machina, Laurène Marx dans Pour un temps sois peu
Le performeur bouleversant : Tim Crouch dans An Oak Tree et Truth’s a dog must to kennel
Le comédien avec ou sans accent : Benjamin Tholozan dans Parler pointu
Et bien sûr l’autrice, metteuse en scène, comédienne et danseuse à suivre : Nil Bosca !
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !