La 75e édition du Festival d’Avignon se déroulera du 5 au 25 juillet (le off est prévu du 7 au 31 juillet). Christiane Jatahy ouvrira les hostilités avec Entre chien et loup d’après Lars von Trier, puis, le soir, Isabelle Huppert sera dans la Cour d’Honneur pour La Cerisaie d’Anton Tchekhov dans la mise en scène de Tiago Rodrigues. Revue de détail.
Malgré l’incertitude qui continue de peser sur les manifestations estivales, comme sur l’ensemble du secteur culturel, le Festival d’Avignon se tient prêt. Construit autour du thème « Se souvenir de l’avenir », le programme de la 75e édition, prévue du 5 au 25 juillet prochain, est d’ores et déjà ficelé. Quasi paritaire, avec 26 femmes porteuses de projet, contre 30 hommes, il compte 46 spectacles, dont une quinzaine sont hérités de la 74e édition annulée l’an passé.
Alors que le monde du théâtre attendait une femme dans la Cour du Palais des Papes, où le gradin s’est refait une beauté, c’est finalement Tiago Rodrigues qui en aura les honneurs avec La Cerisaie (du 5 au 17) « où Isabelle Huppert occupera le premier rôle ». Plutôt que de cultiver l’aspect nostalgique de cette pièce mythique, le metteur en scène portugais souhaite travailler sur « l’incertitude de l’avenir, une tentative d’exprimer nos angoisses, nos urgences à travers les mots d’Anton Tchekhov ». En parallèle, Christiane Jatahy investira l’Autre Scène du Grand Avignon, à Vedène, avec Entre chien et loup (du 5 au 12), un spectacle inspiré du Dogville de Lars von Trier, dont la création, initialement prévue en janvier dernier au Théâtre de l’Odéon, n’a finalement pas pu avoir lieu. Partie du Brésil, une femme y rencontrera « un groupe de personnes qui travaillent sur l’acceptation de l’autre et qui souhaitent ne pas répéter l’échec de l’humanité » décrit dans le film du réalisateur danois.
Pendant que le jeune public découvrira Bouger les lignes – Histoires de Cartes de Paul Cox et Nicolas Doutey, dans une mise en scène de Bérangère Vantusso qui tentera de dévoiler « les histoires, normes, frontières, conquêtes, points de vue qui se cachent sous les cartes » à la Chapelle des Pénitents Blancs (du 6 au 9), Olivier Py conduira le feuilleton théâtral du Jardin Ceccano avec Hamlet à l’impératif ! (du 6 au 23) où il examinera « le rapport que les philosophes du XXe siècle entretiennent avec le texte de Shakespeare ». Quelques jours plus tard, le 13 juillet, un autre philosophe, Edgar Morin, fêtera ses 100 ans dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes au fil d’un dialogue avec Nicolas Truong sur le monde de demain. –
Des humains au chevet d’autres humains
De son côté, Karelle Prugnaud emmènera Denis Lavant et le circassien Nikolaus Holz en itinérance avec Mister Tambourine Man d’Eugène Durif (du 6 au 24), un spectacle inspiré de la légende du Joueur de flûte de Hamelin « qui se jouera partout où les gens cherchent l’humanité ». Prévu l’an passé, Penthésilé⸱e⸱s – Amazonomachie de Marie Dilasser, mis en scène par Laëtitia Guédon, sera donné à La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon (du 6 au 13), tandis que Théo Mercier mènera de front une exposition (du 5 au 25) et un spectacle (du 10 au 20) à la Collection Lambert avec Outremonde, où, « dans un monde post-apocalyptique, des fantômes, errants, exclus et marginaux échangeront avec le public ».
Parmi les pièces très attendues : Fraternité, Conte fantastique de Caroline Guiela Nguyen. Programmée du 6 au 14 juillet à la FabricA, elle constitue le premier volet d’une trilogie autour du mot Fraternité et transportera le public dans soixante ans, « dans un centre de soin et de consolation où, après une catastrophe, des humains se mettent au chevet d’autres humains ». En habituées du Festival, Angélica Liddell offrira un troisième tableau au projet Histoire(s) du théâtre lancé par Milo Rau avec Liebestod. El olor a sangre no se me quita de los ojos. Juan Belmonte (du 6 au 13) où elle s’intéressera au suicide amoureux de ce torero et Anne-Cécile Vandalem présentera Kingdom dans la Cour du Lycée Saint-Joseph (du 6 au 13). Troisième volet de son triptyque lancé avec Tristesses, puis poursuivi avec Arctique, il plongera dans le conflit qui oppose deux familles au cœur de la taïga sibérienne, où elles ont bâti une communauté de vie, « à travers le regard des enfants de ce royaume contraints de s’inscrire dans un futur incertain ». Pour sa première venue, Nathalie Béasse perpétuera son exploration artistique hautement singulière avec Ceux-qui-vont-contre-le-vent au Cloître des Carmes (du 6 au 14), quand, dans un autre cloître, celui des Célestins, Fabrice Murgia s’emparera de La dernière nuit du monde de Laurent Gaudé (du 7 au 13). « Un conte dystopique où, grâce à une pilule, les femmes et les hommes peuvent dormir 45 minutes et être reposés », et à la merci du capitalisme qui peut, ainsi, les exploiter jour et nuit.
Au rang des plus jeunes, outre les élèves-comédiens de l’ENSATT et de l’ERACM dirigés par Eric Louis dans De toute façon, j’ai très peu de souvenirs au Gymnase du Lycée Saint-Joseph (du 15 au 18) autour des témoignages d’anciens élèves d’Antoine Vitez où il sera question « de transmission, d’héritage et d’amour du théâtre », Baptiste Amann assemblera sa trilogie révolutionnaire Des territoires, dont les différents volets ont déjà été créés, au Gymnase du Lycée Mistral (du 7 au 12). Parallèlement, Alice Laloy poursuivra son aventure au côté de Pinocchio avec Pinocchio(Live)#2 au Gymnase du Lycée Saint-Joseph (du 8 au 12). 22 enfants, adolescents et jeunes adultes y transformeront des enfants en pantins pour explorer « le trouble, la frontière, entre le vivant et l’inerte, l’animé et l’inanimé ». Autres contes, Gulliver – Le dernier voyage, d’après Jonathan Swift, que Madeleine Louarn et Jean-François Auguste confieront aux comédiens en situation de handicap de l’Atelier Catalyse au Théâtre Benoît-XII (du 19 au 24) et The Sheep Song du FC Bergman, prévu à l’Autre Scène du Grand Avignon (du 16 au 25), où un mouton qui devient humain raconte son combat « sans paroles et avec beaucoup d’images ».
Des univers aux antipodes
Tout comme Royan de Marie NDiaye, monté par Frédéric Bélier-Garcia à La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon (du 17 au 25) et centré sur l’histoire d’une professeure de français incarnée par Nicole Garcia, Une femme en pièces de Kata Wéber, mis en scène par Kornél Mundruczó au Gymnase du Lycée Aubanel (du 17 au 25), et le tandem artistique d’Emma Dante – Misericordia et La statuette de sucre / La fête des morts – au Gymnase du Lycée Mistral (du 16 au 23) ont la dureté du monde au cœur. Tandis que le metteur en scène hongrois abordera le sujet de la fausse couche à travers « une pièce qui tentera de surmonter les tragédies et les traumatismes entre les générations », l’artiste italienne retracera le destin « d’un enfant attardé qui devient un enfant grâce à l’amour de trois mères prostituées », puis « d’un homme qui prépare une cérémonie des morts », comme dans Le Conte des contes de Giambattista Basile. Tout aussi combattifs seront, sans doute, Le Musée de Bashar Markus à la Chapelle des Pénitents Blancs (du 20 au 25) et Le Mur Invisible de Marlen Haushofer. Dans la Cour du Musée Calvet (du 21 au 23), Chloé Dabert y dirigera Lola Lafon pour la guider dans les méandres de cette histoire, celle « d’une femme isolée dans un chalet en pleine nature après l’apparition d’un mur invisible ».
A la lisière entre théâtre et musique, Samson de Brett Bailey au Gymnase du Lycée Aubanel (du 6 au 13), Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir de Felwine Sarr et Dorcy Rugawba à la Collection Lambert (du 15 au 20) et Le 66 ! mis en scène par Victoria Duhamel à la Chapelle des Pénitents Blancs (du 13 au 16) exploreront des univers aux antipodes. Alors que l’artiste sud-africain s’intéressera à « la figure de l’homme révolté incarnée par Samson » et le tandem sénégalo-rwandais « aux enjeux de la liberté, absolument indispensable par les temps qui courent, à travers les écrits de René Char et Frantz Fanon », la metteuse en scène française se servira de la pièce facétieuse d’Offenbach, « dans laquelle on chante, on danse, on joue », pour lier le sort des spectateurs à leur numéro de place.
Parmi les spectacles « participatifs », figure aussi Autophagies d’Eva Doumbia, « une eucharistie documentaire » donnée au Complexe socioculturel de la Barbière (du 14 au 20), à l’issue de laquelle le public sera invité à manger le mafé qui aura été préparé sous ses yeux, « à partir d’ingrédients comme les bananes, le riz ou les cacahuètes qui racontent une histoire néo-coloniale ». D’expérience, il sera aussi question dans la Cour minérale de l’Université d’Avignon (du 20 au 25) avec la création du Nouveau Théâtre Populaire Le Ciel, la Nuit et la Fête – selon une expression de Jean Vilar – conçue, « à la manière d’un théâtre pauvre », à partir de trois pièces de Molière (Tartuffe, Dom Juan, Psyché), « entrecoupées d’intermèdes radiophoniques », pour une durée totale de sept heures.
Pina Bausch et la danse tswanaise
Encore plus « indisciplinées » seront les propositions de Maguy Marin, Mylène Benoit, Phia Ménard et Pantelis Dentakis. Pour son grand retour au Festival d’Avignon, la chorégraphe s’inspirera des guerres du Péloponnèse et des écrits de Walter Benjamin pour créer Y aller voir de plus près au Théâtre Benoît-XII (du 7 au 15), et la fondatrice de la compagnie Contour Progressif travaillera sur « la puissance des femmes et leur effacement de l’histoire officielle de l’humanité » dans Archée au Cloître des Célestins (du 17 au 23). Quant à Phia Ménard, elle mènera à bien sa Trilogie des Contes Immoraux (du 18 au 24), composée de Maison Mère, Temple Père et La Rencontre Interdite, et fondée sur une « réflexion sur le libéralisme, le patriarcat et la vision du micro-politique dans lequel nous vivons », pendant que le metteur en scène grec proposera, au Gymnase du Lycée Saint-Joseph (du 22 au 24), un spectacle à partir de La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana, où vidéo, marionnettes et acteurs se mêlent, avec « l’incertitude et la perte de contrôle au coeur ».
La danse n’est pas en reste avec cinq propositions de choix. Initialement programmé l’an passé dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, Dimitris Papaioannou, qui reviendra à la FabricA (du 20 au 25) avec Ink, « une plus petite forme qui explore les relations entre un danseur plus âgé et son cadet », cédera sa place à Marcos Morau qui donnera Sonoma (du 21 au 25), une pièce sur « les violences patriarcales et religieuses faites aux femmes ». Dans une veine plus interculturelle, Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen travailleront, avec Lamenta, sur le rituel mortuaire du miroloi dans la Cour minérale de l’Université d’Avignon (du 7 au 15), quand la chorégraphe Dada Masilo mêlera, au Cloître des Carmes (du 17 au 24), la gestuelle de Pina Bausch et la danse tswanaise dans Le Sacrifice, sur la musique du Sacre du Printemps de Stravinsky. Ne reste plus, alors, que Jan Martens. Avec Any attempt will end in crushed bones and shattered bones donné dans la Cour du Lycée Saint-Joseph (du 18 au 25), il offrira « une célébration festive du corps dansant et du corps révolté » pour 17 danseurs âgés de 16 à 60 ans.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Le programme complet :
– Entre chien et loup d’après Lars von Trier, mise en scène de Christiane Jatahy. Du 5 au 12. L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène.
– La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène Tiago Rodrigues avec Isabelle Huppert. Du 5 au 17. Cour d’Honneur du Palais des Papes
– Outremonde de Théo Mercier. Exposition du 5 au 25 et spectacle du 10 au 20. Collection Lambert.
– Bouger les lignes – Histoires de cartes de Paul Cox et Nicolas Doutey, mise en scène de Bérangère Vantusso. Du 6 au 9. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Le feuilleton théâtral. Hamlet à l’impératif ! par Olivier Py. Du 6 au 23. Jardin de la bibliothèque Ceccano.
– Penthésilé⸱e⸱s – Amazonomachie de Marie Dilasser, mise en scène de Laëtitia Guédon. Du 6 au 13. La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon.
– Fraternité, Conte fantastique de Caroline Guiela Nguyen. Du 6 au 14. La FabricA.
– Liebestod. El olor a sangre no se me quita de los ojos. Juan Belmonte. L’odeur du sang ne me quitte pas des yeux – Histoire(s) du théâtre III par Angélica Liddell. Du 6 au 13. Lieu à déterminer
– Samson de Brett Bailey. Du 6 au 13. Gymnase du Lycée Aubanel.
– Mister Tambourine man d’Eugène Durif, mise en scène de Karelle Prugnaud. Du 6 au 24. Spectacle itinérant.
– Ceux-qui-vont-contre-le-vent de Nathalie Béasse. Du 6 au 13. Cloître des Carmes.
– Kingdom d’Anne-Cécile Vandalem. Du 6 au 14. Cour du Lycée Saint-Joseph.
– Y aller voir de plus près de Maguy Marin. Du 7 au 15. Théâtre Benoît-XII.
– Des territoires – Trilogie de Baptiste Amann. Du 7 au 12. Gymnase du Lycée Mistral.
– La dernière nuit du monde de Laurent Gaudé, mise en scène de Fabrice Murgia. Du 7 au 13. Cloître des Célestins.
– Lamenta de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen. Du 7 au 15 juillet. Cour minérale de l’Université d’Avignon.
– Pinocchio(live)#2 d’Alice Laloy. Du 8 au 12. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Le 66 ! de Offenbach, Pitaud de Forges et Laurencin, mise en scène de Victoria Duhamel. Du 13 au 16. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Se souvenir de l’avenir – Dialogue entre Edgar Morin et Nicolas Truong. Le 13 juillet. Cour d’honneur.
– Autophagies. Histoire de bananes, riz, tomates, cacahuètes, palmiers. Et puis des fruits, du sucre, du chocolat d’Eva Doumbia. Du 14 au 20. Complexe socioculturel de La Barbière.
– De toute façon, j’ai très peu de souvenirs d’Eric Louis avec l’ENSATT de Lyon et l’ERAC de Cannes et Marseille. Du 15 au 18. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir d’après René Char et Frantz Fanon par Felwine Sarr et Dorcy Rugamba. Du 15 au 20. Collection Lambert.
– The Sheep song par FC Bergman. Du 16 au 25. L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène.
– Misericordia d’Emma Dante. Du 16 au 23. Gymnase du Lycée Mistral.
– Pupo di zucchero. La festa dei morti. La statuette du sucre. La fête des morts d’Emma Dante. Du 16 au 23. Gymnase du Lycée Mistral.
– Royan – La professeure de français de Marie Ndiaye avec Nicole Garcia, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia. Du 17 au 25. La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon.
– Cząstki kobiety – Une femme en pièces de Kaja Weber, mise en scène de Kornél Mundruczó. Du 17 au 25. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Archée de Mylène Benoit. Du 17 au 23. Cloître des Célestins.
– Le Sacrifice de Dada Masilo. Du 17 au 24. Cloître des Carmes.
– La trilogie des contes immoraux (pour Europe) de Phia Ménard. Du 18 au 24. Lieu à déterminer.
– Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones de Jan Martens. Du 18 au 25. Cour du Lycée Saint-Joseph.
– Gulliver. Le dernier voyage d’après Jonathan Swift de Madeleine Louarn et Jean-François Auguste. Du 19 au 24. Théâtre Benoît-XII.
– Ink de Dimitris Papaioannou. Du 20 au 25. La FabricA.
– Le ciel, la nuit et la flûte (Le Tartuffe/Dom Juan/Psyché) de Molière par Nouveau Théâtre Populaire. Du 20 au 25. Cour minérale de l’Université d’Avignon.
– المتحف Le Musée de Bashar Murkus. Du 20 au 25. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Le Mur invisible de Marlen Haushoffer, un récit de Lola Lafon et Chloé Dabert. Du 21 au 23. Musée Calvet.
– Sonoma de Marcos Morau. Du 21 au 25. Cour d’Honneur du Palais des Papes.
– Η Μικρή μέσα στο Σκοτεινό Δάσος – La petite fille dans la forêt profonde de Philippe Minyana, mise en scène Pantelis Dentakis. Du 22 au 24. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Vive le sujet ! avec la SACD et des propositions de Aina Allegre, Hakim Bah, Johanny Bert, Sandrine Juglair, Nach, Violaine Schwartz, Loïc Touzé, David Wahl
– Les lectures de France Culture au Musée Calvet avec Sandrine Bonnaire, Fabrice Luchini et Omar Sy.
Je croise les doigts pour que le Festival , ma passion reprenne. On aura et bonne chance à vous tous.
Comment être à Avignon cet été?
Le Théâtre , c’est être ensemble.
Là il faudra être masqués , à distance , ne pas se rencontrer.
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