Louise Chevillotte débute sa formation théâtrale au sein de la Compagnie Falaises et Plateaux jusqu’en 2013. De 2014 à 2017, elle poursuit son apprentissage au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, ce qui la conduit jusqu’au Festival d’Avignon, où elle joue dans Claire, Anton et eux de François Cervantes, qu’elle a récemment retrouvé dans Le Cabaret des absents. En 2019, Christian Schiaretti lui confie le rôle-titre de Phèdre au TNP. Elle sera sur la scène du Phénix dans Thérèse et Isabelle à l’occasion du festival Cabaret de Curiosités.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
J’ai assez peu le trac, je dirais plutôt que je suis concentrée et excitée. Les spectacles s’affinent en présence du public, cette rencontre est nécessaire pour aller plus loin dans le travail. Alors, les premières demandent nécessairement de l’humilité, il faut accepter qu’une nouvelle étape de recherche commence seulement, à vue. Je n’aime rien tant que le présent pur, et je me dis qu’il ne peut rien nous arriver, que le plateau peut tout accueillir.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Elles me font penser à ces journées interminables avant un rendez-vous amoureux… Je me pose mille questions sur l’horaire approprié pour manger, pour dormir, pour répéter, pour me reposer, pour me concentrer. J’aime cette petite errance, et l’atmosphère suspendue dans les couloirs du théâtre, où chacun·e cherche un peu quoi faire de sa carcasse avant l’heure fatidique.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Je marche dans les alentours du théâtre en me redisant le texte en entier plusieurs fois. Quand j’ai commencé à jouer, je faisais semblant d’être au téléphone pour ne pas avoir l’air de parler toute seule. Mais aujourd’hui, j’aime marmonner dans la rue, j’emmène les belles phrases en promenade.
Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?
J’avais treize ans quand j’ai vu Lars Eidinger incarner Hamlet dans une mise en scène d’Ostermeier. Il avait l’air tellement libre. J’étais captivée. En sortant de la salle, j’ai dit à ma mère : « Je veux être comédienne ».
Premier bide ?
Dans un spectacle, je me métamorphosais en Louis, ado timide de 14 ans, moustache naissante et cheveux gras. Chaque soir, il improvisait un rap en fonction de mots donnés par le public, assouvissant l’un de mes plus grands plaisirs de geek : improviser en faisant des rimes. J’ai vécu de grandes traversées du désert, peu nombreuses, mais marquantes… Humilité et abnégation, je suis ressortie la tête haute, mais vaincue.
Première ovation ?
Avec ce même numéro d’improvisation, il y a eu des soirées où j’avais l’impression de communier avec les muses. J’enchaînais punchline sur punchline, et le jeu avec le public était absolument jouissif. On jubilait comme dans un numéro de cirque. C’est la plus grosse prise de risque de ma vie de comédienne. J’avais comme besoin à ce moment-là d’exacerber le vertige du présent sur un plateau.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Je ne me souviens pas des premières, mais qu’est-ce que j’aime les larmes de théâtre. Des humains vivants qui regardent d’autres humains vivants… Rien que ça, déjà, on pourrait se mettre à pleurer. J’y retourne sans cesse pour un moment de grâce, pour une phrase, pour un geste. Un des derniers spectacles, à défaut du premier, qui m’a transformée en vallée de larmes, c’était Un Sacre de Lorraine de Sagazan. J’ai tellement aimé ce spectacle. Une communion païenne, un espace de transcendance, le théâtre redevenu sacré.
Première mise à nu ?
Quand j’étais au Conservatoire, on travaillait sur les chansons de Boris Vian. Je voulais en chanter une drôle, mais on m’a donné la plus triste, en voix de soprane. Je me revois en scène. Ma voix tremblait. J’étais tellement intimidée. J’avais l’impression qu’on pouvait lire à l’intérieur de mon âme.
Première fois sur scène avec une idole ?
J’ai joué dans plusieurs spectacles de Christian Schiaretti au Théâtre National Populaire à Villeurbanne. Des aventures folles où j’ai eu la chance de jouer avec des acteurs incroyables, notamment Francine Bergé, qui venait tout juste d’avoir quatre-vingts ans, et qui était dans un tel plaisir du jeu. J’étais chaque soir dans l’excitation de voir ce qu’elle allait inventer. Elle m’a appris à valser avec les scènes, à ne rien prendre pour acquis. Peut-être la clé pour une joie intacte.
Premier coup de cœur ?
Adolescente, j’avais joué dans Le Songe d’une nuit d’été, dans la troupe où j’ai commencé le théâtre, à Falaises & Plateaux, à Arcueil. Je jouais Obéron, le roi de la forêt. Je n’avais jamais été aussi heureuse. C’était si important pour moi. Ça occupait toutes mes pensées.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !