Soir de Première avec Jolente De Keersmaeker

Photo Kurt Van der Elst

Membre fondatrice de la compagnie tg STAN, Jolente De Keersmaeker revisite À propos d’Elly, un film du cinéaste iranien Asghar Farhadi, avec onze comédiens d’horizons divers (irakien, iranien, belge, néerlandais, afghan). Le collectif flamand présente au Théâtre Nanterre-Amandiers la version française de ce spectacle créé en 2023 en Belgique.

Avez-vous le trac lors des soirs de première ?

Pas vraiment. Je suis généralement déjà sur scène quand le public entre. Cela me permet de prendre le temps d’arriver dans le même espace-temps que le public, de l’accueillir en moi. Et lorsque je dis mes premières phrases, c’est comme une décharge : enfin, je peux partager ces mots avec vous. J’ai chaud et froid à la fois, mais c’est une sensation agréable.

Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?

J’essaie de dormir le plus longtemps possible. Ensuite, je vais marcher une demi-heure, de préférence dans un endroit avec beaucoup d’arbres. La nature me donne de la force et m’apaise. Puis, je prends une douche glacée. Je relis une dernière fois mon texte et toutes les notes que j’ai prises pendant deux mois. Ensuite, je lis quelque chose ou je fais une activité (la vaisselle, préparer une soupe…) qui n’a rien à voir avec le théâtre ; puis, je pars au théâtre pour une dernière italienne.

Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?

À chaque production, je pose dans la loge, devant le miroir, quelques photos ou cartes postales qui ont une signification particulière pour moi. Juste avant d’entrer en scène, je les touche du bout du doigt. Et je me dis : « Je suis seule » et « En avant ! ».

Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?

J’avais huit ans. Lors d’une pièce à l’école, j’imitais notre institutrice. Les gens riaient énormément. C’était une sensation merveilleuse, faire rire les gens. À ce moment-là, je me suis dit : « Je veux davantage de ça ».

Premier bide ?

Je trouve le mot « flop » très dur. Il y a des représentations où « la mayonnaise ne prend pas », mais on continue, jusqu’à la dernière, à chercher la bonne recette. Je pense qu’on se le doit. Alors, je n’aime pas utiliser le mot « flop ».

Première ovation ?

Jan, Scènes de la vie à la campagne, d’après Oncle Vania de Tchekhov. Notre production de fin d’études en 1989 au Conservatoire d’Anvers, en Belgique.

Premier fou rire ?

Moi en Juffrouw Werdenfels interviewant Damiaan De Schrijver dans le rôle de Moritz Meister au sujet de son livre récemment publié, dans Tout est calme de Thomas Bernhard.

Premières larmes en tant que spectatrice ?

En regardant Ron Vawter dans le rôle de Verchinine dans Les Trois Sœurs du Wooster Group.

Première mise à nu ?

Danses pour une actrice de Jérôme Bel.

Première fois sur scène avec une idole ?

Le premier avertissement de Strindberg, avec la Néerlandaise Annette Kouwenhoven. Une actrice qui réunit tout pour moi : le tragique et le comique.

Première interview ?

Lors de la création de tg STAN en 1989. Nous avions été interviewés tous les quatre par un grand journal flamand.

Premier coup de cœur ?

Gert Voss jouant Ivanov au Burgtheater de Vienne en 1990. Il faisait quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant. Il s’était débarrassé de tout ce qui pouvait l’alourdir. Son jeu était à la fois léger et sombre, énigmatique et transparent.