Formée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Hélène Rencurel joue au Festival d’Avignon en 2015 dans la Trilogie du revoir de Botho Strauss mis en scène par Benjamin Porée, puis sous la direction de Lena Paugam et d’Elsa Granat, notamment dans Le Massacre du printemps et King Lear Syndrome. Elle retrouve la metteuse en scène pour la création des Grands Sensibles ou l’éducation des barbares au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oh oui ! C’est un moment tout de même assez fou. On sait que ça va arriver, on croit qu’on le connait cet état mi-tétanisant mi-euphorisant, et ça vient vous cueillir, ça déferle assez violemment. Tout va bien, on gère, et puis paf ! on est saisi ; et, dans le même temps, on le désire aussi ce moment, on l’attend, on l’espère. J’aimerais savoir ce qu’il se passe moléculairement lors de ce grand chambardement des cellules. Je suis sûre que ce sont des moments très furtifs où des strates de conscience inconnues font des percées. C’est quand même assez rare des moments où l’on est si excité/effrayé et, en même temps, au bord de vomir.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
En général, c’est le matin d’une très courte nuit, pleine de réveils en soubresauts. Le coeur bat trop fort, tout tremble un peu. C’est rarement une journée de détente où j’ai le temps de faire un chien tête en bas. Le temps file, on n’est jamais prêts. Il faut raccorder des scènes, se refaire des italiennes, faire sa mise, se prendre dans les bras, se regarder dans la pupille, se redire des essentiels. C’est une journée très collective et il faut pourtant quêter quelques minutes pour se recentrer, trouver quelques secondes de solitude derrière un pendrillon. Pas facile.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Rien n’est gravé, les habitudes bougent en fonction des projets et des humains, et j’ai plutôt de l’urticaire face aux habitudes trop ancrées. J’ai tout de même contre moi des gris-gris, des petits totems, les mots de première des amis et des amours qui te font gagner quelques centimètres de confiance. Avec cette équipe/famille de Tout Un Ciel et Elsa Granat, le « temps des merdes » est très dense. On fait du peau à peau, on a besoin de se prendre dans les bras beaucoup, et longtemps, de se redire « C’est toi, tu es bien là, on peut partir ensemble, on y va ».
Première fois où je me suis dit « Je veux faire ce métier ? »
Un spectacle de Noël, en famille, à 8 ou 9 ans avec ma soeur. Je jouais Ken dans une sorte de mauvais play-back de Barbie Girl d’Aqua. Je faisais mes entrées sur une « air » Harley-Davidson, c’était un peu ridicule. Je crois que je n’avais même pas de blouson en cuir pour faire genre, je jouais une fausse assurance. Les gens riaient, j’ai aimé.
Premier bide ?
Je ne sais pas si c’est le premier, mais c’est celui qui me vient. C’était un stage de clown au Conservatoire. Je suis complètement passée à côté, je n’y arrivais pas du tout. Plus le temps passait, plus je me tétanisais. Mon clown était une sorte de dame pigeon un peu effrayante avec de vrais pigeons empaillés comme accessoire. Le prof a fini par me mettre dans un trou, à l’intérieur d’une trappe à l’avant-scène. Je n’avais plus qu’un tout petit passage, une petite phrase et c’est tout. Disons que c’est plutôt un bon « bide » d’expérience.
Première ovation ?
Je crois que c’était lors de la première édition du festival Lyncéus à Binic dans les Côtes-d’Armor en 2014. C’est la dernière de notre spectacle La Nef des fous d’Antonin Fadinard, il pleut des cordes, les spectateurs restent en k-way et parapluie. À la fin du spectacle, on partait en portant une barque sur la plage. Au moment de se retourner pour saluer, on se rend compte que tout le monde nous a suivis sous la pluie, une sorte d’ovation-procession étrange et merveilleuse.
Premier fou rire ?
Je ne me souviens pas du premier, mais le dernier était juste là, il y a quelques heures, tout juste en sortie de répétition. J’étais avec deux camarades de la compagnie, et ils m’ont fait tant et tant rire à refaire des bouts de la journée, à imiter tout le monde. Il faut dire qu’on est dans un bel état de fatigue et qu’on a la risette facile.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Je pleure très rarement pendant les spectacles. Au cinéma, c’est pareil : j’attends le générique, le silence, et puis la déflagration. Les larmes arrivent souvent après.
Première mise à nue ?
Je ne vois pas vraiment de première mise à nue, ni de avant/après. C’est plutôt des petites bulles, des moments furtifs où je sens que telle ou telle digue lâche, qu’ici c’était fermé et que maintenant ça s’ouvre un peu. C’est infime et continu.
Première fois sur scène avec une idole ?
À mon premier tour du Conservatoire, ma présidente du jury est la personne que j’avais notée dans la section « comédienne préférée » : Dominique Reymond. Je me suis liquéfiée. Cinq ans plus tard, à Avignon, je faisais une lecture de poèmes d’Emmanuelle Riva et, juste après moi, Dominique Reymond lisait des extraits de ses journaux de répétitions. Nous nous sommes parlé, elle se souvenait de mon premier tour, et ça m’a fait la semaine.
Première interview ?
Une belle rencontre avec Marie Plantin pour un portrait dans la revue Théâtres.
Premier coup de cœur ?
Ce n’est pas le premier, mais c’est celui qui me vient : Bovary de Tiago Rodrigues. Je suis restée bouchée bée. Ce spectacle m’a sciée de son présent, si plein, si simple, si limpide.
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