Pour cette rentrée 2020, beaucoup de créations théâtrales s’inspirent de l’actualité. De monde de l’entreprise avec Anne-Laure Liegeois au Havre, à celui de la justice avec Dominique Simonnot et son Comparution immédiate II, en passant par le débat sur l’euthanasie avec le spectacle de François Hien au Théâtre des Célestins à Lyon ou les questions environnementales avec Barbara Métais-Chastanier au Théâtre des 13 vents à Montpellier. Voici un tour de France de ces spectacles.
Entreprise d’Anne-Laure liégeois. Création au Volcan du Havre
La metteuse en scène Anne-Laure liégeois a commandé un texte à Jacques Jouet dont le cadre est l’entreprise. Elle propose cette création en triptyque avec deux autres pièces : L’Augmentation de Perec et L’Intérimaire de Rémi de Vos. « Triptyque Entreprise ». Ou comment être de son temps, en faisant œuvre de Développement durable par cette incorporation de deux épisodes (joués en « décentralisation » dans un dispositif scénique léger) importants de la vie de la compagnie – importants par ce qu’on a pu vivre avec les spectateurs lors des représentations – et en faisant œuvre de création par cette écriture du moment, interrogation du travail et du secteur tertiaire, posée à l’aune de deux textes qui ont aujourd’hui respectivement et respectueusement 50 ans et 20 ans. Et finalement jouer en inventant des déclinaisons.
Olivier Masson doit-il mourir (d’après l’affaire Vincent Lambert) de François Hien. Création au Théâtre des Célestins de Lyon.
Un procès médiatique dans une grande ville de province : celui d’un aide-soignant, Avram Leca. Il a mis fin aux jours d’un de ses patients, Olivier Masson, par une injection létale. Olivier Masson était en état « pauci-relationnel » depuis six ans. Nul ne sait exactement ce qu’il restait de sa conscience. Il n’a jamais été possible d’établir la moindre communication avec lui. Les avis médicaux divergent ; personne, au fond, ne peut dire si Olivier était bien là. L’équipe médicale du CHU avait entamé une procédure dite « Léonetti », qui permet de limiter l’acharnement thérapeutique en cessant de « maintenir artificiellement la vie ». Laurence, la femme d’Olivier Masson, était favorable à cette décision. La mère d’Olivier en revanche, catholique pratiquante, y était tout à fait hostile. François Hien s’est inspiré de l’affaire Vincent Lambert pour écrire sa pièce.
Comparution immédiate II de Dominique Simonnot au Rond-Point
La justice est un théâtre, et parfois un abattage. En « comparutions immédiates », les prévenus ont un quart d’heure pour être jugés, éviter la détention ou la préventive. Soit le suspect est relâché, soit il intègre l’enfer carcéral. À tort ou à raison, vite fait bien fait. Manque de moyens, lourdeurs administratives, dérives et absurdités. Succès de la saison 2017-2018, le premier volet de Comparution immédiate mettait en scène les paroles d’hommes et de femmes perdus devant un tribunal correctionnel. Le comédien Bruno Ricci entre en scène avec un nouveau matériel documentaire, propos recueillis lors d’autres audiences de différents tribunaux.
De qui hier sera fait de Barbara Métais-Chastanier. Création au CDN des Treize vents à Montpellier
En 2050, d’après les pronostics, deux tiers de la population mondiale habiteront les villes. Dans un contexte de crise écologique et d’aggravation des inégalités, l’avenir des mégalopoles et autres centres urbains se réduit-il à la certitude du pire ? Construite comme une fiction d’anticipation, la pièce suit le trajet de sept personnages, autant de vies possibles, envoyées dans l’avenir comme pour le sonder et nous tendre en miroir l’image, inédite, de futurs qui s’inventeraient ailleurs que dans la catastrophe. Un texte de Barbara Métais-Chastanier dans une mise en scène de Marie Lamachère.
A Bright Room Called Day…de Tony Kushner. Création au TnbA de Bordeaux
Pour sa nouvelle création, Catherine Marnas choisit d’adapter A Bright Room Called Day de Tony Kushner. De cet auteur contemporain New-Yorkais elle déclare : « C’est un Brecht réécrit par un nouveau Tennessee Williams ». Célèbre en France avec sa pièce-fleuve Angels in America, distinguée par le Prix Pulitzer, il signe ici un texte à l’actualité politique étonnante. Tony Kushner a réécrit sa pièce pour coller à l’actualité. Une jeune femme anarcho-punk rise un tabou absolu en écrivant partout à New-York: Reagan = Hitler. Tony Kushner a remplacé dans le texte Hitler par Trump.
Kévin, portrait d’un apprenti converti d’Amine Adjina au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Avec sa mise en scène de Kévin, portrait d’un apprenti converti écrite par Amine Adjina pour des adolescents, Jean-Pierre Baro questionne la radicalisation religieuse en France. Ses mécanismes et ses violences. Dans le rôle de Kévin, Mohamed Bouadla excelle d’un côté comme de l’autre du quatrième mur. Au lieu de diaboliser l’aspirant terroriste qu’il incarne, il suscite chez son jeune public un sentiment d’identification. Un trouble proche, sans doute, de celui qu’a ressenti l’auteur en découvrant qu’un de ses amis en classe de seconde, un certain Peter Shérif, s’était radicalisé et avait rejoint la filière des Buttes Chaumont, dont sont issus les frères Kouachi.
Miglen Mirtchev dans Le train zéro d’Iouri Bouïda. Création au Théâtre Gérard Philipe
Miglen Mirtchev ncarne Ivan Arbadiev dans cette pièce d’Iouri Bouïda. Le dernier habitant d’une colonie ferroviaire située à la lisière du monde. Pendant des années, avec une petite communauté de femmes et d’hommes, il a attendu le passage quotidien du Train Zéro, contrôlé par l’armée, dont les portes plombées et un secret absolu protègent le contenu. Resté seul, il convoque des souvenirs empreints de l’obsession de servir un système dont il est le pur produit. Ce texte puissant et dense évoque le régime concentrationnaire soviétique mais il se déploie plus largement. Les personnages sont tellement pris par leur désir de vie, d’amour, de compréhension ou d’acceptation, que leur humanité saisit bien au-delà du contexte historique. Le Train Zéro peut être une métaphore de ce qui fait sens ou non, de ce qui fait vivre ou mourir.
La terre se révolte de Sara Llorca, Omar Youssef Souleimane et Guillaume Clayssen. Création au Théâtre des Bernardines de Marseille.
Une réflexion sur les exils, peuplée de mémoires et de fantômes, véhiculant le fol espoir d’écrire sur l’amour au milieu des terreurs. Ils auraient pu ne jamais se croiser, mais le tumulte ambiant a précipité leur rencontre. Quand ils se découvrent, une étudiante française en philosophie et un poète syrien réinterrogent les socles de leurs cultures respectives. D’une chambre de bonne parisienne à un poste de police d’Amman, les parcours de vie se croisent, se relient peut-être ?La rumeur du monde s’invite au plateau par les voix de penseurs, théoriciens et intellectuels, tirées d’archives radiophoniques. Actrice pour Wajdi Mouawad, chanteuse à ses heures, la metteuse en scène Sara Llorca fonde sa compagnie en 2012 pour questionner la folie dans la société. Après son adaptation très rock’n’roll d’Euripide, c’est aux côtés du poète Omar Youssef Souleimane, réfugié politique à Paris depuis 2012 et auteur du Petit terroriste, qu’elle crée cette nouvelle pièce.
La journée de la jupe de de Jean-Paul Lilienfeld. Au théâtre des Béliers
Sonia Bergerac est professeur de français dans un collège de banlieue sensible et s’obstine à venir en cours en jupe malgré́ les conseils du proviseur. Dépassée par l’attitude de ses élèves ingérables, au bord de la crise de nerf, elle tente tant bien que mal de faire son cours. Mais lorsqu’elle trouve un pistolet dans le sac d’un de ses élèves, elle s’en empare et, involontairement, tire sur l’un d’entre eux. Paniquée, elle prend la classe en otage…
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !