À l’origine d’une belle idée de collaboration entre les comédiens en situation de handicap de la troupe Catalyse, l’univers littéraire de Valérian Guillaume et le monde fantasque de Clédat & Petitpierre, le metteur en scène peine, malgré son engagement plein et entier, à transformer l’essai au plateau.
Avec son allure d’oxymore, le titre Péplum médiéval suggère, d’entrée de jeu, une alliance des contraires. Largement tombé en désuétude, nonobstant quelques productions américaines à gros budget, ce genre cinématographique, souvent alimenté par une esthétique kitsch à souhait, plonge en théorie ses racines dans la période de l’Antiquité, qu’elle soit grecque, romaine ou égyptienne. En lui accolant l’adjectif « médiéval », Olivier Martin-Salvan, avec l’esprit facétieux qu’on lui connaît, opère un déplacement historique et fait naître chez les spectateurs une collection d’images d’Épinal. Sur scène, on s’attend alors à voir des chevaliers, des armures, des épées, des boucliers, des batailles épiques et même, pour les plus téméraires, de l’huile bouillante déversée depuis des remparts. De ce champ iconographique populaire, parfois garni d’idées reçues, ne subsiste, en réalité, qu’un château fort, dont la stylisation épurée évoque les dessins d’enfant et lui donne des airs d’immense jouet. Comme si, en plongeant dans l’ère moyenâgeuse, souvent malaimée, voire méprisée, Olivier Martin-Salvan avait voulu faire table rase des poncifs qui lui collent à la peau, ceux d’une époque monochrome, vulgaire, déshumanisée où règnerait la guerre de tous contre tous. Avec l’aide de médiévistes, le metteur en scène a plutôt décidé de s’inscrire dans les pas des chefs-d’oeuvre de Brueghel l’Ancien et de Jérôme Bosch pour redonner au Moyen-Âge toute sa dimension foisonnante, iconoclaste, et même poétique, loin, très loin des sentiers battus.
Pour ce faire, quoi de mieux, a priori, que de s’immerger dans l’imaginaire d’un jeune garçon de sept ans, dont on sait qu’il est plus fécond et audacieux que celui de bien des adultes. Bercé par le sommeil, Guillaume, c’est son nom, donne vie à une kyrielle de créatures hautes-en-couleurs, espiègles, gouailleuses et joueuses, qui ne se lassent pas d’habiter ce royaume onirique qu’elles façonnent autant qu’il influe sur elles. Jusqu’au jour où la Nuit se fait la malle et emporte avec elle le dynamisme et la joie d’exister de ces figures, contraintes, pour la retrouver, de s’adonner à une série de représentations théâtrales. Irriguées par un souvenir qui semble antédiluvien, elles se plaisent alors à tenter de divertir un roi prêt à mourir sans avoir trouvé l’objet de sa quête, à entendre un cloueux scander les heures alors que le temps s’est arrêté, à lutter contre les sortilèges qui conduisent, et contraignent, leurs envies et leurs existences. Baroque à souhait, cette épopée réparatrice prend rapidement l’allure d’une sarabande théâtrale où les personnages surgissent pour mieux s’effacer, où les actions semblent aussi vaines que capitales, où les individus font corps, et groupe, pour tenter de surmonter le traumatisme auquel ils font face.
C’est d’ailleurs dans la recherche de cette unité face à l’adversité qu’Olivier Martin-Salvan s’avère le plus convaincant. Grâce aux élans créateurs, toujours fantasques, de Clédat & Petitpierre, qui signent la scénographie et les costumes, l’esthétique particulièrement soignée de ce Péplum médiéval forme un tout cohérent et permet d’ouvrir les portes d’un monde pittoresque, où les références au Moyen-Âge – telle la danse macabre – sont utilisées comme autant de sources fertiles d’inspiration. Au rythme de la musique aux sonorités à la fois baroques et électros de Vivien Trelcat, le plateau prend, au choix, des airs de royaume Playmobil ou de jeu vidéo vintage, où les comédiennes et comédiens ressemblent à des lutins excentriques et farfelus, capables d’apporter, chacun leur tour, ou conjointement, une pièce à l’édifice commun. Étonnamment organique et culottée, cette proposition tend à ériger la différence en valeur cardinale, à faire de l’onirisme et des mondes parallèles une nouvelle normalité et à homogénéiser une distribution où tout un chacun est mis sur un pied d’égalité. Issus, ou non, de l’ensemble Catalyse, qui regroupe, au sein du Centre National pour la Création Adaptée, des actrices et des acteurs en situation de handicap, les membres de cette troupe composite relèvent le même défi fantaisiste et mettent leur énergie au service d’une synergie unifiée par la direction d’acteurs d’Olivier Martin-Salvan.
Malheureusement, le texte de Valérian Guillaume leste, au lieu de porter, cet univers singulier en succombant aux sirènes de l’exercice de style. Dans sa façon pseudo-novarienne de jouer avec la langue, ses mots, ses sonorités et ses néologismes, il propulse l’épopée vers des rivages plus cuistres qu’atypiques, et ne donne pas aux comédiennes et comédiens un substrat suffisamment intelligible pour qu’ils puissent se l’approprier pleinement. Résultat, toutes et tous, et pas seulement les membres de la troupe Catalyse, dont le talent, le courage et l’engagement ne sont plus à prouver, s’enlisent dans une aventure littéraire laborieuse qui, au-delà de l’originalité de ses fondations esthétiques et à quelques rares exceptions près, peinent à trouver son rythme, à produire ses effets, et notamment à générer de l’attention, de l’adhésion et de francs éclats de rire. Reclus dans une bulle textuelle devenue hermétique à force de vouloir être extra-ordinaire, Péplum médiéval prend alors la forme d’une boule à neige, d’une rêverie sous cloche, incapable de pleinement nous transporter dans son monde et de rendre grâce au colossal travail de fond, tant de recherches que de mise en scène, qui lui a permis de voir le jour.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Péplum médiéval
Texte original Valérian Guillaume
Mise en scène Olivier Martin-Salvan
Avec Romane Buunk, Tristan Cantin, Manon Carpentier, Victoria Chéné, Fabien Coquil, Guillaume Drouadaine, Maëlia Gentil, Lise Hamayon, Mathilde Hennegrave, Rémy Laquittant, Emilio Le Tareau, Olivier Martin-Salvan, Christelle Podeur, Jean-Claude Pouliquen, Sylvain Robic
Scénographie et costumes Clédat & Petitpierre
Chorégraphie Ana Rita Teodoro
Composition vocale Miguel Henry
Création sonore Vivien Trelcat
Création lumière Mael Iger
Assistanat à la mise en scène Lorraine Kerlo-Aurégan
Collaboration artistique Alice Vannier
Assistanat, réalisation des costumes Anne Tesson, Jeanne-Laure Mulonnière
Traitement et spatialisation sonore Maxime Lance
Conseil technique scénographique Stéphane Lemarié
Conseil littéraire Mathias Sieffert
Conseil dramaturgique Baudouin Woehl
Recherche dramaturgique Mathilde Hennegrave
Régie générale / plateau Marie Bonnier en alternance avec Fabrice Guilbert
Régie lumière Sébastien Vergnaud en alternance avec Fabrice Guilbert
Régie plateau Marion Le Roy en alternance avec Solène Ferreol et Lucile Quinton
Régie son Maxime Lance en alternance avec avec Antoine Reibre
Régie costumes Marine Chandellier en alternance avec Clémentine Page
Accompagnement éducatif de la Troupe Catalyse Erwanna Prigent, Julien RonelProduction Tsen Productions
Production déléguée pour la troupe Catalyse Centre National pour la Création Adaptée – Morlaix / ESAT Les Genêts d’Or
Coproduction MC2: Grenoble scène nationale, Théâtre National Wallonie-Bruxelles / La Coop asbl et Shelter Prod, CENTQUATRE-PARIS, Le Manège Maubeuge scène nationale transfrontalière, Théâtre de Lorient CDN, Le Quartz scène nationale de Brest, Tandem scène nationale Arras-Douai, Scène nationale du Sud Aquitain, L’Arc scène nationale Le Creusot, Maison de la Culture d’Amiens scène nationale, La Coursive scène nationale de La Rochelle, Maison de la Culture de Bourges scène nationale, Le Grand R scène nationale de La Roche-sur-Yon, La Comédie scène nationale de Clermont-Ferrand, Maillon Théâtre de Strasbourg scène européenne, L’Archipel scène nationale de Perpignan, Le Théâtre scène nationale de Saint-Nazaire, Lieu Unique scène nationale de Nantes, Le Grand T théâtre de Loire-Atlantique, Châteauvallon-Liberté scène nationale de Toulon, L’Empreinte scène nationale Brive-Tulle
Avec le soutien de la Fondation de France, l’Olympiade Culturelle de Paris 2024, du Conseil régional de Bretagne, du dispositif d’insertion professionnelle de l’ENSATT, de l’ESAD, et de L’École de la Comédie de Saint-Étienne CDN / DIESE # Auvergne-Rhône-Alpes, deTaxshelter.be, ING et du Tax Shelter du gouvernement fédéral belgeTsen Productions – Olivier Martin Salvan est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC de Bretagne.
Durée : 1h40
Tandem, Scène nationale Arras-Douai
les 30 novembre et 1er décembre 2023Maison de la Culture d’Amiens, Scène nationale
les 7 et 8 décembreLe Maillon, Théâtre de Strasbourg, Scène européenne
les 14 et 15 décembreThéâtre National Wallonie-Bruxelles en co-accueil avec Le Manège Maubeuge, Scène nationale transfrontalière
du 10 au 14 janvier 2024Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre dramatique national
les 27 et 28 janvierCENTQUATRE-PARIS dans le cadre du Festival Les Singulier·es
du 1er au 3 févrierL’Archipel, Scène nationale de Perpignan
les 8 et 9 févrierScène nationale du Sud Aquitain, Anglet
les 14 et 15 marsLe Lieu Unique, Scène nationale de Nantes / Le Grand T
du 26 au 30 marsLe Théâtre, Scène nationale de Saint-Nazaire
les 4 et 5 avrilLa Coursive, Scène nationale de La Rochelle
les 10 et 11 avrilLe Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon
les 17 et 18 avrilL’Arc, Scène nationale du Creusot en co-accueil avec le Théâtre, Scène nationale de Mâcon et l’Espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône
les 17 et 18 mai
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