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« Madone ou la force subversive de la bonté » : sept personnages en quête d’humanité

A voir, Aix en provence, Caen, Les critiques, Paris, Théâtre
Carole Parodi

© Carole Parodi

Avec Madone ou la force subversive de la bonté, le duo suisse formé par Dorian Rossel et Delphine Lanza nous mène sur les traces du don et de la réception. De la bonté. Sept artistes d’horizons divers y forment une étrange et passionnante communauté de théâtre, qui voyage à travers des paysages littéraires à son image : variés, mais tous tendus vers un même objet.

Assise seule au bord d’un plateau tout sombre, d’une sorte de cube en voie de décomposition – des débris qui s’accumulent un peu partout semblent annoncer un éboulement prochain –, une jeune femme, la comédienne Giulia Crescenzi, pose une question qui dit en long de Madone ou la force subversive de la bonté qu’elle introduit. « Ça vous arrive à vous aussi, parfois, de lire un poème ? Et qu’il soit l’exact reflet de la question que vous avez à l’intérieur de vous à ce moment-là ? Précisément ». La phrase n’est pas d’elle, ni des metteurs en scène suisses Dorian Rossel et Delphine Lanza, de la compagnie STT (Super Trop Top). Elle est de l’écrivain portugais Fernando Pessoa (1988-1935). Elle ouvre un poème qui reviendra à plusieurs reprises dans la pièce, toujours dans la bouche de la même interprète. Et ce dès la fin de la première récitation. Mais cette fois, ce n’est plus à nous, spectateurs, qu’elle chuchote son interrogation, mais aux six femmes et hommes qui l’ont rejointe dans sa boite qui ne tarde pas à poursuivre sa désagrégation.

Par ce double commencement, la beauté comme objet de partage, de quête collective est placée au cœur de Madone. Le beau, le poétique n’existe pas en soi mais dès lors qu’ils sont regardés et mis en partage, nous disent Dorian Rossel et Delphine Lanza. Laquelle, en plus d’avoir co-mis en scène le spectacle, est l’un des membres de l’étrange petite communauté qui se forme au plateau dès la récidive pessoienne de Guilia Crescenzi, qui ne s’arrêtera pas en si bon et efficace chemin. Une fois activés par le poème les deux groupes dont la rencontre fait théâtre – celui des spectateurs et des interprètes –, elle ramène régulièrement Pessoa sur une scène de plus en plus rongée de l’intérieur, comme vermoulue. Ses six compagnons font de même : tels les fugitifs de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, qui pour préserver la mémoire d’une humanité écrasée par un régime totalitaire apprennent chacun par cœur une œuvre entière, ils ont leur préférence ou leur obsession qu’ils ont à cœur de mettre en commun encore et encore.

Ces sept êtres habités par des paroles qui ne sont pas les leurs forment évidemment ensemble une métaphore du théâtre. D’un théâtre individuellement et collectivement tendu vers la bonté, dont le beau et le poétique sont l’une des conditions. Pas la seule, loin de là. Mais quelles sont-elles, ces conditions ? Pour nous permettre de nous frayer un chemin à travers la question, Madone convoque des textes d’horizons aussi divers que les interprètes de la pièce. Soit, en plus des deux déjà citées : Antonio Buil, Alenka Chenuz, Fabien Coquil et Mimi Jeong. La découverte de l’une de ces œuvres est à l’origine du spectacle : La Madone Sixtine, nouvelle de l’écrivain soviétique Vassili Grossman (1905-1965), où il raconte le choc provoqué chez lui par la célèbre peinture de Raphaël qu’il voit pour la première fois au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale au musée Pouchkine à Moscou, délivrée par bribes tout au long du spectacle. Elle en est une pièce majeure, essentielle, mais qui ne délivre guère plus de vérité que le poème de Pessoa. Ou que les textes de la journaliste et écrivaine Milena Jesenská (1896-1944), du poète russe Arseni Tarkovski (1907-1989) et de l’écrivain suisse Robert Walser (1878-1956) qui s’invitent eux aussi au sein de l’accueillante Madone.

La bonté promise par le titre du spectacle est bien au rendez-vous dans ces écrits d’auteurs aux origines diverses, aux âges différents mais qui ont tous été touchés par l’une ou les deux Guerres Mondiales. La bonté de Madone s’épanouit ainsi loin de tout idéal naïf : elle est regard, elle est don malgré le pire. La violence, la mort. Elle ne prend toutefois pas une forme tangible, définitive : d’un texte à l’autre, la bonté que les sept interprètes convoquent parmi eux apparaît tantôt sous la forme d’un poème, tantôt sous les phrases ciselées d’une blague. Elle prend les traits d’une bonne qui sauve un clochard en coupant à sa place le bois qu’on lui confie, ou ceux d’une femme qui nous confesse avoir toujours « attendu la vie ». Elle est une Vierge avec son enfant bien sûr, telle que la voit Vassili Grossman : comme l’expression de « la joie d’être une créature vivante sur cette terre ». Elle est un tableau – encore la Madone de Raphaël, en l’occurrence – qui traverse l’Europe et les siècles sans perdre de sa puissance de fascination…

Cette bonté mouvante, au-delà des époques et des frontières, est aussi et d’abord une bonté de théâtre. Pour lier toutes les histoires qui se succèdent et s’entremêlent dans la pièce, c’est la manière dont elles sont offertes et reçues sur scène, écoutées avec respect, qui compose une sorte de récit commun. Une unité qui, au lieu de craindre les différences, en fait une force, un moteur. Pour Dorian Rossel et Delphine Lanza, qui avaient jusque-là adapté au théâtre des œuvres diverses, mais basées pour la plupart sur des narrations de facture assez classique – Quartier lointain d’après le manga de Jiro Taniguchi, une adaptation de La Maman et la putain de Jean Eustache intitulée Je me mets au milieu mais laissez-moi dormir ou encore des scénarios du Voyage à Tokyo de Yasujirō Ozu et Kōgo Noda et du Dernier métro de François Truffaut –, cette exploration de la bonté était une plongée dans l’inconnu. Ils n’ont pas cherché à le cacher : c’est leur fragilité, leurs doutes qui sont la matière première de leur bien riche bonté.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Madone ou la force subversive de la bonté

Mise en scène : Dorian Rossel et Delphine Lanza

Avec Antonio Buil, Alenka Chenuz, Fabien Coquil, Giulia Crescenzi, Mimi Jeong, Delphine Lanza, Roberto Molo

Soutien dramaturgique Carine Corajoud, Karelle Ménine et Karim Kadjar

Scénographie et lumières Julien Brun 

Stagiaire scénographie et lumières Maude Bovey

Musique originale David Scrufari

Costumes Amandine Rutschmann

 Direction technique Matthieu Baumann 

Régie plateau Alex Auer

Construction du décor Ateliers de la Maison de la culture Bourges, sous la direction de Nicolas Bénard

Durée : 1h30

Théâtre du Jeu de Paume – Aix-en-Provence

Du 15 au 17 décembre 2022

17 décembre 2021/par Anaïs Heluin
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