David Lescot raconte l’histoire de la libération des ondes de la fin des années 70 au début des années 80. Un spectacle musical en forme de balade dans les années Mitterrand. C’est généreux dans le propos, parfois un peu brouillon dans la construction, mais le talent des comédiens du Français fait la différence et compense les longueurs.
Des bouteilles de champagne en guise de pieds de micros sont posées sur des tables en formica. Le technicien de Radio Quoi cache au mieux l’émetteur de la radio pirate pour éviter la saisie de la police. Nous sommes à la fin des années 70, Giscard sent le vent tourner et pourchasse ce nouveau mode d’expression qui fait tache d’huile sur le territoire. L’exemple le plus emblématique de cette époque est celui de la radio initiée par la CGT, Cœur d’Acier en Lorraine, dont David Lescot ne parle pas, mais on vous encourage la saison prochaine à scruter la tournée du spectacle destiné au jeune public, Longueur d’Ondes de Bérangère Vantusso et Paul Cox, un modèle du genre qui raconte le rôle joué par ces radios sur l’évolution des mœurs.
Dans le spectacle de David Lescot, l’approche politique est également sous-jacente. Les personnages basculent de l’ère Giscard aux premières années de Mitterrand à l’Élysée. C’est l’espoir du retour de la Gauche avec les avancées sociales, et puis la dure réalité de l’exercice du pouvoir refait surface avec les premières mesures d’austérité dès 1983. Les belles utopies s’envolent. Les radios se professionnalisent, elles doivent partager les fréquences et composer des alliances parfois contre-nature. Ici Radio Quoi devient Radio Vox. Les radios libres deviennent des Radios Locales Privées, la publicité fait son entrée sur les ondes.
La reconstitution historique de David Lescot et son équipe est parfaite, on est vraiment dans l’esprit de l’époque, avec les volutes de fumées polluant les studios. Dans celui de Radio Quoi, il règne une belle agitation. Un soupçon d’esprit dadaïste et de surréalisme irrigue le plateau. Un beau terrain de jeu pour les comédiens de la Comédie-Française. Sylvia Bergé et Elsa Lepoivre sont remarquables, tant elles sont méconnaissables. Christian Hecq change constamment de perruques avant d’enfiler une petite fourrure qui lui va à ravir. Et l’on découvre avec plaisir Yoann Gasiorowski, l’un des derniers recrutés de la troupe, distribué ici pour la deuxième fois.
Et malgré cela, on s’est un peu ennuyé car le spectacle navigue entre de longues séquences un peu trop bavardes et des happening psychédéliques désordonnés. L’irruption de personnages secondaires comme celui d’une fugueuse dans les locaux de la radio casse le rythme de la narration, sans apporter de grain à moudre à l’histoire. A la fin du spectacle, David Lescot se lance dans une grille de lecture de la chanson Champagne de Jacques Higelin, comme une prémonition à ce qui va se passer au milieu des années 80 (la chanson est sortie en 1979). « La nuit promet d’être belle » martèle Higelin. Mitterrand apparait alors sous les traits de Lucifer. Fin de la fête, conversion de la gauche à l’économie de marché. Faire de Champagne une chanson visionnaire parait un peu hasardeux, il n’est pas certain que Jacques Higelin l’ait écrite en ce sens. D’ailleurs dans le livre testament magnifique écrit avec notre consœur Valérie Lehoux, elle revient plusieurs fois à la charge et lui demande « Jacques, tu peux me dire comment tu as écrit Champagne ? » « Mais, j’sais pas moi » fut la seule réponse de Jacques Higelin !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les ondes magnétiques de David Lescot
Mise en scène : David Lescot
Décor : Alwyne de Dardel
Costumes : Mariane Delayre
Lumières : Paul Beaureilles
Musique originale et réalisation sonore : Anthony Capelli
Collaboration artistique : Linda Blanchet
Conseil historique : Anaïs Kien
Avec
Sylvia Bergé
Alexandre Pavloff
Elsa Lepoivre
Christian Hecq
Nâzim Boudjenah
Jennifer Decker
Claire de La Rüe du Can
Yoann Gasiorowski
Durée: 2hThéâtre du Vieux-Colombier
Du 23 mai au 1er juillet 2018
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