Le metteur en scène australien Simone Stone travaille pour la première fois avec une distribution française. L’artiste associé du Théâtre de l’Odéon monte une version contemporaine des Trois Sœurs dans la langue d’aujourd’hui. Une réussite.
Quand on a découvert les premières photos de répétition, avec cette immense maison tournante sur le plateau, on s’est demandé si Simon Stone n’allait pas faire du copier coller de son Ibsen Huis présenté cet été au Festival d’Avignon, dans un dispositif semblable. Il n’en n’est rien. On a été rassuré dès les premières minutes du spectacle et totalement embarqué par cette histoire de trentenaires débarquant pour les vacances dans leur maison de campagne. Le mérite en revient à la formidable direction d’acteur du metteur en scène et à une distribution épatante.
Les comédiennes et comédiens présentés à Simon Stone par Stéphane Braunschweig et son équipe viennent d’horizons différents. Il n’y a aucune fausse note. Un vent frais souffle sur le plateau. Quel plaisir de retrouver Assane Timbo (Herbert) qui l’on avait découvert en 2014 dans Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, Jean-Baptiste Anoumon (Teodor) si magistral déjà dans Soudain l’été dernier, ou encore Assaad Bouab (Alex), comédien rare au théâtre même s’il a été formé au Conservatoire, popularisé par la télévision dans les séries Homeland ou Dix Pour Cent. Voilà enfin la France telle qu’elle est aujourd’hui sur une scène de théâtre, et dans une théâtre national. Bravo.
Les rôles des trois sœurs ont été confiées à trois grandes comédiennes. Céline Salette est Macha, Amira Casar est Olga et Eloïse Migon est Irana. Cette dernière, franco-australienne a déjà beaucoup travaillé avec Simon Stone à Sydney, on a pu la voir dans la création de Je suis Fassbinder au Théâtre National de Strasbourg. Ces trois sœurs là nous serrent le cœur de bout en bout.
Simon Stone a bien pris soin de laisser des marqueurs comme points de repère de l’œuvre de Tchekhov : l’anniversaire d’Irina, le feux d’artifice, la perte des parents, l’errance, la quête d’un monde meilleur. Il y a ajoute sa propre patte. Ici les hommes ne sont pas des militaires, les femmes ne sont pas des maîtresses de maison. Le mojito remplace la vodka. Olga est lesbienne, Fedotik (Herbert) est gay. Irina est vegan. Si les personnages de Tchekhov rêvaient de rentrer à Moscou, ceux de Simon Stone rêvent de Berlin ou de New-York.
La vie moderne est une pute dit un personnage, elle engendre une génération désespérée. C’est celle du début des années 2010, elle partage les mêmes doutes que celle des personnages de Tchekhov, un siècle plus tôt. La pièce célèbre la liberté et l’amour, elle est remplie de mélancolie, on y chante Heroes de Bowie. Dans cette quête du bonheur, les couples se détruisent et se reconstruisent au fil des saisons en dehors des conventions, entre amour et ennui comme dans la pièce initiale de Tchekhov. Les personnages se déchirent, meurent, pleurent, et lorsqu’ils quittent la scène après avoir déménagé la maison, le vide de leur absence est immense.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les Trois Sœurs
d’après Anton Tchekhov
un spectacle de Simon Stone / artiste associé
avec Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab, Éric Caravaca, Amira Casar, Servane Ducorps, Eloïse Mignon, Laurent Papot, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Assane Timbo, Thibault Vinçon
traduction française et assistanat à la mise en scène Robin Ormond
décor Lizzie Clachan
costumes Mel Page
musique Stefan Gregory
lumière Cornelius Hunziker
production Odéon-Théâtre de l’Europe
création française d’après la production originale du Theater Basel (créée le 10 décembre 2016 en version allemande)
Durée 2h35 avec une entracte au bout de 1h20Odéon 6e
10 novembre – 22 décembre 2017
TNP Villeurbanne
Du 8 au 17 janvier 2018
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