L’Apocalypse d’Adam et Aimée, second spectacle conçu par Adama Diop, prolonge la voie ouverte par Fajar et en duplique certains écueils. Le texte, dans sa volonté de proposer une poésie des origines, conjuguant Apocalypse et Genèse, finit par peser sur une mise en scène plutôt réussie, alliant habilement paroles, images et musique.
Bis repetita. Après Fajar, Adama Diop propose un second spectacle dont il signe le texte et la mise en scène. Le comédien, révélé notamment par Castorf, Gosselin et Sivadier – de sacrées pointures –, poursuit son chemin parallèle, personnel, pour l’instant encore inabouti. Fajar mêlait cinéma, musique et théâtre dans un long spectacle odyssée de 2h45 où se croisaient français et wolof sur la route d’un migrant ; L’Apocalypse d’Adam et Aimée, forme plus courte, penche du côté des récits poétiques cosmogoniques, où, comme son titre peut l’indiquer, la langue d’Adama Diop se mélange à celle d’Aimé Césaire.
Le spectacle tient dans un balancement. Un père raconte à sa fille la fin d’un monde ; celle-ci lui donnera la genèse du sien, nouveau. Tout commence donc en apocalypse, avec un condensé des angoisses qui traversent cette époque. Désolation des terres et des eaux, conflits thermonucléaires et soleil brûlant signent la fin d’une humanité dans un texte initial percutant, accompagné d’un montage vidéo qui le politise et décuple sa portée ; puis, vient le Cahier d’un retour au pays natal de Césaire. Les langues s’enchaînent en se différenciant. À la dystopie de l’artiste associé à la Comédie de Caen, succèdent les vers libres du poète martiniquais. Autre langue, autre phrasé, qui contrastent, puis que, petit à petit, Adama Diop tente de fondre en un. Nous voilà lancés dans le deuxième acte d’une dramaturgie qui en comptera trois. C’est Aimée, en wolof, qui prendra la parole, venue d’un après, pour un texte de la Création, d’un renouveau panculturel, où se mêleront Gaïa, Marie-Madeleine, Vénus hottentote, et bien d’autres figures féminines présidant à l’avènement d’un nouvel univers.
Sur scène, au début, Adama Diop lit son texte, entouré de Dramane Dembélé, musicien polyvalent au flegme séduisant, d’un côté, et de la plus hiératique Jessica Martin-Maresco, aux très beaux chants, de l’autre. L’apport de la vidéo est indéniable à l’arrière de ce trio aux débuts un peu figés. Peu à peu, par un joli mélange des arts, qui culminera dans une ballade filmée en direct à travers un paysage florissant à la Frida Kahlo, la scène s’approfondit, et les plans se multiplient grâce à des jeux de transparence et de révélation. Comme l’espace d’un nouveau monde qui s’ouvrirait. Le propos, lui, n’emprunte cependant pas la même trajectoire. Dilution plutôt qu’approfondissement, ressassement plutôt que progression. Malgré de jolis passages, comme l’énumération malicieuse de cris d’animaux, la poésie d’Adama Diop tourne progressivement à la grandiloquence lyrique, peu touchante et par trop démonstrative. Dans cette filiation de Césaire, il ne parvient malheureusement qu’à créer une langue qui enfle, mais ne trouve ni sa note ni sa singularité.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
L’Apocalypse d’Adam et Aimée
Conception et texte Adama Diop, avec des extraits de Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire (Présence Africaine Éditions)
Avec Adama Diop, Jessica Martin-Maresco, Dramane Dembélé
Musique et chant Jessica Martin-Maresco
Musique Dramane Dembélé
Costumes Mame Fagueye Ba
Lumière Louisa Mercier
Son Mathilde Tirard
Vidéo Pierre Martin OriolProduction Comédie de Caen ― CDN de Normandie
Avec le soutien du Théâtre du Rond-PointDurée : 1h15
Vu en février 2025 au Théâtre des Cordes, Comédie de Caen ― CDN de Normandie
Théâtre du Rond-Point, Paris
du 8 au 18 avril 2026
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