Cette pièce a été l’un des chocs du Festival d’Avignon 2011. Arthur Nauzyciel la reprend au Théâtre de la Colline avant de la présenter au public du Théâtre National de Bretagne pour sa première saison.
Arthur Nauzyciel a respecté le découpage du livre choc de Yannick Haenel (paru en 2009 aux Editions Gallimard). Il révèle par ce spectacle les souvenirs de Yan Karski. Ce polonais, de son vrai nom Jan Kozielewski, fait prisonnier en 39 par les soviétiques, remis aux mains des allemands, s’évade avant de rejoindre la Résistance. Messager, il deviendra un précieux informateur pour les alliés en transportant des informations de premier plan sur les camps de concentration et sur le ghetto de Varsovie dans lequel il entre clandestinement, jusqu’à porter cette parole à New-York directement au Président Roosevelt en juillet 43. En 1977, le cinéaste Claude Lanzmann le convainc de témoigner dans son film Shoah. Yannick Haenel s’est appuyé sur cette partie du documentaire pour écrire son livre, et le spectacle débute par cette partie.
Dans le noir, des bruits de trains de déportés envahissent la salle, puis Arthur Nauzyciel commence à raconter l’histoire de cet homme incroyable. Il entame un numéro de claquettes sur un morceau Yiddish, comme pour exorciser la peur dans laquelle il a plongé la salle. Pour continuer de raconter le destin de Yan Karski, Arthur Nauzyciel a demandé au plasticien Miroslaw Balka de concevoir une vidéo, sur laquelle en voix off, l’actrice Marthe Keller continue d’égrener les faits d’arme de ce héros. La caméra de Miroslaw Balka suit en très gros plan le tracé du ghetto de Varsovie sur une carte, sorte de film hypnotique. Même si cette partie reste trop longue (40 minutes) elle permet de comprendre toute la complexité du personnage.
Puis Jan Karski continue de raconter son histoire sous les traits de Laurent Poitrenaux. C’est la partie romancée du spectacle. Méticuleux, gestes précis, l’acteur est habité par son rôle. Il s’agit pour lui de « remettre les morts et les vivants ensembles ». Hantée par son existence, totalement en introspection, courbé, presque crochu, il arpente dans un décor magnifique (la reconstitution du foyer d’un opéra) l’espace, et met en exergue l’antisémitisme américain, celui de Roosevelt qui savait en 43, mais qui devrait préparer sa réélection. Et par des phrases chocs il réveille notre conscience : « La culpabilité des nazis n’innocente pas les Etats-Unis ». « Il s’agit d’un crime commis par l’humanité ».
Le monologue de Laurent Poitrenaux dure une heure trente. Et on ne le quitte pas des yeux. Puis la danseuse que Jan Karski (devenu américain fan des comédies musicales de Gene Kelly et Fred Astaire) a rencontré à New-York vient exécuter une chorégraphie rageuse sous les traits d’Alexandra Gilbert. Le belge Damien Jalet, proche de Sidi Larbi Cherkaoui, a chorégraphié cet instant. Il a déjà travaillé avec Arthur Nazyciel sur L’Image (cours spectacle autour d’un texte de Beckett). On ne ressort pas indemne de ce spectacle choc qui fait réfléchir.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
JAN KARSKI (MON NOM EST UNE FICTION)
d’après le roman Jan Karski de Yannick Haenel
mise en scène et adaptation Arthur Nauzyciel
scénographie Riccardo Hernandez
regard et chorégraphie Damien Jalet
musique Christian Fennesz
lumière Scott Zielinski
son Xavier Jacquot
costumes José Lévy
vidéo Miroslaw Balka
avec Alexandra Gilbert, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenaux et la voix de Marthe Keller
production Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre
coproduction Festival d’Avignon, Les Gémeaux Scène nationale de Sceaux, CDDB-Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Maison de la Culture de Bourges Scène nationale,
La Comédie de Reims Centre dramatique national
avec le soutien de la Région Centre, de l’Institut Polonais de Paris et de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New settings
avec la participation de l’Institut Français
avec l’aide du Théâtre TR Warszawa (Varsovie) et de l’Ambassade de France en Pologne
Par son soutien, l’Adami aide le Festival d’Avignon à s’engager sur des coproductions.
Le roman Jan Karski est publié aux éditions Gallimard.
Jan Karski (Mon nom est une fiction) fera l’objet d’une Pièce (dé)montée, dossier réalisé par le Centre Régional de Documentation
Pédagogique de Paris, disponible sur les sites internet du Festival d’Avignon et du CRDP de Paris.
durée 2h40 – création 2011
OPÉRA-THÉÂTRE
La Colline
du 8 au 18 Juin 2017
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Jan Karski sera également présenté au Théâtre de la Cité internationale du 16 au 20 novembre 2011, dans le cadre du festival New Settings, élaboré en collaboration avec la Fondation d’entreprise Hermès !
Plus d’infos sur http://www.theatredelacite.com/#/spectacle/218665/new-settings