Le Festival d’automne et la MC93 accompagnent la rencontre artistique entre l’immense comédienne Valérie Dréville et le chorégraphe Jérôme Bel. Celle-ci donne lieu à une proposition assez maigre, plus ou moins improvisée et inspirée, ne suscitant qu’un intérêt poli pour l’engagement total de son interprète.
S’il y a bien dans le paysage théâtral français une comédienne aventureuse qui aime le risque et l’inconfort, c’est Valérie Dréville ; elle l’a d’ailleurs plus d’une fois prouvé aux côtés de géants de la mise en scène comme Anatoli Vassiliev ou Luc Bondy, Claude Régy ou plus récemment Sylvain Creuzevault. Sous leur direction, repoussée dans ses derniers retranchements, la bouleversante tragédienne s’est illustrée dans un théâtre de l’extrême, suivant une voie interprétative totalement libérée de la psychologie et privilégiant le dépassement de soi, elle s’est offerte dans une nudité aussi bien physique que métaphorique pour ainsi dire.
Qu’allait proposer Jérôme Bel à l’actrice avec qui il travaille pour la première fois et, qui plus est, autour d’une discipline qui n’est pas primordialement la sienne ? L’artiste a aussi souvent fait preuve d’une belle radicalité, surtout autrefois car celle-ci semble s’être un peu émoussée dans ses derniers spectacles, un peu avares en créativité. Celui-ci revient à une forme qu’il maîtrise bien : le portrait.
Depuis plus de 10 ans, Jérôme Bel signe des spectacles au cours desquels des interprètes comme Véronique Doisneau, de l’Opéra national de Paris, le Thaïlandais Pichet Klunchun, puis Lutz Förster, danseur de la compagnie Pina Bausch, et Cédric Andrieux, se sont prêtés au jeu malicieux et intimiste de livrer une part d’eux-mêmes tandis que le chorégraphe prend un malin plaisir à quitter le rôle trop autoritaire du créateur pour laisser s’épancher l’interprète à partir duquel il travaille dans une veine quasi documentaire.
Valérie Dréville commence par lister simplement quelques dates et mots qui convoquent son passé de petite fille appliquée, mais peut-être pas follement épanouie, inscrite dans un cours de danse de Pontoise. Elle s’applique à enchaîner quelques pas, forcément académiques. Puis, elle passe à une improvisation chronométrée de danse moderne, libérant le corps, déployant des mouvements plus abstraits, intuitifs, instinctifs.
Valérie Dréville ne se regarde pas faire. Humble et généreuse, elle danse le moment présent, vit l’expérience qui se poursuivra avec la restitution de quelques solos du répertoire. Un Prélude d’Isadora Duncan recyclé par Bel à partir de son dernier spectacle, une sorte de conférence biographique un peu besogneuse et pédagogiquement limitée où l’on voyait déjà le court passage accompagné de son lexique poético-explicatif. Suivent, entre autres, une improvisation fortement intériorisée à partir de Café Müller de Pina Bausch et enfin un hommage à Kazuo Ono, maître de l’obscur et de la lenteur, magicien faisant disparaître et réapparaître l’être.
Une consigne prédomine : celle de ne pas imiter le matériau existant mais se l’approprier, en s’abandonnant à lui. Ce que fait Valérie Dréville parfois avec justesse, parfois de manière approximative. Même chose lorsqu’elle commente avec flamme (mais un peu longuement) des vidéos YouTube d’autres opus phares de l’histoire de la danse.
Aucun élément scénique ne servira d’appui si ce n’est un téléphone portable, une régie a minima, une gourde et une chaise. Cela oblige la comédienne à beaucoup donner. Bel, lui, au contraire, ne semble pas chercher à sortir de sa zone de confort. Le déséquilibre est flagrant. Les invariants de son geste sont bien là : esthétique nue, sans décor, sans costume, peu de musique, refus du formatage, anti-virtuosité, juste du noir et du silence au profit de l’expression non parasitée du ressenti de l’interprète. Cela au moins est bien palpable, mais beaucoup de choses manquent pour que la proposition touche vraiment.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Danses pour une actrice
(Valérie Dréville)
Concept, Jérôme Bel
Avec Valérie Dréville
Conseil artistique et direction exécutive, Rebecca Lasselin
Administration, Sandro Grando
Production R.B. Jérôme Bel (Paris)
Coproduction ; R.B. Jérôme Bel (Paris) ; Théâtre Vidy-Lausanne ; MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny) ; La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny) ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations à la MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny)
Coréalisation La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations à La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers
Avec l’aide du CND Centre national de la danse (Pantin) dans le cadre de l’accueil en résidence et de la Ménagerie de Verre (Paris) dans le cadre de Studiolab, pour la mise à disposition de leurs espaces de répétitions
R.B. Jérôme Bel reçoit le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – ministère de la Culture, de l’Institut Français – Ministère des Affaires Etrangères – pour ses tournées à l’étranger et de l’ONDA – Office National de Diffusion Artistique – pour ses tournées en France
R.B. Jérôme Bel : conseil artistique et direction exécutive : Rebecca Lasselin
www.jeromebel.fr
Pour des raisons écologiques, la compagnie R.B. / Jérôme Bel n’utilise plus l’avion pour ses déplacements.Durée: 1h20
Festival d’Automne 2020
MC93– Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
7 au 16 OctobreLa Commune centre dramatique national Aubervilliers
19 au 26 Novembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !