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Phèdre : Louise Vignaud fait briller l’étoile noire du désir

À la une, Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre

Photo Christophe Raynaud de Lage

A l’habituelle Phèdre de Racine, Louise Vignaud a préféré la version plus radicale et violente de Sénèque. Au Studio de la Comédie-Française, la jeune metteuse en scène transforme cette tragédie antique en un joyau ténébreux, sublimé par Jennifer Decker et Thierry Hancisse.

Lorsqu’il est question de « Phèdre », association est souvent faite avec la pièce de Racine, rarement avec celle d’Euripide, et encore moins avec celle de Sénèque. Et pourtant, la version du dramaturge romain, en réalité titrée « Hippolyte », recèle une force dramatique indéniable. Plus crue et directe dans ses mots, plus dure et limpide dans son propos, elle dessine une falaise tragique aussi abrupte qu’anguleuse et offre une descente aussi rapide qu’inéluctable. Dès les toutes premières tirades, le nœud gordien de la tragédie est noué. Épouse de Thésée, parti depuis quatre ans aux Enfers, enfermée dans son palais devenu une cage dorée, Phèdre confie à sa nourrice son profond désespoir. Malheureuse en ménage, elle n’a en réalité d’yeux que pour Hippolyte, le fils de son mari. Un désir incestueux qui, une fois révélé, va faire voler en éclats la famille royale.

De ce drame antique, la traduction tranchante de Florence Dupont révèle l’insoupçonnable modernité. Exception faite de l’intervention finale du dieu Neptune invoqué par Thésée, les hommes apparaissent comme les uniques responsables de leur propre malheur. Les effets des leviers compassionnels, actionnés par quelques grandes scènes de miseratio comme le premier monologue de Phèdre et l’ultime monologue de Thésée, sont alors immédiats. Mus par les désirs d’amour et de vengeance, guidés par l’envie de fuir et d’échapper à leur destin, mais finalement terrassés par le mensonge et le ressentiment, les personnages montrent leur face la plus humaine, trop humaine. Placés à faible distance, leurs rapports, intimement violents, n’en rayonnent que plus intensément.

Ce souffle dramatique, Louise Vignaud le transforme en une puissance ténébreuse. La jeune metteuse en scène n’est prête à aucune concession pour arrondir l’âpreté de la pièce de Sénèque. Au contraire. Armée d’un parti-pris assez radical, elle en aiguise les arêtes les plus coupantes et livre ce drame familial à cru. Dans une scénographie sobre et élégante, signée Irène Vignaud, plus proche de la froideur d’une prison que de la rutilance d’un palais, Phèdre et consorts en sont réduits à s’entre-dévorer au long d’une danse macabre où les corps-à-corps furieux sont omniprésents.

Pour transcender la tragédie, Louise Vignaud a bien compris qu’elle pouvait s’appuyer sur l’habileté scénique des comédiens du Français. Avant toute autre chose, c’est la qualité, précise et enlevée, de sa direction d’acteurs qui frappe. A la manière de grands tragédiens, drapés dans les beaux costumes de Cindy Lombardi, tous incarnent plus qu’ils ne jouent leurs rôles respectifs. En première ligne, Jennifer Decker éblouit en Phèdre possédée par la folie passionnelle, quand Thierry Hancisse bouleverse en Thésée déchirant. Au rang des plus belles scènes, retenons celle du récit de la mort d’Hippolyte. Livré hors champ par une Claude Mathieu étonnante en nourrice ambiguë, ses ravages s’impriment progressivement sur le visage de comédiens pétrifiés de douleur. En un instant, sans un mot, tout est dit, tout est traduit. Parvenir à ce niveau de précision théâtrale procède bien d’un certain talent.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Phèdre de Sénèque Mise en scène : Louise Vignaud
Scénographie : Irène Vignaud
Lumières : Luc Michel
Costumes : Cindy Lombardi
Son : Lola Etiève
Dramaturgie : Pauline Noblecourt
Traduction : Florence Dupont

Claude Mathieu
La Nourrice de Phèdre

Thierry Hancisse
Thésée

Pierre Louis-Calixte
Le Choeur

Nâzim Boudjenah
Hippolyte

Jennifer Decker
Phèdre
Durée: 1h20

Studio de la Comédie-Française
29 mars 13 mai 2018

31 mars 2018/par Vincent Bouquet
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