Formée au Studio-Théâtre d’Asnières et à l’American Modern Dance de Buffalo NY, Esther Van den Driessche est un comédienne fidèle de la troupe d’Igor Mendjisky au sein du collectif Les sans cou depuis le succès de Masques et Nez. Elle sera cette semaine sur la scène des Bouffes du Nord pour la reprise des Couleurs de l’air.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui et non. J’ai le trac à chaque fois, pas plus à la première qu’à la deuxième et jusqu’à la dernière. C’est une peur qui vient de je ne sais où. Je revois mon grand père, Fernand Kindt, en coulisse assis sur une chaise, calme, tranquille, souriant presque immobile, tel un bouddha avant d’entrer en scène. Avait-il le trac lui à ce moment là ?
D’où nous vient cette peur, ce trac? Comme si l’ego attendait d’être enfin “validé”, acclamé, reconnu. Vont-ils m’aimer ? C’est une question assez pathétique.
Alors quelque part non je n’ai pas peur car au souvenir de ce grand-père, je sais que je suis exactement là où je dois être. Je me tiens prête pour cette rencontre d’avec l’inconnu. À jamais avec lui.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Ouh la ! Je passe une journée très ordinaire (extraordinaire !). Je m’occupe de mes enfants, je veille à ce qu’ils ne manquent de rien et que la baby sitter assurera au moment où je ne serais plus (tout à fait) là pour eux.
En les quittant je leur dit que je les emmène sur scène avec moi dans mon cœur et je leur glisse un petit mot surprise sous l’oreiller qu’ils découvriront en se couchant.
Heureuse de ce jour qui va accoucher de quelque chose, « quelque chose » doit arriver. Il y a un crépitement spécial dans mon ventre, comme lors d’un premier rdv amoureux.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Je décorne, je fais des blagues (de cul!), je danse. Je m’échauffe. Je me maquille. Je fais mes mises. Je mange une banane. J’ai envie de faire l’amour. Je le dis! Je fais des italiennes. J’aligne mes crayons de maquillage. Je me brosse les dents. Je dis merde ! Je retourne aux toilettes.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Mon père joue Le Capitaine Fracasse au théâtre de la Renaissance à Paris, je suis en plein cœur de l’œdipe. Il chante de sa belle voix basse et au moment du salut il pointe son épée vers moi dans la salle, petite fille de 5 ans assise dans son fauteuil, yeux écarquillés d’amour-admiration-joie-peur-fierté, les applaudissements retentissent: “Je veux faire ce métier”.
Premier bide ?
Je pense que « Josette » (mon premier personnage de masque) est en soit l’incarnation du « bide » mais je l’aime précisément pour ça et je ris en l’écrivant!
Première ovation ?
Peut-être un jour… j’vous raconterai.
J’ai senti des “ovations” secrètes, silencieuses, de celles qui me rappelle un instant la fulgurante nécessité de continuer à faire ce métier.
Premier fou rire ?
Gabriel Dufay joue le diable dans Le Maître et Marguerite il dit à la fin de la pièce, dans une longue tirade :” Ne voudriez-vous pas, comme Faust, vous pencher sur votre bureau et écrire avec une chandelle à la lueur d’une plume d’oie …» inversant chandelle et plume d’oie.
Aucun mot ne peut plus sortir de ma bouche. J’exécute mécaniquement les derniers gestes et déplacements du spectacle mais mon corps est secoué de spasmes de rire impossible à maîtriser jusqu’au salut. J’avais cette image d’un homme essayant d’écrire avec une chandelle, s’éclairant d’une plume d’oie.
Premières larmes en tant que spectateur, spectatrice ?
Une femme en pièces le plus beau spectacle que j’ai vu de ma vie. De l’auteure Kata Weber et dans la mise en scène de Kornel Mundruczo. Ils sont tous deux hongrois, leurs acteurs sont polonais. Un véritable chef d’œuvre.
Première mise à nue ?
La naissance de Josette mon premier personnage de masque. Je ne suis plus rien que cette petite voix fluette mais bien ancrée qui dit : “ j’existe depuis la nuit des temps.”
Mon travail sur le masque a fait basculer ma vie d’actrice. Les naissances, les règles du jeu masqué, cet art si particulier, fragile, m’a fait accéder à cet endroit de « mise à nue », oui, un dépouillement, une liberté vraie.
Gratitude à Igor Mendjisky (formé par Mario Gonzales au conservatoire), à Etienne Champion (sculpteur de masques en bois) et à mes époustouflants partenaires de jeu dans Masques et Nez (Romain Cottard, Florine Delobel, Paul Jeanson, Clément Aubert, Arnaud Pfeiffer, Marc Arnaud, Jeanne Arenes, Tewfik Jallab, Adrien Melin).
Première fois sur scène avec une idole ?
Il est acrobate à cheval, voltigeur, ancien artiste Equestre du Théâtre Zingaro. Nous jouons “Mon Royaume pour une mule” sous chapiteau, derrière son dos au galop sur la mule, je m’envole.
Première interview ?
Et bien celui-ci me semble-t-il et je vous en remercie.
Premier coup de cœur ?
Charlotte Gainsbourg, l’Effrontée.
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