Dans le bel écrin du Cloître des Carmes, la metteuse en scène Nathalie Béasse poursuit son travail exploratoire aux confins de la danse et du théâtre, avec, toujours, ce langage si poétique qui en dit long, très long, sur ce qui nous unit, et ce qui nous divise.
Nathalie Béasse a coutume de dire que ses spectacles commencent toujours là où les précédents se sont arrêtés, comme si toute son œuvre procédait d’un seul et même élan. Alors qu’Aux éclats... s’était achevé par une tempête, son nouveau-né, Ceux-qui-vont-contre-le-vent, s’ouvre par une querelle familiale, dont on ne connaîtra jamais vraiment l’origine. Nathalie Béasse a aussi coutume de dire qu’elle bâtit, au rythme de ses créations, une maison. Et si l’on devait choisir une pièce pour celle-ci, ce serait sans doute la principale, une grande salle à manger, berceau de la réunion, mais aussi de la désunion, lorsque la situation tourne au vinaigre.
Comme souvent, cette plasticienne de formation construit des tableaux successifs qui, tout en étant autonomes, paraissent inscrits dans un unique mouvement, tant la fluidité des corps et des déplacements dans l’espace s’impose en inamovible clef de voûte de son travail. À l’image des femmes et des hommes, les objets ont, à les regarder s’animer, leur vie propre. Ils jouent des tours à ceux qui les entourent, tels cette table qui absorbe un à un les convives ou ces vêtements, doctement disposés sur la scène, qui se froissent et se mettent à se chasser les uns, les autres. Chez Nathalie Béasse, tout est organique, tout a son indépendance, son existence bien à lui, et concourt à nourrir, en complément de fragments textuels, son langage, intensément poétique.
Les scènes de groupe, et Ceux-qui-vont-contre-le-vent n’échappe pas à la règle, provoquent, à la manière de Pina Bausch, les moments les plus beaux formellement et, en même temps, les plus âpres fondamentalement. Car, bien souvent, la communauté n’est pas dans Ceux-qui-vont-contre-le-vent un refuge, ou plutôt, n’est pas seulement un refuge, comme si chaque individu éprouvait vis-à-vis d’elle un sentiment d’attraction-répulsion. Un jeu d’enfant où l’on cherche à coincer des oranges entre deux corps mouvants peut se transformer en dispute éclatante, et une simple bataille d’eau dégénérée en fin sanglante. À l’instar d’une famille qui peut, à la fois, et selon les instants, se révéler être un havre de paix ou un carcan violent.
Au plateau, ses fidèles interprètes sont tous traversés par cette même douceur, et cette même énergie, qui, quoi qu’il puisse arriver, semblent irrémédiablement les unir. Tous ont ce soucis du détail dans leur gestuelle, y compris faciale, qui en dit souvent long sur leurs intentions. Dans l’art de Nathalie Béasse, l’engagement du corps est un engagement total. À l’avenant, son travail regorge, comme toujours, de trouvailles, apparement simples sur le papier, mais qui, une fois chargées en puissance scénique, s’avère de toute beauté, émouvantes aussi, comme si elles étaient dopées par la nostalgie d’un temps inconnu ou à venir. Il ne faut évidemment pas chercher d’histoire linéaire, de récit en bonne et due forme, mais simplement se laisser porter par ce temps de création sensible qui, de toutes ses forces, parle autant au cœur qu’à l’esprit.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Ceux-qui-vont-contre-le-vent
Conception, mise en scène et scénographie Nathalie Béasse
Avec Mounira Barbouch, Estelle Delcambre, Karim Fatihi, Clément Goupille, Stéphane Imbert, Noémie Rimbert, Camille Trophème
Musique Julien Parsy
Lumière Natalie Gallard
Construction décor Stéphane Paillard et Justin PalermoFragments de textes Correspondance de Gustave Flaubert (Folio Classique) ; Ivresse de Falk Richter, traduit de l’allemand par Anne Monfort (L’Arche éditeur) ; Le Livre de la pauvreté et de la mort de Rainer Maria Rilke, traduit de l’allemand par Jacques Legrand (éditions Arfuyen) ; Le Rêve d’un homme ridicule de Fiodor Dostoïevski, traduit du russe par André Markowicz (éditions Actes Sud – Babel) ; La Vie matérielle de Marguerite Duras (éditions P.O.L.) ; Le Monde est rond de Gertrude Stein, traduit de l’anglais par Anne Attali (éditions Esperluète)
Production association le sens
Coproduction La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale, le Quai CDN Angers Pays-de-la-Loire, Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Festival d’Avignon, Le Maillon Théâtre de Strasbourg Scène européenne, Les Quinconces L’Espal Scène nationale Le Mans, La rose des vents Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq, Le Grand R Scène nationale de La Roche-sur-Yon, Le Théâtre d’Arles Scène conventionnée d’intérêt national art et création nouvelles écritures
Avec l’aide du Théâtre de Saint-Nazaire Scène nationale et du CNDC Angers
Avec le soutien de la Spedidam pour la 75e édition du Festival d’AvignonLa compagnie est soutenue par la Région des Pays de la Loire dans le cadre de l’opération « Les Pays de la Loire en Avignon 2021 ».
La compagnie Nathalie Béasse est conventionnée par l’État, Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire, par la Région des Pays de la Loire, par le Département de Maine et Loire et reçoit le soutien de la Ville d’Angers. Nathalie Béasse est artiste associée à La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale.Durée : 1h20
Festival d’Avignon 2021
Cloître des Carmes
du 6 au 13 juilletLe Quai Centre dramatique national Angers Pays de la Loire
du 30 novembre au 4 décembreLe Grand R scène nationale, La-Roche-sur-Yon
le 4 janvier 2022La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale
du 11 au 14 janvierThéâtre de la Bastille, Paris
du 3 au 18 févrierThéâtre de Lorient Centre dramatique national
les 2 et 3 marsLe Maillon Théâtre de Strasbourg Scène européenne
les 17 et 18 marsLa Rose des vents Scène nationale Lille Métropole, en collaboration avec le Gymnase CDCN Roubaix Hauts-de-France, dans le cadre du festival Le Grand Bain, Villeneuve d’Ascq
les 29 et 30 mars
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !