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La boîte à outils de Bruno Meyssat

A voir, Aix en provence, Bobigny, Les critiques, Théâtre
Bruno Meyssat crée Cette autre chose à la Comédie de Saint-Étienne
Bruno Meyssat crée Cette autre chose à la Comédie de Saint-Étienne

Photo Jean-Pierre Estournet

Accumulant des objets dans son spectacle quasi muet, mais à la bande-son extrêmement travaillée, Bruno Meyssat cherche des issues dans un monde asphyxié. Et trouve, avec ses cinq acteurs, Cette autre chose.

Dans un texte paru dans la revue Théâtre/Public de juillet 2024, Bruno Meyssat faisait un état des lieux de ce qui lie et oppose le « théâtre d’art au tourisme » et de « ce que peut le Marché ». Il y écrivait que « dans la plupart des transactions, la valeur intrinsèque se trouve reléguée à l’arrière-plan. L’investisseur s’efforce de savoir ce qui va être apprécié par les autres ». « Le théâtre peut devenir une aire d’expression du Marché. Pourquoi y échapperait-il ? », questionnait-il. En assistant à son nouveau spectacle, Cette autre chose, force est de constater que le metteur en scène matérialise une nouvelle fois sa réflexion sur le plateau. Précisément en instaurant différents niveaux de lecture et en créant une profondeur de champ grâce à des panneaux verticaux mouvants entourés de monticules de choses ; mais aussi en opérant des transactions par l’intermédiaire de ses comédiens – les fidèles Élisabeth Doll, Philippe Cousin, Paul Gaillard, Gaël Baron et un nouveau venu, Stanislas Nordey, fondu dans la masse : en échange d’une pendule, l’un aura un masque balinais en bois, mais l’un, le bras tendu durablement, semble attendre autre chose. Sait-on vraiment la valeur d’un troc ? Qui lèse ou satisfait qui ? Comment donc toucher à la notion d’égalité ?

Le Lyonnais poursuit ainsi son travail entamé en 1981 avec sa compagnie Théâtres du Shaman et reproduit des motifs déjà vus précédemment, comme cette valse avec une tronçonneuse et cette (quasi) absence de langage intelligible – Gaël Baron se lançant dans une unique logorrhée de quelques minutes incompréhensible, qui ressemble plus à des syllabes enchainées qu’à une véritable langue. Peut-être est-ce l’un de ces « idiolectes » qui « ouvrent et agrandissent l’aire théâtrale », comme le décrivait Bruno Meyssat, toujours dans Théâtre/Public ? Pour ce spectacle, le metteur en scène ne creuse pas un thème précis, comme cela avait pu être le cas dans Kairos sur la crise grecque, notamment à travers cette femme qui, en épluchant des oignons, rendait palpable tout le désarroi d’une simple habitante, inondée de larmes, broyée par l’économie de marché. Ici, des objets hétéroclites : un tapis (de prière ? de catwalk ?), un porte-bouteilles, un sac de couchage, des objets menaçants (la tronçonneuse, donc, des tondeuses à gazon), des oiseaux de bois plantés en haut d’un mât… Et une bande-son infiniment bossée et précise entre bruits, symphonies, pop et déraillements. Dans ce fatras qui se dévoile frontalement sur le plateau, mais aussi dans les marges hors-jeu à jardin et à cour, se dessine une suite d’empêchements – se cogner à un pan de métal en montant des escaliers – qui permettent d’inventer des espaces de fuite, comme cet oiseau qui vole aussi au-dessus du public et qui tente de perforer ce qui lui résiste. Coincé pour avancer, il est aussi permis de sautiller en arrière pour trouver son sens de la marche.

Quelques phrases viennent donner des indices plus précis sur le propos. Il est question de « jumeau qui mange l’autre » et d’une « enfance vorace » en miroir de quelques adultes penchés plus tard sur une baignoire de bébé en plastique surélevée comme si l’espoir s’y nichait. Tous ces petits riens disent aussi que l’abondance est une quête absurde tant « pour faire une prairie, il suffit d’un trèfle et une abeille, et à défaut de la rêverie ». À maintes reprises, les esthétiques et les entêtements de Maguy Marin apparaissent en filigrane, si ce n’est que la chorégraphe procède par accumulations alors qu’ici s’opèrent aussi des retranchements. Cette autre chose pourrait être une installation que l’on observe assis dans une petite salle noire d’un musée d’art contemporain, mais l’on n’en picorerait alors que quelques minutes. Or, c’est bien parce que cela est du théâtre que cela met au travail, et nécessite du spectateur cette forme de contrainte d’accepter la durée (1h45). Les séquences pourraient probablement parfois être interverties que le sens n’en serait pas complètement modifié. C’est, en revanche, la traversée qui fait œuvre. Accepter les états de perplexité, de désarçonnement, parfois d’aquoibonisme, pour, in fine, que quelque chose de l’ordre du dérèglement des choses imprime la rétine et les oreilles. Une forme de perpétuation du forage. « Drill, baby, drill », disent les Républicains américains avides de pétrole et d’énergies fossiles. Ici, il s’agit de se rapprocher de ce que peut le théâtre dans le maelstrom du Marché : éprouver ce que l’on ne connait pas.

Nadja Pobel – www.sceneweb.fr

Cette autre chose
Mise en scène Bruno Meyssat
Avec Gaël Baron, Philippe Cousin, Elisabeth Doll, Paul Gaillard, Stanislas Nordey
Création lumière et régie générale Franck Besson
Création son Étienne Martinez
Plateau et objets Pierre-Yves Boutrand

Production Cie Théâtres du Shaman
Coproduction La Comédie de Saint-Étienne – CDN
Avec le soutien en résidence du Cube Studio-Théâtre d’Hérisson

La compagnie Théâtres du Shaman est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Auvergne Rhône Alpes et par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Durée : 2h

Vu en mai 2025 à la Comédie de Saint-Étienne

MC93, Bobigny
du 11 au 14 décembre

Théâtre du Bois de l’Aulne, Aix-en-Provence
les 13 et 14 janvier 2026

7 mai 2025/par Nadja Pobel
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