Anatomie du désir de Boris Gibé
Les spectateurs sont installés dans le noir le temps d’une expérience culinaire à l’aveugle à l’intérieur d’une étrange architecture aux allures d’un grand Panopticum Anatomique.
Une expérience particulière qui sensibilise tous nos sens au spectacle qui va commencer.
Ce prélude joue sur nos troubles perceptifs, l’apparition progressive de la lumière à son intensité la plus infime laisse place à un ballet d’étincelles et de particules luminescentes en apesanteur : L’illusion du cosmos, la sensation pour le spectateur d’être « dans l’image » avec comme seul repère visuel les points lumineux qui circulent autour d’eux, reconstituant un micro Big-Bang.
Nous nous jouons ensuite du mythe de Vénus. Une écume phosphorescente éclaire les contours floutés d’un corps de femme nue. Un corps céleste en lévitation, offert au regard d’un public rassasié.
Une Vénus en suspension, un corps désincarné comme une « coïncidence de la vie et la mort ; de l’être et du néant ». Image de la beauté, chair désirée, immaculée, magnifiée, Vénus représente l’approbation de la vie jusque dans la mort.
De l’érotisme à la « Petite mort » dirait Georges Bataille, l’instant où le désir de transgression fait apparaître la limite et au même moment la nostalgie de l’enfance perdue. L’âme ventriloque de Vénus enfermée dans son propre corps se fait entendre par bribes, un chant discontinu s’échappe d’elle-même… Vénus, déesse de l’amour, la femme la plus regardée à travers les siècles ouvre enfin les yeux : désormais, seuls ses yeux nous parlent, rien d’autre ne bouge. Vénus offre son regard à qui veut l’accueillir, un regard bienveillant, le regard d’une vieille âme à l’apparence éternellement jeune. Étrange objet du désir qui transgresse les saveurs du goût, de l’appétissant au charnel et du charnel à l’étrange, les registres glissent du corps céleste au corps anatomique. La conscience de Vénus disparaît un temps, laissant place à un corps de cire. Un corps aimanté, dont l’épiderme frémit, dressant le duvet de poils quasi invisible qui la protège. Des instruments chirurgicaux glissent comme par magie autour d’elle, se déplacent sur son corps dans une caresse métallique. Un corps électrique, une gymnastique du visage s’empare de Vénus, des micro-mimiques, expressionnistes, dissociées et fulgurantes, racontent avec humour une Vénus consciente de sa condition. Vénus trace les contours de son buste et l’enlève. Toutes les pièces organiques du puzzle s’échappent de son corps : le foie, la rate, le cœur, l’estomac, les intestins s’envolent…
On ne sait plus si on assiste à la remémoration d’un mythe, à une veillée funèbre, à un rituel religieux, une séance de dissection, un freak show de prothèses ou à un festin cannibale. L‘audience attablée devient un théâtre anatomique surréaliste où les organes manipulés font leur striptease.
Les figures de Vénus sont donc au cœur de notre projet. Éternellement naissante ou mise à mort, la nudité apparaît toujours plus innocente, plus vierge, face à la cruauté qui la cisèle, et en même temps la condamne toujours à être persécutée par le regard du spectateur.
Difficile aujourd’hui de porter un regard sur cette femme cisaillée qui fut mise en scène à l’époque comme la muse de l’assemblée sous le regard des hommes de science ou dans les entre-sorts forains comme une bête de foire lascive et endormie.
J’aimerais ainsi accompagner un autre regard sur ces corps anatomiques de femmes qui traversent les époques chargées de leurs esthétiques et leurs éthiques.
J’aimerais redonner le plein pouvoir de l’objet du désir, de la connaissance et de la fascination, au mystère plus profond contenu dans ces œuvres à part entières. Il s’agit par-là de creuser des questions liées à l’anatomie de notre inconscient qui incarne nos corps en le reliant au cosmos.
Cette quête poétique se nourrit de la recherche scientifique qu’elle met en écho. Je souhaite mettre en jeu et partager des réflexions sur notre premier cerveau « notre ventre » qui détermine notre sensibilité et nos émotions, dans une danse ou le microcosme et le macrocosme ne font qu’un.
Note d’intention de Boris Gibé
Anatomie du désir
conception, mise en scène et interprétation Boris Gibéregard extérieur Elsa Dourdet
regard chorégraphique Aragorn Boulanger
conseil dramaturgique Taïcyr Fadel
réalisation sonore Olivier Pfeiffer
réalisation lumière Victor Egéa
réalisation accessoires anatomiques
Audrey Veyraceffets spatiaux Arnaud Paquotte
conception technique et construction machinerie Florian Wenger
conception technique du gradin anatomique Clara Gay-Bellile et Charles Bédin
construction gradin anatomique
Quentin Alart, Adrien Alessandrini,
Armand Barbet, Eric Capuano,
Thomas Chassagny, Clément Delage,
Daniel Ferreira, Baptiste Lachuga
et Laurent Mulowsky
• Stagiaires – Ilona Dinis, Lena Bedel
et Martina Monnichiet en tournée, manipulation Marion Boire
cuisine Julien Lechevin
régie technique Olivier Pfeifferproduction Les Choses de Rien
soutiens Ministère de la Culture : conventionnement DRAC Hauts-de-France ; Aide au développement – DICREAM ; Aide à la création cirque – DGCA • Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre du programme New Settings coproductions Tandem, scène nationale – Arras/Douai ; Les Deux scènes, scène nationale – Besançon ; Le Quartz, scène nationale – Brest ; Le Volcan, scène nationale – Le Havre ; Les Halles de Schaerbeek – Bruxelles ; Les Théâtres de Compiègne ; La Batoude – centre des arts du cirque de Beauvais ; Le Printemps des Comédiens – Montpellier
soutiens et accueils en résidence La Fabrique des possibles – Noailles (60) ; Plateforme 2 pôles cirque en Normandie ; L’académie Fratellini – Saint Denis (93) ; Le Château de Monthelon – atelier international de création – Montréal (89) ; Festival Tempo – Kaunas (Lituanie) dans le cadre de Kaunas 2022 capitale européenne de la culture” ; La Brèche, Pôle national Cirque de Cherbourg-en-Cotentin ; Nebia – Bienne (Suisse), Théâtre de la Cité internationale – Paris, Cirque Jules Verne Pôle national cirque et art de la rue – Amiens.
Création à New Settings # 12 de la Fondation Hermès
Théâtre de la Cité Internationale
Du 1 7 au 22 avril 2023Les Halles de Schaerbeek – UP – Circus & Performing Arts – Bruxelles (Belgique)
Du 9 au 19 mai 2023Festival Le Printemps des Comédiens – Montpellier (34)
du 1er au 19 juin 2023Villeneuve en scène – Festival Villeneuve les Avignon (30)
Du 10 au 21 juillet 2023
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