Influencée par le Brésil, Agua est une des pièces « en voyage » de la chorégraphe allemande. Sa reprise à Paris avec quelques nouveaux interprètes est comme un bulletin de santé du Tanztheater Wuppertal.
« Une nuit j’ai eu une crampe« . Quelle ironie mordante dans cette déclaration lorsque l’on connaît le talent des danseurs du Tantztheater Wuppertal. Helena Pikon la première prend ainsi la parole dans Agua pièce de Pina Bausch créée en 2001 après plusieurs semaines de présence au Brésil. Dans un décor immaculé, des murs blancs sur lesquels des projections de végétations, d’animaux et autres paysages s’animent, la ronde des sentiments commence. On verra presque trois heures durant des femmes partir à la pêche aux hommes, des jeux d’eau de bouche à bouche ou des baisers sonores sur les seins. Le dialogue entre les sexes parfois teinté de douce dérision est ici moins mordant.
Comme apaisé. Il y a une certaine torpeur à l’œuvre qui tout d’un coup bascule dans l’ivresse de mouvements accélérés. Agua est une chorégraphie qui gagne à être revue. Aux début des années 2000 on trouvait le regard de Pina Bausch sur le monde plus lisse. C’est vrai que Agua n’a pas la force des pièces sombres que sont Nelken ou Auf dem Gebirge hat man ein Geshrei gehört ( cette dernière reprise au Châtelet du 20 au 26 mai). Sa petite musique est autre : Pina Bausch y cisèle des solos et des duos à la rare sensualité. Pour ses danseuses d’alors, un travail sur les bras comme des lianes ondulantes, pour ses danseurs une écriture plus incisive. Et puis il y a des « monologues » comme celui de la grande Julie Shanahan faussement ivre sur le plateau qui finit pas dessiner à la craie sur un mur une ligne à ne pas dépasser. Elle est superbe de présence, magnifiant la solitude dans une séquence sur le fil où elle passe des larmes au fou-rire.
Agua avance ainsi par à-coup mais toujours lisible dans ses intentions. Une pièce en transit. Un ailleurs sublimé. Parfois le décor de Peter Pabst laisse entrevoir une forêt de plantes vertes, jungle domestique qui cache peut-être une autre réalité. Construit sur le principe de numéros visuels ce ballet vieillit plutôt bien. Surtout il permet de découvrir une nouvelle génération de solistes qui n’ont pas connu la chorégraphe allemande disparue en 2009. A l’image de Ophelia Young beauté sculpturale. Il y a des retours également comme celui de l’italien Damiano Ottavio Bigi déjà passé brièvement par le Tanztheater. Il affiche une sérénité qui se coule à merveille dans ce paysage brésilien. Juste avant l’entracte toute la troupe est allongée sur des sofas. Agua prend alors ses aises. Comme une invitation à rêver. Pina Bausch nous déclara un jour : » il me faut de l’amour et de la force« . Agua en est un vibrant témoignage.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Agua mise en scène et chorégraphie Pina Bausch, décor Peter Pabst, costumes Marion Cito,
avec Regina Advento, Pablo Aran Gimeno, Rainer Behr, Andrey Berezin, Damiano Ottavio Bigi, Michael Carter, Çağdaş Ermis, Silvia Farias Heredia, Jonathan Fredrickson, Ditta Miranda Jasjfi, Nayoung Kim, Cristiana Morganti, Blanca Noguerol Ramírez, Helena Pikon, Jorge Puerta Armenta, Azusa Seyama, Julie Shanahan, Julie Anne Stanzak, Julian Stierle, Michael Strecker, Fernando Suels Mendoza, Anna Wehsarg, Paul White, Ophelia Youngpremière le 12 mai 2001 Opéra de Wuppertal
Théâtre de la Ville Paris jusqu’au 15 mai (complet)
www.theatredelaville-paris.com
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