A la MC93, Marie-Christine Soma adapte, éclaire, met en scène, avec sensibilité et retenue, Le Bâtisseur de ruines, beau roman de Clarice Lispector interprété par un subtil quatuor d’acteurs.
Comme pour Les Vagues de Virginia Woolf qu’elle montait en 2011, la fidèle partenaire artistique de Daniel Jeanneteau sait travailler en solitaire. Elle s’empare d’un grand roman brésilien qu’elle met en scène avec une simplicité évidente, creusant la vérité des personnages pourtant complexes dans leur quête inaboutie.
La pièce démarre dans l’opacité la plus épaisse, celle d’une longue nuit où le héros sommeille et se raconte dans un murmure lointain. Il reprend des forces avant de quitter la ville où il dit avoir commis un crime. Sa fuite volontaire le conduira loin, dans une pauvre maisonnée où il sera l’exploité volontaire aux travaux manuels. Infatigablement, il y reprendra vie et confiance dans l’effort d’un dur labeur et au contact de deux femmes étonnantes.
Pour décor unique, l’intérieur et l’extérieur confondus d’une ferme isolée, à l’ameublement spartiate et en chantier. Sur un pan de mur bombé sont parfois projetées des images vidéo représentant la vie rustique devenue la sienne en pleine nature aride et aérée.
Il importe visiblement à la metteuse en scène de prendre son temps pour installer, donner à voir et faire ressentir tout en délicatesse un climat chaud et lourd, taiseux et laborieux, mais aussi d’une sensualité incendiaire bien que totalement refrénée. C’est dans ce cadre que s’expose l’ambivalence des personnages, que s’expriment leurs désirs et leurs frustrations. Sans explosivité, donc, d’une manière peut-être un peu trop sage, étale, mais finalement émouvante. Elle peint la vie, avec une attention toute particulière aux détails, aux silences, avec ses moments de latence mais pas d’ennui.
Les comédiens sont remarquables. Seule Mélodie Richard caricature la mystérieuse et hypersensible Ermelinda avec une naïveté gauche et bêta. En revanche, le formidable Pierre-François Garel impose un style très physique et concret. Carlo Brandt se montre terrien mais sans pesanteur. L’excellente Dominique Reymond rend lumineux un personnage de femme pourtant sèche et autoritaire qui se dévoile progressivement et donne le frisson.
Comme ses héros, le propos intrigue et séduit tant on voit l’évolution radicale des destinées face à la levée des certitudes et des barrières au changement et à l’épanouissement. Dans l’épreuve et la discipline, les personnages se révèlent et se libèrent. En choisissant le renoncement, Martin s’offre le point de départ d’une nouvelle existence, la possibilité de croire que rien n’est définitif, se laisse convaincre un moment que détruire un monde est la promesse de mieux le reconstruire.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La pomme dans le noir
Mise en scène, adaptation et lumière Marie-Christine Soma
D’après Le Bâtisseur de Ruines de Clarice Lispector
Traduction Violante Do Canto, Gallimard — Collection L’Imaginaire
Avec Carlo Brandt, Pierre-François Garel, Dominique Reymond et Mélodie Richard
Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy
Son Xavier Jacquot
Images Raymonde Couvreu assistée de Giuseppe Greco
Costumes Sabine Siegwalt
Assistante à la mise en scène et à la lumière Diane Guérin
Construction décor Ateliers de la MC93
Production MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis.
Coproduction Centre dramatique national de Tours — Théâtre Olympia.
Avec le soutien de La Colline – théâtre national, Théâtre National de Strasbourg, MC2 : Grenoble.
Avec le soutien de la SPEDIDAM, société de perception et de distribution gérant les droits des artistes interprètes.
Le Bâtisseur de ruines est publié aux Éditions Gallimard.
Durée : 2h40MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
du 20 septembre au 8 octobre 2017
MC2: Grenoble
du 11 au 13 octobre 2017
Centre dramatique national de Tours — Théâtre Olympia
du 17 au 21 octobre 2017
Théâtre National de Strasbourg
septembre 2018
Centre Dramatique National Besançon Franche-Comté
octobre 2018
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