Edward Bond, 82 ans est entré « au répertoire » de la Comédie Française avec sa pièce « La Mer » écrite en 1973. Alain Françon, le fidèle, met en scène la onzième pièce de l’auteur anglais. Un texte romanesque entre comédie et tragédie qui permet à la troupe de la Comédie-Française de faire des vagues.
Une tempête plus vraie que nature ouvre le spectacle, c’est le naufrage de Willy (Jérémy Lopez) qui essaye de sauver son ami Colin sous les yeux impassibles de l’horrible Hatch (Hervé Pierre) . La pièce d’Edward Bond est découpée en huit tableaux rythmés par des intermèdes musicaux de Marie-Jeanne Séréro. La mer lèche le décor magnifique de Jacques Gabel, on a vraiment l’impression que les vaguelettes arrivent sur scène dans une très belle perspective.
Edward Bond a 39 ans lorsqu’il écrit cette fable en partant d’un souvenir d’enfance: l’image d’un cadavre échoué sur la plage pendant la 2ème guerre mondiale, celui d’un réfugié sur les côtes anglaises, fuyant la barbarie nazie. Étrange coïncidence avec l’actualité. Hervé Pierre est remarquable dans le rôle du marchand de tissus Hatch. Un affreux raciste totalement fou qui a peur de l’invasion des étrangers. « Ils débarquent par millions » ces « ennemis venus d’un autre monde« . Il croit au complot permanent et à l’arrivée des martiens ! Jérémy Lopez, Willy le rescapé, navigue tout en légèreté au milieu de cette société bourgeoise anglaise détestable menée à la baguette par Louise Rafi (Cécile Brune) qui s’avère être une bourgeoise humaniste et juste.
Entre tragédie et comique cette fable sociale est une œuvre romanesque avec des scènes burlesques tordantes. Il y a la répétition d’une pièce par des comédiens amateurs où Coraly Zahonero dans le rôle de Mafanwy Price fait le chien ! Et les obsèques de Colin qui dérapent sur la plage. Ses cendres volent sur les visages et les cantiques sont massacrés notamment par Elsa Lepoivre (irrésistible en Jessica Tilehouse) !
On rit beaucoup dans cette pièce mise en scène avec brio par Alain Françon qui tranche avec tout ce que l’on connaît de l’œuvre d’Edward Bond. Des personnages incarnent la sagesse et la réflexion comme celui de Evens (Laurent Stocker est méconnaissable) qui lance à la fin « sans tragédie personne ne peut rire » avant la réplique finale de Jérémy Lopez: « Je suis heureux de... » Edward Bond laisse des points de suspensions. La pièce se déroule avant le déluge et le début de la 1ère guerre mondiale. C’est une très belle pièce humaniste.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Mer d’Edward Bond
nouvelle traduction de Jérôme Hankins
mise en scène Alain Françon
avec la troupe de la Comédie-Française
Cécile Brune, Éric Génovèse, Coraly Zahonero, Céline Samie, Laurent Stocker, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Pierre Louis-Calixte, Stéphane Varupenne, Adeline d’Hermy, Jérémy Lopez, Jennifer Decker
et les élèves-comédiens Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Hugues Duchêne, Laurent Robert
Durée: 2h10Comédie-Française
5 mars > 15 juin 2016
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