L’Opéra de Paris est redevenu bénéficiaire en 2023, pour la première fois depuis 2017, notamment grâce « au retour du public dans les salles » et à un record de visites du palais Garnier, a annoncé l’institution mercredi lors de la présentation de sa saison 2024/2025 qui compte 6 nouvelles productions lyriques. Les metteuses en scène brillent par leur absence, toutes les productions de la saison sont mises en scène par des hommes ! Côté danse, 3 créations et 3 entrées au répertoire.
Ces chiffres ont été communiqués à l’occasion de la présentation de la saison 2024-2025 de l’institution, qui se démarque par une faible présence féminine dans la chorégraphie et la mise en scène: sur 19 opéras, aucune metteuse en scène, quatre cheffes d’orchestre; sur 15 ballets, une seule chorégraphe.
L’an passé, l’Opéra a dégagé un bénéfice de 2,3 millions d’euros. « Les ressources propres ont progressé de 14 millions d’euros par rapport à 2022, grâce au retour du public dans les salles » (jauge physique moyenne de 93%), « au niveau historique des recettes des visites du Palais Garnier » (1,2 million de visiteurs) et « au développement du mécénat » (23,5 millions d’euros de recettes).
Dans le même temps, « les dépenses de production artistique ainsi que les charges de fonctionnement courant ont été contenues (consommation d’énergie par exemple)« , selon l’Opéra.
Une hausse de six millions d’euros, entre 2021 et 2023, de la subvention de l’Etat a « permis de compenser en partie les effets de l’inflation sur la période« .
« C’est une nette amélioration de notre situation« , s’est félicité Alexander Neef, directeur général, lors d’une conférence de presse, appelant à la prudence et à « poursuivre les efforts en 2024« .
Parmi la programmation annoncée, figure le prologue de la Tétralogie de Wagner, « L’Or du Rhin », dans sa version mise en scène par Calixto Bieito, annulé en 2020 en raison de la crise sanitaire.
Le chef d’orchestre gréco-russe Teodor Currentzis viendra diriger « Castor et Pollux », de Rameau, avec son complice metteur en scène Peter Sellars.
« Inviter un grand chef d’orchestre dans un contexte qui est le sien et le nôtre, qui est difficile, me semblait juste« , a déclaré Alexander Neef, alors que Teodor Currentzis a été déprogrammé d’un grand festival viennois. « Par rapport à un artiste qui travaille toujours en Russie, évidemment, nous nous sommes posé la question« , a-t-il dit, rappelant la politique de l’institution depuis le début de la guerre en Ukraine: « nous n’engageons plus des artistes russes qui se sont prononcés en faveur de la guerre ou du régime de Poutine, mais on ne leur demande pas non plus de se déclarer contre« .
Alexander Neef, qui vient d’être reconduit à son poste par l’Elysée jusqu’en 2032, a par ailleurs annoncé qu’un « nouveau directeur musical » allait être recruté « dans les meilleurs délais« . Le poste est vacant depuis le départ surprise de Gustavo Dudamel il y a un an.
Côté danse, parmi les créations, la chorégraphe israélienne Sharon Eyal adaptera une de ses pièces avec la technique des pointes, répondant à un souhait du directeur de la danse José Martinez, arrivé il y a un peu plus d’un an, de faire entrer le chausson de pointe dans les ballets contemporains. Ce dernier a assuré que la programmation de femmes chorégraphes « allait s’inscrire dans les saisons à venir« .
Un dialogue est aussi engagé avec les partenaires sociaux pour définir une « nouvelle réorganisation de la journée de travail » du danseur, a rappelé M. Neef.
Pour le public, la grille tarifaire est sensiblement identique à 2023 (de 10 à 220 euros).
6 nouvelles productions lyriques
Les Brigands de Jacques Offenbach (Palais Garnier du 21 septembre au 12 octobre 2024, puis du 26 juin au 12 juillet 2025)
Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau (Palais Garnier du 20 janvier au 23 février 2025)
L’Or du Rhin de Richard Wagner (Opéra Bastille du 29 janvier au 19 février 2025)
Pelléas et Mélisande de Claude Debussy (Opéra Bastille du 28 février au 27 mars 2025)
Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin (Palais Garnier du 21 mars au 9 avril 2025)
Il Trittico de Giacomo Puccini (Opéra Bastille du 29 avril au 28 mai 2025)
En début et en fin de saison, Les Brigands de Jacques Offenbach s’inviteront au Palais Garnier. Après plus de trente ans d’absence à l’affiche, l’opéra-bouffe sera mis en scène par Barrie Kosky, bien décidé à en faire ressortir le caractère joyeusement absurde et satirique. La distribution réunira des chanteurs rompus au répertoire français, parmi lesquels Marcel Beekman (Falsacappa), Marie Perbost (Fiorella), Rodolphe Briand (Pietro) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto). Dans la fosse, le chef Stefano Montanari assurera la première série (septembre-octobre) et Michele Spotti la seconde (juin-juillet).
C’est ensuite la tragédie lyrique Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau (dans sa version de 1737 avec prologue) dont s’emparera le tandem fécond que forment Peter Sellars et le chef Teodor Currentzis, à la tête de l’Orchestre Utopia. Le metteur en scène américain en défendra le message profondément humaniste et universaliste. Aux côtés de Reinoud Van Mechelen et Marc Mauillon dans les rôles des Dioscures, Stéphanie d’Oustrac et Jeanine De Bique seront respectivement Phébé et Télaïre.
Une nouvelle production de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy se verra confiée au metteur en scène Wajdi Mouawad – dont l’univers sensible et onirique ne manquera pas de faire écho à celui de l’œuvre symboliste. Sous la direction musicale d’Antonello Manacorda, on retrouvera notamment Sabine Devieilhe en Mélisande, Huw Montague Rendall en Pelléas et Gordon Bintner en Golaud.
La très attendue Tétralogie de Richard Wagner mise en scène par Calixto Bieito verra enfin son prologue, L’Or du Rhin, donné sur la scène de l’Opéra Bastille à partir
de janvier 2025. Pablo Heras-Casado en assurera la direction musicale, et l’on pourra y découvrir les prises de rôle de Ludovic Tézier en Wotan et d’Ève-Maud Hubeaux en Fricka, mais aussi l’Alberich de Brian Mulligan ou encore le Loge de Simon O’Neill. Cette formidable aventure du Ring s’étendra sur trois saisons, jusqu’au Crépuscule des Dieux prévu à la fin de l’année 2026.
Nouveau jalon du répertoire français (bien que chanté en italien), Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin s’inspire de cette œuvre-monde qu’est La Divine Comédie de Dante Alighieri. Commandé par l’Opéra de Paris et le Festival d’Aix-en-Provence, où l’opéra a été créé en 2022, il se verra à nouveau dirigé par Kent Nagano, dans la mise en scène de Claus Guth. Les rôles de Dante et de son double jeune seront incarnés par Bo Skovhus et Christel Loetzsch, celui de Virgilio par David Leigh et Beatrice par Jennifer France. « La Divine Comédie c’est un des livres les plus connus de l’histoire de l’humanité. Vous êtes devant une telle œuvre d’art, un tel monument de la pensée humaine : ce simple fait suffit à créer une modernité toujours renouvelée sans rentrer dans l’exégèse du texte. » — Pascal Dusapin *
Puisque Gianni Schicchi est inspiré d’un épisode de La Divine Comédie, Christof Loy a conçu sa mise en scène du Triptyque de Giacomo Puccini comme un voyage de l’Enfer au Paradis en passant par le Purgatoire. Une production dirigée par Carlo Rizzi, qui sera aussi l’occasion d’applaudir Asmik Grigorian dans les trois rôles féminins principaux.
3 créations danse et 3 entrées au répertoire
Rearray de William Forsythe (Palais Garnier du 4 octobre au 3 novembre 2024) — Création
IMPASSE de Johan Inger (Palais Garnier du 4 octobre au 3 novembre 2024) — Entrée au répertoire
OCD Love de Sharon Eyal (Palais Garnier du 27 mars au 18 avril 2025) — Création
Continuo d’Anthony Tudor (Palais Garnier les 24, 26, 27, 29 avril 2025) — Entrée au répertoire de l’École de Danse
Sylvia de Manuel Legris (Palais Garnier du 8 mai au 4 juin 2025) — Entrée au répertoire
Hofesh Shechter (Palais Garnier du 10 juin au 14 juillet 2025) — Création
Avec l’ouverture de la saison de danse et son traditionnel Gala précédé du somptueux Défilé du Ballet (qui sera également proposé les 4, 9 et 10 octobre), un programme composé de trois œuvres sera présenté. Une première partie sera consacrée à William Forsythe avec Rearray, nouveau ballet et 12e pièce à s’ajouter au répertoire, sur une musique de David Morrow, d’après la chorégraphie créée en 2011 pour le Sadler’s Wells Theatre de Londres, ainsi que Blake Works I, reprise de l’œuvre imaginée en 2016 par le chorégraphe sur des chansons electro de James Blake. Ce spectacle se clôture par l’entrée au répertoire de IMPASSE, du chorégraphe suédois Johan Inger qui fait ses débuts à l’Opéra avec cette pièce pour 15 danseurs sur des musiques d’Ibrahim Maalouf et Amos Ben-Tal.
Après Faunes (créé en 2021), la chorégraphe israélienne Sharon Eyal revient à l’Opéra de Paris avec un premier ballet sur pointes et propose une nouvelle version d’OCD Love (2015) pour les danseurs de la Compagnie, sur une musique d’Ori Lichtik. Un spectacle complété par Appartement, ballet de Mats Ek créé il y a 25 ans sur la musique percutante de Fleshquartet : à partir de simples faits ordinaires, la chorégraphie plonge dans un univers insolite et dérangeant dans lequel les interprètes se succèdent dans des situations parfois cruelles, tendres, amères ou drôles.
Avec l’entrée au répertoire de Sylvia dans la chorégraphie de Manuel Legris, danseur Étoile de l’Opéra national de Paris et aujourd’hui directeur du Ballet de La Scala de Milan, c’est la 5e version de l’œuvre qui est présentée par l’Opéra de Paris. Premier ballet créé au Palais Garnier par Louis Mérante en 1876, les aventures amoureuses de la nymphe Sylvia avec le berger Aminta et le chasseur Orion ont successivement été chorégraphiées par Serge Lifar (en 1941), Lycette Darsonval (en 1979) et John Neumeier (en 1997).
Si trois ballets d’Hofesh Shechter sont déjà au répertoire du Ballet de l’Opéra, c’est la première fois que le chorégraphe imagine une pièce d’une soirée complète pour une autre compagnie que la sienne. Dans une ambiance sombre de « cabaret noir » et une scénographie mobile associée à la couleur rouge du rideau de scène, la danse dynamique et forte de Shechter mettra en scène une quinzaine d’interprètes et des musiciens sur le plateau du PalaisGarnier pour clore la saison.
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