Seul en scène autobiographique en forme d’éloge aux pouvoirs de la poésie, Insuline et Magnolia, écrit et interprété par Stanislas Roquette, raconte l’histoire d’amitié touchante et extraordinaire de deux jeunes gens à l’aube de ce millénaire. Un spectacle au charme rétro.
Il y a quelque chose de désuet dans le sujet de ce spectacle. L’histoire de deux jeunes gens qui ont vingt ans au début de ce millénaire. Ils s’émeuvent encore au son des poésies de Baudelaire, Verlaine et Mallarmé et déclament avec enthousiasme des tirades de Cyrano et du Cid. Quelque chose d’un monde qui disparaît, d’une jeunesse d’avant les écrans, le rap et les réseaux sociaux, quelque chose d’un romantisme adolescent un peu suranné, qu’on imagine prendre aujourd’hui des accents différents.
Par son titre, Insuline et Magnolia place sur le même plan le diabète insulino-dépendant auquel le personnage qu’interprète Stanislas Roquette, également auteur du texte, se retrouve confronté à l’âge de 15 ans, et sa rencontre avec Fleur, jeune fille lunaire et solaire, pleine de vie et de fantaisie, qui dit »Magnolia » à la place de « Merci ». D’un côté, la réalité froide d’une maladie qui lui fait s’envoyer de l’insuline plusieurs fois par jour dans le corps. De l’autre, les injections exaltantes de poésie que Fleur lui administre à haute dose. Un face à face entre le réel et sa sublimation dans lequel la question du diabète cède vite la place au récit d’une amitié bien particulière, qui se finira tragiquement, et à laquelle Stanislas Roquette donne les atours touchants du récit autobiographique.
C’est donc peu après qu’il a déclaré son diabète que Stanislas, c’est aussi ainsi que s’appelle le personnage, rencontre Fleur. Elle l’emporte aussitôt dans sa folie douce, l’emmène au Festival d’Avignon enchaîner les spectacles et scelle avec lui le pacte d’une amitié éternelle avant de s’envoler pour la Colombie. La deuxième phase du spectacle relate ainsi la correspondance épistolaire entre le jeune homme, qui se construit, qui commence à faire du théâtre, et la jeune femme qui baroude en Amérique du Sud tout en suivant ses études de géologie. S’y développe le récit d’une amitié qui confine à l’amour, d’une jeunesse en recherche de « transcendance », qui tente de prendre pied dans le monde tout en continuant de danser autour des mots et de ses rêves.
Seul sur scène, Stanislas Roquette joue les deux personnages, Fleur et Stanislas, sans chercher à trop les caractériser. Il donne davantage de son habile savoir-faire de comédie pour interpréter une maîtresse austère qui organise des sessions de récitations effrayantes, un médecin maladroit mais pas méchant ou un prêtre qui slame ses prières. En finesse, le spectacle tourne donc autour de cette capacité qu’aurait la poésie à donner du sens à la vie. La relation des deux jeunes gens se cristallisant autour de cette création d’un langage commun qui demeure certainement le meilleur moyen de s’unir dans ce monde.
Citations patrimoniales et poèmes personnels parsèment également ce spectacle. Effets comiques maîtrisés d’une part, et émotion toute en retenue d’une autre lui donnent un bel équilibre. Surtout qu’il y a quelque chose de délicat et d’audacieux à porter cette histoire de jeunes poètes énamourés comme sortis d’un autre âge. Mais le soigné vire progressivement au propret et le sentiment d’une esthétique somme toute conventionnelle finit par s’imposer. Le décalage tourne au convenu, le charme du désuet fond faute d’un regard qui prendrait un peu plus de recul sur cette histoire. Reste la sincérité touchante du récit d’une relation unique et marquante, la sobre simplicité de sa représentation et l’hommage à tous les travailleurs de la langue auquel on ne peut qu’adhérer.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Insuline & Magnolia
Texte et interprétation Stanislas Roquette
Dramaturgie Alexis Leprince
Collaborations artistiques Denis Guénoun, Cédric Orain, Florent Turello, Nil BoscaAvec la complicité de Guillaume Gallienne de la Comédie Française
Musique originale Christian Girardot (Pierre Simon Chevry : flûte / Anna Simeney : violon / Dominique Miton : alto / Georges Denoix : violoncelle / Christian Girardot : piano
Mixage et enregistrement : Flavien Van Landuyt – Studio le Zèbre)
Lumière et Régie générale Yvan Lombard
Costume Gwladys DuthilDurée : 1h15
Spectacle vu au Théâtre de la Reine Blanche à Paris dans le cadre du festival Phénix
Avignon Off
du 8 au 27 juillet 2022
Train bleu à 14h30
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