Cette semaine, le Gouvernement a annoncé la prolongation de l’année blanche pour les intermittents jusqu’au 31 décembre, sans abroger la réforme de l’assurance chômage, revendication principale des occupant.e.s des lieux culturels en France. La CGT leur demande de poursuivre le mouvement. D’où l’inquiétude des directrices et directeurs de ces lieux qui vont rouvrir au public le 19 mai. Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Serge Dorny, directeur de l’Opéra national de Lyon, Macha Makeïeff, directrice de La Criée Théâtre national de Marseille et Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice signent un appel conjoint à lever les occupations des lieux de culture.
Depuis deux mois une banderole « culture sacrifiée » flotte sur la façade de l’Odéon, comme sur nombre de lieux culturels occupés en France. Nous avions compris qu’elle portait les inquiétudes et les revendications de tout un secteur durement touché par la crise sanitaire. Nous avions compris qu’elle dénonçait le choix d’avoir laissé les commerces et les lieux de culte ouverts alors qu’on imposait au même moment aux lieux culturels (comme aux restaurants, bars, salles de sport, etc) une fermeture de très longue durée.
Aujourd’hui, la réouverture au 19 mai est acquise et nous, directeurs et directrices de théâtres publics occupés, souhaitons rouvrir nos lieux, redonner aux artistes la possibilité d’exercer leur art, et aux spectateurs et spectatrices celle de nourrir leur vie d’autre chose que de leur vie familiale, professionnelle, ou parfois de leur solitude. Nous voulons et nous devons remplir la mission de service public qui nous a été confiée et pour laquelle nos établissements reçoivent des subventions.
Aujourd’hui les annonces du gouvernement, même si elles ne répondent pas à toutes les revendications, montrent que le dialogue existe et que des solutions sont recherchées pour prendre en compte les effets de la crise pour de nombreux intermittents jusqu’à la saison 22-23.
Cependant les occupants de nos lieux annoncent vouloir poursuivre leur lutte ; certains ont déjà voté le blocage, d’autres, tout en disant ne pas vouloir empêcher les spectacles, vont les empêcher de fait, puisque dans nos lieux les protocoles sanitaires stricts auxquels nous sommes soumis rendent incompatibles la présence du public et le maintien des occupations dans les espaces de circulation du public.
Aujourd’hui nous craignons que la banderole « culture sacrifiée » prenne un autre sens et que les lieux culturels soient frappés d’une double peine. Après huit mois de spectacles empêchés par la crise sanitaire, la culture risque désormais d’être sacrifiée par ceux mêmes qui défendaient à nos côtés son caractère essentiel. La lutte sociale, quelle que soit sa légitimité, ne saurait à notre sens empêcher la reprise de la vie culturelle – qui était aux premiers jours des occupations l’une de leurs principales revendications
Nous n’imaginons pas que ceux qui portent comme mots d’ordre la défense du secteur culturel de notre pays, le retour à l’emploi de dizaines de milliers d’artistes et de techniciens et techniciennes, puissent s’opposer aux réouvertures.
Après deux mois d’agoras qui ont leur ont permis d’exprimer des revendications et de peser sur les décisions du gouvernement, nous demandons aux occupants, notamment à la CGT qui est à l’origine du mouvement, de faire preuve de responsabilité et d’appeler à la levée des occupations en poursuivant le mouvement social par d’autres moyens que le blocage des lieux.
Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Serge Dorny, directeur de l’Opéra national de Lyon
Macha Makeïeff, directrice de La Criée Théâtre national de Marseille
Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !