Avec Normalito, Pauline Sales signe sa première création jeune public. Produite par le Théâtre Am Stram Gram situé à Genève, où elle a aussi été créée, cette pièce est une fable sur la normalité et la tolérance. Elle s’inscrit habilement dans un registre connu, sans en renouveler beaucoup les formes.
Chez Pauline Sales, les femmes, les hommes et les enfants partagent pour la plupart une même difficulté, un même malaise : ils peinent à trouver leur place dans le monde. Sans vivre de grands drames, ils souffrent d’un sentiment de marginalité qui fait de leur quotidien une épreuve. Minuscules ou plus spectaculaires, leurs révoltes créent du sens là où il n’y avait plus que des habitudes. Elles tendent vers une vie sociale meilleure, plus douce, plus respectueuse des différences. Dans Normalito, Lucas ne fait pas exception à cette belle règle. Comme la quadragénaire Valentine de J’ai bien fait ?, les dix jeunes gens de 66 pulsations par minute, ou encore les deux collègues de travail de En travaux, ce garçon de dix ans tente de remédier à son sentiment d’étrangeté qui le coupe des autres. Non pas parce qu’il s’en distingue par une singularité quelconque, mais au contraire par sa parfaite normalité.
Fruit d’une commande de Fabrice Melquiot, directeur du Théâtre Am Stram Gram – Centre international de création pour l’enfance et la jeunesse, à Genève –, Normalito fait écho à son Hercule à la plage. Une comédie dramatique dont les quatre jeunes héros se construisent avec pour idéal commun la figure mythologique éponyme. Pauline Sales prend le relai de cette réflexion sur les rapports entre la prolifération de super-héros et le conformisme, dont son Lucas pense être un parfait représentant. L’un des derniers, dans un monde – autrement dit, dans sa classe peuplée de « précoces, de tous les troubles du dys, des handicapés machin chouette, des réfugiés bidule truc ».
Prononcée dès les premières minutes par un Antoine Courvoisier installé sur des toilettes à roulettes, cette réplique l’inscrit d’emblée le spectacle dans un registre bien connu de la création jeune public : celle qui ne craint pas d’affirmer la mission éducative que leur prêtent la plupart des institutions qui s’y intéressent. Du nom du super-héros « qui rend tout le monde normaux » inventé en classe par Lucas, la pièce de Pauline Sales est une ode à la tolérance qui rassemble trois protagonistes différents : Lucas donc, petit mâle blanc occidental qui souffre de n’avoir aucune particularité – et, plus ou moins consciemment, d’être l’héritier d’une histoire coloniale qui a laissé des traces –, sa camarade de classe Iris (Pauline Belle) qui se serait bien passée d’avoir un QI au-dessus de la moyenne, et enfin Lina (Anthony Poupard), une dame pipi née dans un corps d’homme.
Avec ses trois portes de chaque côté du plateau, le dispositif créé par Damien Caille-Perret permet aux trois comédiens de se livrer très vite à toutes les métamorphoses nécessaires. On se change et on court beaucoup, dans Normalito. Le récit initiatique prend ainsi parfois des airs de ballet, qui offrent une distance bienvenue par rapport aux problèmes existentiels des uns et des autres. Elle aurait toutefois pu être davantage explorée, par exemple dans le sens surréaliste qui affleure lorsque les deux enfants se réfugient pour la seconde fois dans des toilettes, publiques cette fois. La partie la plus réaliste de la pièce, où Lucas et Iris échangent presque de familles, est plus attendue. Les enseignements de Normalito auraient gagné à y être avancés de manière plus subtile. Peut-être plus farfelue. Il s’en fallait de peu pour qu’en plus de répondre intelligemment à l’horizon d’attente lié au sujet et au public cible, le spectacle de Pauline Sales surprenne. Il est en l’état plaisant, mais un peu sage.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Normalito
Texte et mise en scène : Pauline Sales
Création lumière : Jean-Marc Serre
Création sonore et musicale : Simon Aeschimann
Costumes : Nathalie Matriciani
Scénographie : Damien Caille-Perret
Maquillage et coiffure : Cécile KretschmarAvec : Pauline Belle, Antoine Courvoisier et Anthony Poupard
Production : Théâtre Am Stram Gram – Genève et À L’Envi
Une commande de Fabrice Melquiot pour le Théâtre Am Stram Gram
Coproduction : Le Préau – CDN de Normandie-Vire
Avec le soutien des Plateaux Sauvages
En partenariat avec le Théâtre de la Ville dans le cadre du Parcours Enfance & Jeunesse
La compagnie À L’Envi est conventionnée par le Ministère de la Culture.
Diffusion En votre compagnie – Olivier Talpaert
Le texte de la pièce est paru aux éditions Les Solitaires Intempestifs le 13 février.Durée: 1h15
Avignon Off 2021
7 > 29 juillet –
11·Avignon
9h45
relâche 12, 19, 26 juillet/em>
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