Emmanuelle Béart est artiste associée au Théâtre National de Strasbourg depuis l’arrivée de Stanislas Nordey, son metteur en scène au théâtre depuis 2010 et Les Justes d’Albert Camus. Puis il y a eu Se trouver de Pirandello (qui lui a vallu le prix d’interprétation de l’association des critiques de théâtre) et Par les villages de Handke dans la Cour d’honneur au Festival d’Avignon en 2013. Elle retrouve sur les planches le goût de la liberté, plus qu’au cinéma. Dans Erich von Stroheim, elle incarne une femme d’affaire dans une tragédie moderne de Christophe Pellet qui met en scène un trio amoureux. Interview dans la loge de la comédienne à Strasbourg.
Qui sont ces trois personnages de la pièce ?
Il y a un type qui est dans le porno. Il sait que son corps va le lâcher et qu’il ne pourra plus en faire commerce. Elle est dans une sorte de rythme infernal de femme d’affaire obsédée par le temps. Et l’autre revendique une forme de nihilisme. Ces trois me touchent beaucoup.
Comment avez-vous abordé ce texte ?
Avec beaucoup sérieux car il y a des changements de température dans chaque scène. Le corps et l’esprit sont comme fracassés. Il faut tenir constamment l’émotion du texte. Elle ne doit pas vous envahir pour que les gens entendent le texte. Il y a plein de combats à mener. J’ai découvert les interrogations de cet auteur. Il pose des questions sur cette société, sur la solitude de l’individu dans cette société de consommation et de production où l’on vend son corps
Et la langue de Christophe Pellet est poétique, très éloignée de ce l’on peut entendre aujourd’hui dans le théâtre contemporain.
Oui c’est comme un grand poème mais il doit être totalement incarné. C’est notre peau tous les soirs que l’on donne sur scène. Comme la langue est belle on pourrait se laisser entrainer dans une chose abstraite sans aucun sens. Il faut lui donner de la chair. Stanislas nous a dit « je veux des larmes et du sang ».
Le décor est comme un livre qui s’ouvre et se referme sur les personnages.
Quand il se ferme on a l’impression qu’il nous avale. Comme cette société qui avale notre personnalité, notre identité. Il nous porte également. Quand les portes s’ouvrent cela donne un souffle et une ouverture sur le monde.
Êtes-vous toujours heureuse dans cette famille du théâtre ?
Toujours autant. C’est une famille qui a une moralité et une éthique. Nordey c’est comme Sautet au cinéma. Il a sauvé ma peau. Il a sauvé la peau de l’actrice, de la femme. C’est un être fidèle. Je fais partie d’une troupe. Je ne suis pas là à chaque aventure mais j’y suis le plus souvent possible au détriment du cinéma. Je n’ai plus le temps de planifier des films. C’est une priorité.
Le théâtre a-t-il changé votre vie ?
Je pense que j’ai cherché à redevenir anonyme pour que mon nom ne résonne plus comme celui d’une personne dont on connaitrait les secrets, l’intimité, la personnalité. Je suis une anonyme sur scène et plus la personne dont on peut lire des choses dans la presse. C’est une sorte de cachette.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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