La MC93 et le Festival d’Automne à Paris initient et accompagnent la rencontre artistique entre Valérie Dréville et Nacera Belaza, dont la recherche aboutit à un dialogue inégal. La comédienne épouse et absorbe pleinement la grammaire de la chorégraphe, tandis que la réciproque n’est pas aussi palpable.
Valérie Dréville peut se targuer d’être sans doute l’actrice la plus aventureuse du théâtre français. En témoignent l’ouverture, l’engagement et la totale porosité avec lesquels elle fait siens les gestes d’artistes d’horizons très différents, mais aux identités très affirmés. C’est aussi bien le cas sur la scène de théâtre – où elle s’est illustrée sous la direction de géants de la mise en scène, comme Anatoli Vassiliev, Claude Régy ou Sylvain Creuzevault, dont le travail est empreint d’une forte radicalité – que sur le plateau de danse où elle a fait l’objet d’un portrait à la manière du chorégraphe Jérôme Bel. Le geste immédiatement reconnaissable de la chorégraphe franco-algérienne Nacera Belaza est comparable à ceux-là, dans le sens où il est le fruit d’une longue recherche obstinée tutoyant la nuit et l’infini. La manière dont l’artiste fait tournoyer aussi bien son corps que les corps des autres danseurs, continuellement plongés dans l’obscurité d’où ils surgissent sans crier gare, est une constante toujours intrigante.
L’Écho ne déroge pas à la règle qui préside et se décalque dans les pièces précédentes, telles que L’Onde, L’Envol, Le Cercle ou La Nuée. Très économe dans l’écriture, mais formellement plus sophistiquée qu’il n’y parait avec les multiples jeux réalisés sur la variable intensité de la lumière et du son, la proposition délibérément minimale met en évidence la paradoxale puissance de la présence physique. Alors même qu’elle se floute, se dérobe constamment à la vue dans le noir quasi total ou dans le faible éclairage, on devine parfois plus qu’on y voit le corps, apparaissant quasiment évanescent, mais suffisamment présent pour attirer l’œil et coller à la rétine. L’austérité revendiquée n’est pas dénuée de beauté et se contemple ou se scrute toujours avec une certaine fascination.
Mais une question demeure… Si Valérie Dréville se jette à corps perdu dans le monde ineffable de Nacera Belaza, se met entièrement au diapason de l’autre et de son univers qu’elle parcourt tout en douceur et en ténacité, quel pas vers l’interprète a fait la chorégraphe qui, visiblement, ne bouge pas d’un iota ? Le déséquilibre est trop flagrant. Valérie Dréville se fond dans l’obscurité trouée d’un pâle halo de lumière. D’abord immobile, quasi immatérielle, puis d’une extrême lenteur, sa partition se concentre sur l’élévation d’un bras, la courbure du dos, autant de mouvements subreptices entre protection et imprécation qui suggèrent un combat existentiel, mais stoïque, avec l’adversité provoquée par des éléments naturels déchaînés. Petit à petit, ils finiront par la désorienter et la faire tourner sur elle-même. Nacera Belaza prend la place à son tour avec amplitude, véhémence et vélocité. L’apparition de l’une fait s’effacer l’autre. Elles n’occupent que très furtivement le plateau ensemble. Comme l’indique son titre, le dialogue ne fonctionne pas en duo, mais plutôt selon un phénomène d’écho, une résonance à distance, qui ne témoigne pas d’un véritable échange.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
L’Écho
Chorégraphie, conception son et lumière Nacera Belaza
Avec Valérie Dréville, Nacera Belaza
Régie lumière Benjamin Bouin
Régie son Marco ParentiProduction Compagnie Nacera Belaza ; MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
Coproduction Festival d’Automne à Paris, deSingel International Arts Center, Charleroi danse – centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Chaillot – Théâtre national de la Danse, Théâtre Vidy-Lausanne, Mille Plateaux – centre chorégraphique national La Rochelle dans le cadre du dispositif de l’accueil-studio du ministère de la Culture
Accueil en résidence La Ménagerie de Verre, StudioLabLa Compagnie Nacera Belaza est soutenue par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – ministère de la Culture au titre de compagnie conventionnée et par la Région Île-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle
Durée : 1h
MC93, Bobigny, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, en coréalisation avec Chaillot – Théâtre national de la Danse
du 26 septembre au 11 octobre 2025Festival Actoral, Marseille
les 30 septembre et 1er octobreCharleroi danse (Belgique)
les 14 et 15 octobreFestival D-CAF, Le Caire (Égypte)
le 21 octobredeSingel, Anvers (Belgique)
les 24 et 25 octobreThéâtre de Corbeil-Essonnes, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
le 6 novembreThéâtre Vidy-Lausanne (Suisse)
du 10 au 13 février 2026




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