Thomas Jolly qui a démissionné de son poste de directeur du CDN Le Quai à Angers en novembre 2022 prépare les cérémonies d’ouverture et de clôture des JO 2024. Ses spectacles Le Dragon et Starmania sont en tournée, et en juin, il reviendra à l’Opéra de Paris, sept ans après Eliogabalo de Cavalli, avec nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod à Garnier.
Le 26 juillet 2024, les yeux du monde entier seront rivés sur la Seine, où se déroulera la cérémonie d’ouverture des JO dont il est le directeur artistique. « On va vite, vite, vite. C’est merveilleux d’apprendre de ce projet unique, avec les contraintes et les questions qui sont posées », commente-t-il auprès de l’AFP. On n’en saura pas plus mais une chose est sûre: le Rouennais de 41 ans a le sens du spectacle et le public en prend plein les yeux.
« J’aime l’expérience visuelle », dit-il. « On n’est pas au théâtre pour voir des choses qui ressemblent forcément à ce qu’on peut voir à la télévision, au cinéma ou même dans nos vies » . Sur scène, celui qui, selon Vanity Fair, « sait ce que doit être le théâtre à l’heure de Netflix », arrive toutefois à faire jaillir une ambiance cinématographique.
Dans Le Dragon, où il a fait appel pour la première fois à un scénographe (Bruno de Lavenère), certains personnages farcesques aux mimiques grimaçantes et au maquillage exagéré semblent sortis tout droit d’un film de Tim Burton. Les sons tonitruants, secondés par un ingénieux jeu de lumières signé Antoine Travert et de la fumée poussée par un ventilateur pour évoquer l’arrivée du dragon à trois têtes, sont dignes de Jurassic Park.
Pour évoquer la servitude du peuple, il s’inspire des films expressionnistes allemands muets, comme Nosferatu ou Le Cabinet du Docteur Caligari mais aussi Metropolis de Fritz Lang, et de l’imagerie des propagandes soviétiques et nazies, dans un décor en nuances de gris. « Schwartz propose à plein d’endroits un théâtre que j’appelle impossible; c’est pour ça que j’ai envie de monter la pièce », confie Thomas Jolly. Il sourit en revanche quand il lit que certaines de ses mises en scènes rappellent Harry Potter ou Star Wars: « je n’ai vu ni l’un ni l’autre ».
Malgré les références cinématographiques, celui qui avait monté un fracassant Henry VI de Shakespeare long de 18 heures au Festival d’Avignon aime par-dessus tout « rester dans l’artisanal » , avec les lumières comme marque de fabrique. « Il n’y pas de volonté de performance. La seule chose qui m’importe, c’est quand je me dis « je ne sais pas comment faire » et de trouver des solutions avec la boîte magique » du théâtre, assure Thomas Jolly.
C’est pour cela qu’il se délecte en ce moment à l’Opéra Bastille, avec son plateau énorme, sa machinerie, ses musiciens et ses artistes du chœur, sans compter les ateliers de décors et de costumes, ce dont peu de théâtres disposent. Il reste perplexe face à certains critiques qui trouvent qu’il fait trop le show. « Mon travail est bien reçu par le public mais, du coup, c’est décrit parfois comme « mainstream » dans un sens péjoratif », dit-il. « Pourquoi le côté spectaculaire ne pourrait pas être simplement théâtral ? »
« Je ne cherche pas l’unanimité mais, venant du théâtre public subventionné, je me dois de m’adresser au public le plus large possible, de lui donner envie d’être là… et de revenir », souligne Thomas Jolly.
Rana Moussaoui © Agence France-Presse
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