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Thomas Jolly dans l’antre du Dragon

Angers, Grenoble, La Rochelle, Les critiques, Lille, Moyen, Paris, Rouen, Strasbourg, Théâtre
Thomas Jolly met en scène Le Dragon de Evgueni Schwartz au Quai d'AngersNicolas Joubard
Thomas Jolly met en scène Le Dragon de Evgueni Schwartz au Quai d'Angers

Photo Nicolas Joubard

Pour son premier grand spectacle en tant que directeur du Quai d’Angers, le metteur en scène s’attaque à cette pièce méconnue d’Evgueni Schwarz. Epopée politico-fantastique, elle se transforme, sous sa houlette, en show sous stéroïdes.

Utiliser des figures mythiques, mythologiques, voire fantastiques, pour dire le contemporain. Le procédé n’est pas nouveau, et a même le vent en poupe, mais il est poussé chez Evgueni Schwartz à son paroxysme, dans un mélange, à première vue surprenant, entre créatures médiévales et régimes autoritaires, du XXe comme du XXIe siècle. Assez peu connu en France, son Dragon a pourtant été monté par des metteurs en scène de renom, tels Antoine Vitez et Benno Besson, mais également, plus récemment, par Christophe Rauck. Et c’est au tour de Thomas Jolly, pour sa première grosse production en tant que directeur du Quai d’Angers, de s’inscrire dans cette belle lignée, de s’emparer de ce texte plus sulfureux qu’on ne le croit a priori – assez, en tous cas, pour donner des sueurs froides au pouvoir soviétique qui l’a censuré juste après sa première représentation, en 1944, à Moscou, et ce jusqu’en 1962 –, à un moment particulier où les dragons menacent, un peu partout à travers le monde, de sortir de leur tanière.

Celui décrit par Evgueni Schwartz règne en maître, depuis maintenant 400 ans, sur une ville dont le dramaturge russe se plaît, pour la rendre encore plus universelle, à taire le nom. Du haut de sa montagne, le monstre tricéphale voit tout, entend tout, contrôle tout, et asservit chacun. Gourmande en vaches, mais aussi en légumes de saison, la créature a instauré un rituel pour le moins cruel, mais accepté, avec une certaine indifférence, par la population : chaque année, il exige qu’une jeune fille de son choix lui soit remise pour l’épouiller et lui gratter les écailles, jusqu’à mourir de dégoût. Elsa, la fille de l’archiviste Charlemagne, est la prochaine sur la liste et elle s’est déjà résolue, fataliste, à son triste sort, prévu pour le lendemain. C’est alors que Lancelot, un héros professionnel, chargé de débarrasser le monde des monstres, débarque. Entiché de la jeune femme dès le premier regard, il se met en tête de défier le dragon ; ce que la créature à trois têtes accepte volontiers, certaine, dans un premier temps, de son invincibilité. Mais liquider le monstre suffira-t-il à libérer la ville du mal ? Rien n’est moins sûr.

Car le dragon, et c’est là toute la subtilité du texte de Evgueni Schwartz, a des relais. À commencer par le bourgmestre, idiot utile du village, son fils, érigé en porte-parole de la créature, mais aussi les masses qui, par leur docilité, se sont sans difficulté converties à l’idéologie du monstre. Charlemagne, sa fille et quelques artisans exceptés, Lancelot n’est pas accueilli en libérateur, mais comme un traître qui va semer le chaos. Façon pour Evgueni Schwartz de souligner que les peuples ont bel et bien leur avenir entre leurs mains, et qu’ils sont en partie responsables de leur sort, duquel ils peuvent devenir des victimes consentantes. D’autant que ce conte, qui entendait, tout à la fois, dénoncer le nazisme et le stalinisme, ne verse pas dans le manichéisme. Les intentions de ce Lancelot-là sont moins vertueuses que celles du chevalier de la Table ronde, et le dragon est sans doute plus faible que ses soutiens ne le pensent. Il faut dire que, comme dans tout bon régime autoritaire, tout est organisé pour entretenir l’illusion de la toute-puissance : le culte du chef, la surveillance de tous par tous, le bourrage de crânes, la haine des étrangers – ici des « romanichels », voués aux gémonies en raison de leur nomadisme.

À cette pièce d’un genre proche de l’heroic fantasy, Thomas Jolly donne les allures d’une épopée sous stéroïdes, d’un grand spectacle, voire d’un grand show. Malgré quelques embardées humoristiques appuyées qui viennent affaiblir, car alléger par trop, la noirceur et la profondeur du propos, il parvient parfaitement à exposer les enjeux du texte de Evgueni Schwartz, et notamment à montrer la versatilité, la bêtise et le comportement moutonnier des masses face à des tyrans qui, parfois, à l’image du bourgmestre, ne sont pas aussi intouchables qu’elles ne le croient. A l’avenant, son adaptation de la fin de la pièce, où le pouvoir d’agir semble davantage entre les mains de la jeune Elsa que dans celles du héros conquérant, se révèle hautement pertinente, et contemporaine, car elle lui permet d’enjamber, sans trahir le texte, ce topos du retour de l’homme fort, libérateur, à qui tous, et surtout toutes, doivent se soumettre.

Constamment à la relance, capable d’imprimer un rythme d’enfer – en dépit de quelques trous d’air dus à certaines longueurs textuelles –, sa mise en scène survitaminée a, malheureusement, les défauts de ses qualités, et de son audace, et frôle le passage en force. Conçue pour en mettre plein la vue, tout est mobilisé à cet effet : la musique tonitruante, les lumières tapageuses, le décor imposant – qui l’oblige à imaginer des intermèdes façon Henry VI lors des changements majeurs. Habituelle chez Thomas Jolly, cette grammaire scénique est assumée, et efficace, mais elle frise, dans ce Dragon, à intervalles réguliers, le trop-plein, au détriment du texte, parfois étouffé, et du jeu des comédiens qui, sans ne manquer ni d’énergie, ni d’esprit de troupe, sont contraints, pour se faire entendre, de pousser le curseur, quitte à se mettre dans le rouge. A la manière de ces héros que l’impératif de flamboyance conduit, bien souvent, à l’épuisement.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Le Dragon
de Evgueni Schwartz
Texte français Benno Besson
Mise en scène Thomas Jolly
Avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Moustafa Benaïbout, Clémence Boissé, Gilles Chabrier, Pierre Delmotte, Hiba El Aflahi, Damien Gabriac, Katja Krüger, Pier Lamandé, Damien Marquet, Théo Salemkour, Clémence Solignac, Ophélie Trichard et, en alternance, Mathis Lebreton, Adam Nefla ou Fernand Texier
Collaboration artistique Katja Krüger
Scénographie Bruno de Lavenère
Lumières Antoine Travert
Musique originale et création son Clément Mirguet
Costumes Sylvette Dequest
Accessoires Marc Barotte, Marion Pellarini
Consultante langue russe Anna Ivantchik

Production Le Quai CDN Angers Pays de la Loire
Coproduction Théâtre National de Strasbourg, La Comédie – CDN de Reims, Théâtre National Populaire de Villeurbanne, Théâtre du Nord – CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France, La Villette – Paris
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national

Durée : 2h40

Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire
du 18 au 25 janvier 2022

Théâtre National de Strasbourg
du 31 janvier au 8 février

Palais des Beaux-Arts de Charleroi (Belgique)
les 18 et 19 février

Les Salins, Scène nationale de Martigues
les 10 et 11 mars

MC2: Grenoble
du 23 au 25 mars

La Coursive, Scène nationale de La Rochelle
les 30 et 31 mars

CDN Normandie-Rouen
les 8 et 9 avril

La Villette, Paris
du 14 au 17 avril

Théâtre du Nord, CDN de Lille
du 27 au 30 avril

21 janvier 2022/par Vincent Bouquet
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1 réponse
  1. Laurence Gingreau
    Laurence Gingreau dit :
    26 janvier 2022 à 23 h 18 min

    Super spectacle surprenant ou on est captivé du début à la fin decor qui passe du sombre au couleur du feu du dragon qui n est pas celui qu on imagine bravo a toute l équipe

    Répondre

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