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Sur le coeur, avec humour et en musique pour dépasser MeToo

A voir, Asnières, Avignon, Les critiques, Théâtre

Nathalie Fillion manie avec brio musicalité et poésie dans une fantasmagorie post-MeToo en milieu hospitalier. Une plongée dans un futur aussi inquiétant que désopilant. 

Ce sont les lits éclairés par des néons blafards de la Pitié Salpetrière qui nous accueillent. Nous sommes en 2027, dans la nouvelle unité de soin et de recherche post-MeToo dirigé par la professeure Rose Spillerman, une docteure ambitieuse et poétesse, flanquée de son éternel assistant. Depuis que les femmes parlent et qu’on les écoute, de nouvelles pathologies apparaissent, touchant les femmes comme les hommes : peurs, anxiétés, nouveaux TOC. Prendre conscience de l’absence abyssale des femmes dans l’histoire du monde, ça ne se fait pas sans douleur.

Marguerite s’y présente avec sa soeur Iris : celle-ci ne parle plus. Plus du tout. Elle ne semble pas particulièrement souffrir, mais ne communique qu’à travers des gestes brusques et dessine d’étranges mains, primitives et énigmatiques. Son cas va interroger la communauté scientifique qui va se pencher sur ce nouveau syndrome.

Sont accueillies dans ce service toutes celles pour qui l’écoute nouvelle apportée à leur parole, après des décennies de silence, provoque chocs émotionnels comme existentiels. À l’étage d’au-dessus, les hommes ne sont pas en reste : “je ne t’ai pas touché, je ne t’ai pas touché !” répètent en boucle certains, quand d’autres peuvent rester pendant des heures bloqués devant une porte, ne sachant plus s’il faut la tenir à une inconnue qui se présente ou non. 
Comment représenter dans les chairs les conséquences inconscientes de siècles d’oppressions ? Ici, bien tangibles et jargon scientifique fantasque à l’appui, ce sera sous forme de symptômes pathologiques.

Le langage est, bien sûr, au centre de la création, car c’est bien la parole qui a bousculé ici l’ordre du monde, une parole à la fois individuelle et collective, singulière et multiple. Ici, la parole n’a rien d’apaisant, puisqu’elle révèle en creux tous les silences qui l’ont précédé. Une parole puissante puisqu’elle ébranle les fondations des psychés comme des rapports sociaux. Iris peut prononcer des sons, mais s’arrête lorsque ceux-ci forment du sens. Dans son silence, chacun et chacune y projette ses fantasmes et ses inquiétudes. Le chant intervient alors pour évoquer l’indicible, la danse pour absoudre le sens, entre Passacaglia della vita a capella ou chorégraphies chantées façon comédie musicale : le chant ici provoque le sourire, complète la parole, opère un délicat décalage entre l’univers aseptisé de l’hôpital et la quête, viscérale, d’une joie collective. Il semble présenté comme une alternative pour tenter de dépasser la guerre des mots ou bien de construire sur ses ruines un rapport nouveau aux autres.

La question de la mémoire aussi, est centrale. “Je me souviens de tout, même de ce que je n’ai pas vécu” répète comme un mantra Marguerite qui, littéralement, porte sans relâche un étendard guerrier qui l’accompagne, hantée par la figure d’une certaine Jeanne et endosse a elle seule la douleur universelle de la cheffe de bataille.

Au rythme des expérimentations scientifiques, les cloisons vont peu à peu s’éroder : les paravents de plexiglas de l’hôpital vont se mouvoir et permettre la rencontre entre patients et soignants, les fortifications de Marguerite vont se fissurer et laisser place à la poursuite d’une nouvelle vulnérabilité. Quant à Iris, la quête dans les replis de sa mémoire à la recherche d’une l’âme créative enfouie va mener l’équipe médicale au tréfonds de l’histoire humaine. Le quatrième mur lui-même sera aboli, dans un savoureux face-à-face entre Damien Sobieraff, en charge d’endosser l’ensemble des masculinités au plateau et son autrice, cachée dans un coin de la salle.

Dans ce huis clos hospitalier, la parabole sera délicate et sensible. Loin d’être clinique, sans être grinçante, grâce à une musicalité travaillée par touches discrètes et ciselées, une écriture puissante emplie d’humour, ainsi qu’un rythme chorégraphique appuyé, Nathalie Fillion, en collaboration étroite avec Jean-Marc Hoolbecq, parvient à nous faire rire du désastre et invite à la joie, malgré tout.

Fanny Imbert – www.sceneweb.fr

Sur le coeur 

Mise en scène Nathalie Fillion
Avec Marieva Jaime-Cortez, Rafaela Jirkovsky, Manon Kneusé et Damien Sobieraff
Guitare Hervé Legeay
Harpe Laurence Bancaud
Assistante à la mise en scène Mélissa Irma
Chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq
Scénographie et costumes Charlotte Villermet
Création sonore, régie son et vidéo Estelle Lembert
Création lumière Denis Desanglois
Création vidéo Dimitri Klockenbring
Remerciements à Romain Tiriakian

Durée : 1h25

Du 21 au 24 mars 2024
Studio ESCA, Asnières-sur-Seine

Arsenic – Gindou
4 mai 2024 à 20h30

Off 2024
Train Bleu à 20h – salle 1
du 3 au 21 juillet 2024, relâche les 8 et 15 juillet

26 mars 2024/par Fanny Imbert
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