Irène Jacob doit sa première apparition au cinéma à Louis Malle dans Au revoir les enfants. Elle obtient le prix d’interprétation féminine à Cannes pour La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski. Depuis les années 2000, elle est de plus en plus présente au théâtre, avec Irina Brook, Philippe Calvario et récemment avec Thomas Ostermeier dans Retour à Reims, et cette semaine avec un autre grand metteur en scène international, Amos Gitaï dans House au Théâtre national de La Colline.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui. Après avoir rêvé et travaillé un projet, je souhaite tellement qu’il soit accueilli avec chaleur par le public et je l’attends comme une fête. Quand j’ai le trac je me répète que j’ai de la chance d être là, dans ce théâtre, avec cette équipe, que le public aussi a fait l’effort de se déplacer et espère aussi une rencontre.
C’est avec le public que je vais redécouvrir encore le spectacle, en comprendre avec lui le rythme émotionnel. Les moments de rendez vous, les sourires, les surprises, les silences.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
J’essaie de ne pas rompre le rituel des répétitions. J’aime retrouver l’équipe dans l’après midi et faire ensemble un filage de la pièce tranquille, avoir des notes, être dans le travail. Et je m’apporte un plat de pâtes et dîne dans la loge avant pour ne pas avoir le ventre vide. Je fais des étirements à n’en plus finir.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Oui je me fais une italienne du texte dans les gradins – c’est à dire : je dis mon texte à voix haute depuis la salle. Puis je mets des écouteurs et je danse dans la salle et sur la scène pour remplir l’espace d’une énergie généreuse et libre, sans peur et avec juste une envie d’être la, sur la piste.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Je crois que j’aimais tellement jouer depuis que je suis petite fille, que c’était mon rôle en famille et je le choisissais comme une évidence. « Irène va nous dire un poème? Irene tu imiteras tante jeanne ? Tu nous chanteras Barbara ? »
Premier bide ?
La famille peut être bonne spectatrice mais aussi ( avec justesse) sans cadeau. « Ah non… J’ai pas compris. Tu n’es vraiment pas en valeur. On t’entend pas. Et sinon ça va bien ? … »
Première ovation ?
Mon premier spectacle à 15 ans écrit avec mon groupe amateur. « Arrête ton kitsch » Des sketch sur les coulisses imaginaires de la télé. J’ai compris que je pouvais exprimer sur scène ce que je ne pouvais pas forcément faire dans la vie. Et j’en ai aimé les rires, la fête, la liberté, l’extase, le succès. Sur scène on se révèle autrement que dans la vie. C’est comme de nouvelles possibilité. Un nouveau terrain de jeu.
Premier fou rire ?
Ce n’est pas mon premier mais c’est en 2000 avec Jérôme Kircher. On joue Résonnance d Irina brook et Jérôme doit décrocher un téléphone qui sonne pour m’annoncer une triste nouvelle. Mais le téléphone ne sonne pas ou jamais comme il faut et ca nous fait rire car on se retrouve comme des nuls, en plan, à attendre pendant une minute la sonnerie alors je me tourne de dos pour rire en faisant semblant de pleurer et Jérôme doit se débrouiller comme il peut de face pour rester sérieux. J’en ai eu tant d’autres et bien sûr je les crains mais aussi je les adore.
Premières larmes en tant que spectateur, spectatrice ?
Le Mahabharata. Peter Brook : Tellement beau.
Première mise à nue ?
La mouette dans la mise en scène de Philippe Calvario. Apprise et répétée en 10 jours pour remplacer au pied levé une actrice que j’aime beaucoup mais qui s’était cassée la jambe, je reprenais le rôle titre de Nina. J’étais comme somnambule. J’abordais ce rôle rêvé, idéalisé, mais sans avoir le temps d’entièrement le préparer. Je me jetais a l’eau avec mon amour de la pièce et l’instinct pour guide. Et j’en adorais mes partenaires et la mise en scène. Et ça a marche car quand on joue La mouette, il faut de toute façon être à nue et risquer tout.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je dirai alors : en ce moment avec Keren Ann pour Où es tu ! Une joie de rencontrer aussi la femme, l’amie après adorer l’artiste. Et puis au théâtre de la colline : je suis depuis toujours une grande fan de Micha Lescot alors je me réjouis de le trouver sur scène pour la première fois et hâte de rencontrer avec joie tous les autres acteurs israéliens et palestiniens de la troupe de House sous la direction d’Amos Gitai.
Première interview ?
C’était pour Télérama en 1991 pour Le Misanthrope et je me demandais: comment on fait une interview avant de jouer une pièce ? Comment on parle pendant les répétitions – « avant » – d un spectacle qui n est pas encore né sur scène?
Premier coup de cœur ?
L’oiseau vert mis en scène par Benno besson. J’avais 18 ans.
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