Hélène Viviès part en tournée, enfin avec Les Femmes de la maison de Pauline Sales, spectacle créé en janvier 2021 à huis-clos. Hélène Viviès est la cheffe de file impeccable de cette pièce qui ausculte l’évolution du féminisme et du « vécu féminin » au cours des soixante-dix dernières années. Voici son interview, Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui et de plus en plus … plus je vieillis plus j’ai le trac et plus surtout j’essaie de me dégager de la peur qui n’est vraiment pas un bon moteur pour moi mais d’aimer et de désirer même le vertige, c’est peut être ça le « bon » trac : il va y avoir du vertige et c’est ce qu’on cherche au fond, ce à quoi on aspire.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
En général je ne cale aucun rendez-vous. S’il fait moche je traîne au lit le plus possible et s’il fait beau je vais prendre un très bon petit déjeuner en terrasse et je rêvasse au soleil. Et je savoure la chance que j’ai, je laisse monter tranquillement l’euphorie !
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Plein… trop… comme un sportif je me fais un déroulé précis des trois heures avant de jouer … avec : le temps de collation ( du riz toujours )/ le temps de repos/ le temps d’italienne/ le temps de préparation/ le temps de déambulation sur le plateau vide où je me répète que c’est ma maison et surtout surtout un soin très particulier à ma mise, j’adore les accessoires, ça me rassure de les préparer.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Je ne sais pas vraiment si je me le suis jamais avoué en ces termes là. Mon premier rapport au théâtre c’est la télé, Jacqueline Maillan dans Lili et Lily que j’avais enregistré et dont je me répétais les répliques. Dans ma famille nous n’allions jamais au théâtre. Puis c’est un peu la vie qui a décidé pour moi, j’ai passé les concours un peu par hasard parce que ça se faisait quoi, et puis j’ai eu la chance d’être acceptée à l’Ensatt et c’est dans l’émulation de l’école, les répétitions avec les camarades tard le soir dans l’école vide, le groupe, le collectif au travail les uns pour les autres… là je me suis dit ok c’est vraiment là que je veux être !
Premier bide ?
Je ne sais pas si c’est mon premier, il y a du y en avoir pas mal avant mais j’ai oublié, tant mieux d’ailleurs… mais celui dont je me rappelle bien c’est une représentation au Mans d’En Travaux de Pauline Sales. C’était un spectacle plutôt intime à deux acteurs créé pour des salles moyennes de maximum 300 places mais la salle où nous devions jouer ne fut pas prête à temps pour nous accueillir et on s’est retrouvé sur un immense plateau dans une salle dont la jauge devait être de 1000 personnes. Ils étaient 50 disséminés partout dans ce bateau et nous deux perdus comme deux petits moustiques au milieu du paquebot. On devait hurler pour se faire entendre. Une catastrophe. Le lendemain le directeur du théâtre a même appelé la metteuse en scène Pauline Sales pour lui dire qu’elle devait revenir en urgence retravailler avec ses acteurs tellement c’était mauvais et que ce n’était vraiment pas le spectacle qu’il avait acheté … Humiliation !
Première ovation ?
Le même spectacle … comme quoi. C’était à Cholet. Je me rappelle que nous étions épuisés car c’était une tournée très intense et juste avant de rentrer sur scène on s’est dit avec mon partenaire Anthony Poupard que ça allait être dur. Et puis, la magie… dès les premières répliques le public était tellement avec nous. Tous debout à la fin ! C’était très émouvant. Le lendemain j’apprenais que Cholet était la ville du mouchoir ….
Premier fou rire ?
Andromaque mis en scène par Philippe Delaigue. Je jouais Andromaque et dans un moment particulièrement tragique où j’annonce à ma confidente que je me suiciderai après mon mariage, ma langue a fourché et au lieu de dire Pyrrhus j’ai dit PyROUSSE, j’étais à fond dans mon drame, hyper emphatique et engagée dans ce que je croyais être l’émotion ultime et je me prends les pieds dans le tapis… quand le ridicule advient comme ça c’est irrésistible. Je ne sais pas comment on a réussi à finir la scène, car je devais dire encore trois ou quatre fois Pyrrhus, j’ai fini avec une voix d’adolescent qui mue tellement je n’arrivais plus à parler face à ma partenaire Pauline Moulène qui pleurait de rire, je n’ arrivais même plus à la regarder.
Premières larmes en tant que spectateur ?
Une des premières fois où j’allais au théâtre par choix et pas par l’école. J’avais 20 ans, au CDN de Montpellier, j’ai vu Contention précédé de La Dispute, une mise en scène de Stanislas Nordey. Ces acteurs physiques, ces corps nus, le vide qu’ils créaient au plateau après avoir tant mouillé le maillot… j’ai un souvenir très fort de la sensation que j’ai eu pour la première fois de ce que pouvait être le courage et l’engagement d’un acteur. C’était bouleversant.
Première mise à nue ?
Monsieur Kolpert de David Gieselman mis en scène par Christophe Perton, mon premier spectacle en sortant de l’école. Nous étions trois acteurs à finir nus sur le plateau tout en parlant. Mais la nudité ne me pose pas vraiment de problème ou de gêne. Si on me demande de chanter je vais me sentir beaucoup plus à poil par exemple, car là je sais qu’on va vraiment voir qui je suis, je ne peux pas me cacher…
Première fois sur scène avec une idole ?
Je ne crois pas avoir de rapport aux idoles. En revanche tous les acteurs que j’ai croisé m’ont inspiré et continuent de m’inspirer encore, chacun à leur manière. La fantaisie de l’une, la justesse de l’autre, le sens des situations ou d’un texte, la liberté, la qualité de présent et du moment par moment d’un autre … je suis très curieuse de voir comment chaque acteur travaille, chacun avec ses armes, d’ailleurs j’aime rester en répétitions même si le metteur en scène me libère, pour assister au travail artisanal de chacun… je sais que je vais pouvoir m’en inspirer et apprendre.
Enfin si, j’ai eu l’extrême chance de partager un tout petit bout de plateau avec André Marcon. J’étais surtout l’assistance du spectacle et je jouais une soubrette au fond du plateau qui ne disait pas un mot, il ne m’adressait qu’une réplique mais tous les soirs il me faisait l’extrême plaisir de me faire des petites surprises sur cette réplique qu’il soignait , très délicates les surprises, et je me sentais rougir de son attention. C’est un acteur sublime de force et d’intelligence et un homme délicieux. La grande classe.
Première interview ?
Pour ma nomination aux Molières, le journal local de mon village de naissance dans le Sud-ouest m’a contacté par téléphone et en lisant l’article j’ai eu tellement honte, mes phrases étaient tronquées, sorties de leurs contextes, j’avais l’air totalement stupide et vaniteuse … je me suis dit : plus jamais par téléphone !
Premier coup de cœur ?
Au CDN de Montpellier toujours, cette même année où j’ai mangé du théâtre pour la première fois de ma vie. C’est pas facile, Trilogie mis en scène par Didier Bezace. Il y avait tout , le rire flirtait en permanence avec le danger, le drame, le ridicule … c’était fou pour moi, on pouvait tout raconter en un seul instant… c’était véloce et malin et terriblement joueur . J’avais envie d’être avec eux et de faire partie de cette bande.
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