Chloé Catrin intègre l’École Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg (TNS) en 2007. À sa sortie, elle incarne Hermione dans Le Conte d’Hiver de Shakespeare, mis en scène par Pauline Ringeade, puis joue dans Harold et Maude au Théâtre Antoine. Elle travaille pour les metteuses en scène Delphine Hecquet et Caroline Guiela Nguyen, qu’elle retrouve cette semaine au TNS pour la création de Valentina.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
J’ai le trac, oh oui ! Les soirs de première et les jours d’avant. Je tachycarde, je tremble, je ne dors plus, je me dis que je dois aller voir un·e cardiologue, un·e hypnothérapeute, un·e sophrologue, un·e psychologue, faire un bilan complet chez ma généraliste… Je ne sais pas si on peut encore appeler ça « trac » ou carrément « crise d’angoisse » !
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Terrée. Je me blottis dans mon terrier. Je deviens animale, je crois. J’entre en catalepsie et là, je me dis qu’il faut que j’ajoute à ma liste de rendez-vous : un·e neurologue, un·e chaman ou un·e comportementalisme animalier… Bref, ma vie sociale en prend un sacré coup. Les jours de première sont un enchantement pour mes proches !
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Je deviens obsessionnelle. Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place – si seulement il pouvait en être pareil chez moi (rires). Là, pour Valentina, je dessine mentalement mon parcours dans la pièce – comme lors des concours hippiques où je visualisais les obstacles avant d’entrer sur la piste –, puis je me concentre, mon casque sur les oreilles et toujours la même chanson en mode « repeat »… Obsessionnelle, je vous dis.
Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?
Ça remonte à l’enfance. Ma directrice d’école était une dingue de théâtre, elle montait des spectacles avec toute l’école. En CM1, j’incarnais Morgane des fées dans une fresque sur les Romans de la Table Ronde. Je traversais la grande cour de l’élémentaire, seule, dans une robe violette, les cheveux dans le vent, une lune sur le front et ma voix dans les haut-parleurs disant : « Moi, Morgane des fées, grande prêtresse de l’Ile d’Avalon, je vous le dis, le monde a changé… ». Bon, là, j’étais carrément transcendée ! J’ai encore ce souvenir au creux du coeur. La magie. Les sorcières. De là à me dire que j’allais faire ce métier…
Premier bide ?
Enfant également. Décidément, l’enfance… Premier spectacle avec la Compagnie de la Tasse de Thé au Carré Amelot, à La Rochelle. Je jouais Cléopâtre (légère pression), je rentre sur scène, je me place dans la douche de lumière et là : un blanc. Monumental, le blanc. Réflexe de survie, j’ai tourné les talons et je suis repartie en coulisses illico. Cléopâtre a chu de son char ce soir-là.
Première ovation ?
Après une année et demie d’auditions ratées au Jeune Théâtre National (JTN) et une certaine idée de la désespérance, standing ovation au Théâtre Antoine pour Harold et Maude mise en scène par Ladislas Chollat. Bon, il y avait Line Renaud sur scène, ça aide un peu, je pense.
Premier fou rire ?
Sur la pièce Harold et Maude, toujours. Pendant une scène d’enterrement, l’un de mes partenaires (Denis Berner) m’a murmuré à l’oreille une blague terrible. J’ai pouffé et j’ai tellement contenu la vague irrépressible de rire qui montait que des larmes ruisselaient sur mes joues. J’ai feint un immense chagrin. Totalement sacrilège, mais mémorable.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Alors, je pleure beaucoup, beaucoup, au théâtre, au cinéma, dans la vie, quand je lis un livre, quand j’en lis à mes enfants, donc j’accumule beaucoup de souvenirs de larmes. Retrouver le premier est une gageure.
Première mise à nu ?
Dans Elazen au CDN de Dijon. Ma première pièce en tant qu’autrice, que j’ai jouée et mise en scène (avec Clément Clavel et notre compagnie, La Seconde vie). L’impression que tout le monde contemplait mon intérieur : « C’est ça qu’il y a dans sa tête ? Ah, et ce sont ses viscères ça ? Et là ? Ah, là, c’est sa fragilité émotionnelle ». Mais ce que j’aime, c’est l’après, quand les gens du public partagent aussi leurs secrets, nous parlent de leur burn-out (le sujet d’Elazen), nous ouvrent une partie de leur intimité. Ça donne du sens au théâtre et à la vie.
Première fois avec une idole ?
Mince, je sèche. Je n’ai pas tellement d’idole… Alors, disons un non-humain et un très bel être vivant : Vivaracho, cheval lusitanien de 25 ans qui a participé à notre spectacle Les Choses capitales en 2015 à Villeréal. Une force de vie ! Merci pour le rêve, l’ami.
Première interview ?
Un spot sur VHS pour la MAIF en CE2, que ma mère doit détenir caché au fond d’un buffet. Ô gloire !
Premier coup de coeur ?
Le Roi Lear dans la mise en scène de Jean-François Sivadier vu quand j’étais élève au TNS. La troupe, le théâtre, la ferveur et la joie. Et Clément Clavel rencontré aussi au TNS, mon âme soeur.
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