Anne Le Guernec incarne Gertrude dans La tragédie d’Hamlet mise en scène par Guy-Pierre Couleau, elle retrouve ici le metteur en scène avec lequel elle a partagé de nombreuses années de compagnonnage à La Comédie de l’Est de Colmar. Voici son interview Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui, beaucoup mais à vrai dire tous les autres soirs de représentations aussi ! Plus je joue, plus j’ai le trac. Je le définirais comme un mélange de grande nostalgie, d’angoisse, d’exaltation et une sorte de détachement de la vie matérielle plusieurs heures avant la représentation. Jusqu’à la question : « mais pourquoi j’ai choisi de faire ça ? » Pas simple tout ça…
Comment passez vous votre journée avant un soir de première ?
Je m’autorise à ne rien faire ! J’aime arriver tôt dans les théâtres. Y aller à pied si je peux. Avant d’avoir des enfants j’y allais dès le début de l’après midi, je ne me sens à peu près bien que dans les murs du théâtre ce jour là …
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
La seule superstition ou habitude que ne change jamais est celle d’avoir toujours mon texte avec moi, près de moi. Pouvoir le lire, le relire, vérifier.. Un rituel à chaque fois différent se met en place selon les pièces et les équipes. Un endroit où attendre, me maquiller dans un certain ordre… Dans le solo « chambre 2 » que je viens de jouer à la Reine Blanche, je fais une italienne et une préparation physique chaque jour et une sieste !
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Le cours Florent. J’ai 15 ans. Je suis bavarde et déchainée en classe, ma mère voudrait que je « canalise mon énergie » et m’incite à aller voir un cours de théâtre. Le premier cours est décisif. Je sais que je veux faire ça et je sens que je ferais ça.
Premier bide ?
J’espère pas demain ! Je n’ai pas de souvenir de bide ou alors je n’ai pas voulu le voir. Juste par exemple Dom Juan, le rôle de Done Elvire plus que difficile et où je ne convainc pas, je l’ai joué dans deux productions différentes à 18 ans d’intervalle ( à 19 ans et à 37 ans ) je n’ai jamais réussi, j’étais malheureuse les deux fois.
Première ovation ?
Les mains sales de Sartre monté par Guy Pierre Couleau ont été un bonheur. Au théâtre de l’Athénée, j’entendais des salves de rire chaque fois que j’ouvrais la bouche dans cette pièce plutôt politique et un peu «virile », (à la Jean Paul Sartre). Mon rôle était sublime et c’était d’une liberté absolue. Je me sentais pleine d’audace.
Premier fou rire ?
La dame de la mer de Ibsen, je sors de scène après avoir été insolente comme je le devais, et mon talon se prend dans le grand tulle peint qui constitue le décor. Je déchire presque tout le tulle. Mon partenaire Gérard Watkins (dos au public) devient rouge écarlate et se marre… je ne peux retenir mon fou rire… je suis ridicule !!!
Premières larmes en tant que spectateur ?
J’aime beaucoup pleurer en tant que spectateur et cela m’arrive tellement souvent. C’est si bon ! Les premières fois, je ne m’en souviens pas mais j’ai pleuré après La ménagerie de verre qu’avait monté Elisabeth Chailloux et Igishanga avec Isabelle Lafon.
Première mise à nue ?
J’ai toujours le sentiment de dévoiler une part d’intimité quand je joue. La mise à nue réelle c’était dans Ça avec Anne Laure Liégeois, on jouait à la grande Halle de la villette, des scènes d’amour et nous devions nous préparer à la manière de gymnastes ou de danseurs. On passait par la nudité totale avant d’enfiler le costume. En fait, C’était pas si difficile que ça à faire !
Première fois sur scène avec une idole ?
Madeleine Marion a été mon professeur et je dirais ma marraine de théâtre. Nous avons joué ensemble plusieurs fois. Elle jouait Lioubov dans la Cerisaie et je le trouvais belle comme Garbo. Elle aimait transmettre et était d’une grande modernité dans ses goûts. Plus tard j’ai adoré Anne Alvaro, Dominique Valadié, Ludmila Mikael et bien sûr Jeanne Moreau sous la direction de qui j’ai joué « Un trait de l’esprit ». Mes idoles étaient les actrices de théâtre avec qui j’ai joué. Chez toutes, j’ai aimé leur classe mais aussi leurs fantaisies et leur grain de folie…
Première interview ?
A 18 ans. je suis Elvire dans le Dom juan qui se joue au Bouffes du nord avec Francis Lalanne ! Et on nous prend en photo dans le parc Montsouris. Je suis un peu une starlette. A des années lumière du parcours que j’aurais par la suite.
Premier coup de cœur ?
Richard II. Mes parents m’emmènent à la Cartoucherie de Vincennes. Je regarde les acteurs se maquiller. Ariane Mnouchkine est là, j’ai l’impression de commettre une indiscrétion en les regardant à travers les pans du rideau. Je la regarde et elle me dit « Mais oui tu peux regarder ! ». Aujourd’hui ça m’amuse de penser qu’elle m’a autorisé quelque chose.
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