Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

« Sinistre et Festive » : (presque) rater en beauté

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre musical
Sinistre et Festive de Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna
Sinistre et Festive de Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna

Photo Arthur Pequin

Imaginé en binôme par Jonathan Capdevielle et Jean-Luc Verna, Sinistre et Festive est un tour de chant foutraque et sublime qui leur ressemble. Sur un répertoire éclectique et nostalgique, les performeurs s’en donnent à cœur joie et triste, et rivalisent de magnétisme et de bagout.

Figure iconique du théâtre de Gisèle Vienne, marionnettiste et performeur, Jonathan Capdevielle développe depuis une quinzaine d’années une recherche scénique où le son et la musique sont travaillés comme matières aussi incarnées que les corps au plateau. Après avoir exploré une veine autobiographique dans Adishatz/Adieu et Saga, il adapte Bernanos (À nous deux maintenant), puis le roman d’Hector Malo Sans Famille (Rémi), monte Camus (Caligula) et met récemment en scène Camille Cottin dans Le Rendez-vous. La chanson populaire, la variété française, la pop culture ont une place de choix dans son œuvre, et l’on n’est pas étonné de le voir s’associer à l’artiste Jean-Luc Verna, figure de l’art contemporain et compagnon de route de longue date.

Présent dans I Apologize de Gisèle Vienne, Did Eve need make up de Gaëlle Depaw, Diane Arbus Self Portrait de Paul Desveaux, et plus récemment dans la reprise en français de Maître obscur de Kurō Tanino, entre autres collaborations scéniques, le performeur promène sa silhouette piercée et tatouée jusqu’au crâne sur les plateaux de théâtre en parallèle des multiples groupes de rock où il a officié et de sa pratique plastique hétéroclite où domine le dessin. Jean-Luc Verna est Sinistre ; Jonathan Capdevielle, Festive. Les deux faces d’un même attrait pour l’underground, la métamorphose et l’irrévérence. Chacun avec son répertoire, chacun avec sa garde-robe, les deux oiseaux de nuit se sont réunis pour offrir un tour de chant à leur façon, un cabaret mélancolique et décomplexé qui a la flamboyance de sa décadence.

En ce sens, la salle à l’italienne du Théâtre de l’Atelier, aussi jolie soit-elle, n’offre pas la possibilité d’un rapport au public de proximité, voire de porosité. Si les coupes de champagne sont autorisées à titre exceptionnel pendant la représentation, le rapport frontal et la scène surélevée freinent la relation, la circulation des réactions, la complicité et la détente sur lesquelles se fonde le genre du cabaret. Mais, après une entrée en matière un peu sur des œufs, nos deux divas aussi dark que glamours emportent l’adhésion et les frissons. Sur plateformes vertigineuses, en santiags, perruques négligemment posées sur la tête, cumulant les tenues, du tailleur rose à la robe cucul la praline, du pull à franges au pull à paillettes, couleurs vives pour Festive, noir d’usage pour Sinistre, en collants résille ou tenue léopard, poupées horrifiques et sublimes, freaks de la plus belle espèce, Sinistre et Festive nous gratifient d’un enchaînement de chansons disparates et décousues, dont la présence au menu ne s’explique que par l’amour que leur porte leurs interprètes.

On reconnaît le goût pour la variété de Jonathan Capdevielle et le penchant pour le rock indé et alternatif de Jean-Luc Verna. Mais l’éventail est large, en grand écart même, et ce melting pot raconte une chose : exit le snobisme et l’élitisme, tous les genres musicaux ont leur place sur un plateau. Madonna vaut tout aussi bien que Barbara ; Claude Nougaro et Guy Marchand peuvent cohabiter. On retrouve d’ailleurs le don de Jonathan Capdevielle pour les medleys improbables et jouissifs : passer de Brel à Lady Gaga, de Carmen à Frozen, et finir en un twist final sur Dalida. Ceci n’a rien d’un blind test mythique des soirées de chez Madame Arthur, mais la proximité géographique du célèbre et plus ancien cabaret de travestis de Paris y fait écho. Soir de première oblige, on passera sur les petits impairs qui vont de pair avec une forme de revendication d’imperfection, car le but n’est pas de fournir un spectacle tiré à quatre épingles. Et, comme Jean-Luc Verna le glisse à l’avant-scène, avec un bagout qui ne le quitte pas, ce « presque raté » est tout un art, un subtil équilibre à mener en funambules aux présences tragi-comiques et transgressives.

Colosse de grâce, dents argentées, tableau vivant, sourire qui vire à la menace et vice-versa, imprévisible et versatile, Jean-Luc Verna prouve une fois de plus qu’il chante divinement. Incarné jusqu’aux battements de paupières maquillées, à l’aise comme un poisson dans un bocal, dosant ses postures et ses effets. Une sculpture en mouvement. Et lorsqu’il interprète, enrobé d’un boa en plumes géant, Les Adieux d’un Sex Symbol de Starmania, le temps se suspend. Jonathan Capdevielle n’est pas en reste. Nonchalant, romantique et sexy dans sa robe fourreau à paillettes ou évanescent derrière sa boule à facettes, chapeau de cowgirl et fine moustache, inénarrable dans sa combinaison rose corail, il fait de chaque chanson sa création et sa reprise de Corrida de Francis Cabrel est un must d’émotion. À leurs côtés, Julien Bienaimé, pianiste, les accompagne, sourire aux lèvres, lunettes noires et costard. Et chaque soir, une invitée vient dynamiter le face-à-face du duo et apporter sa touche personnelle à ce show où chacun semble challenger l’autre pour faire monter la sauce musicale.

Car ce qui prime ici, ce n’est pas la dramaturgie, mais les voix, les mélodies, ces airs, sentimentaux, coquins, drôles, grinçants, exhumés du passé, de l’enfance et de l’adolescence, ces chansons parfois dans le fond du panier qui côtoient des pépites, la verve parolière de Barbara contre les envolées lyrico-too much de J’ai encore rêvé d’elle – un moment d’anthologie. Et cet espace de liberté où l’on peut être grossier, exhiber son corps, oser le mauvais goût, détourner les mots gravés dans le marbre, déboulonner la morale, être flamboyant dans la sinistrose et grandiose envers et contre tout. Sous l’œil goguenard d’un crâne métallisé posé en exergue sur le piano noir et droit, Sinistre et Festive ressemble au dernier feu d’artifice avant extinction (des budgets ?). C’est une vanité musicale, une apothéose de panache déchu, un pot-pourri kitsch et dépressif à la beauté fanée, élaboré avec le cœur et sans préjugés.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Sinistre et Festive
Conception Jonathan Capdevielle, Jean-Luc Verna
Avec Jonathan Capdevielle, Jean-Luc Verna, Julien Bienaimé
Conception costumes Colombe Lauriot Prévost

Production déléguée Association Poppydog
Coproduction T2G, Centre dramatique national de Gennevilliers

Durée : 1h15

Théâtre de l’Atelier, Paris
du 5 avril au 8 juin 2025

7 avril 2025/par Marie Plantin
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Les oiseaux sans plumage de Jean-Luc Verna
Kurō Tanino crée Maître obscur au T2G Festival d'Automne à Paris « Maître obscur », une banale manipulation
Marc DomageJonathan Capdevielle sur la route avec Rémi
Christophe Raynaud de LagePortrait en quête d’épaisseur
Saga, l’autofiction dérisoire de Jonathan Capdevielle
Adishatz : requiem pour une adolescence
La troupe de Madame Arthur au Centre National de la Danse !
Anna Mouglalis dans la peau de la photographe Diane Arbus
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut