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Chrystèle Khodr et le digne récit du massacre de Tel-el-Zaatar

Bobigny, Bruxelles, Coup de coeur, Les critiques, Marseille, Montpellier, Paris, Sète, Théâtre, Villeurbanne
Silence, ça tourne de Chrystèle Khodr
Silence, ça tourne de Chrystèle Khodr

Photo Jean-Louis Fernandez

Pour sa nouvelle création, Silence, ça tourne, l’autrice, actrice et metteuse en scène libanaise Chrystèle Khodr prête sa voix aux témoins et victimes du siège, puis du massacre, du camp palestinien de Tel-el-Zaatar en 1976. Sans tomber dans l’aspect documentaire, avec son complice Nadim Deaibes, elle signe un spectacle théâtral d’une impressionnante tenue.

Depuis quand n’avions pas vu une telle dignité sur un plateau ? Un travail sans béquille inutile. Pas de vidéo, pas de dates projetées pour borner les événements. Simplement du son continu, qui rôde, un son de caverne, de préhistoire, mais aussi le son des bandes magnétiques de cassettes audio, ces outils d’une autre préhistoire, le XXe siècle, matière première de Silence, ça tourne. Ce qui s’entend pendant les 65 minutes de spectacle, c’est le bruit parasite qui parfois prend le pas sur les voix un peu anciennes, ce bruit sourd qui neutralise le silence, qui insiste et leste le propos. Alors que tant de pièces ne cherchent qu’à émouvoir, celle-ci bâtit une mémoire.

Silence, ça tourne n’est pas un documentaire, pas plus que du cinéma comme pourrait l’évoquer son titre. C’est en 2016 que l’artiste libanaise Chrystèle Khodr découvre l’enregistrement audio qui est la matrice de cette création, dont elle vient de donner la première au TNP de Villeurbanne, après une pré-version en Suède en 2023. Par le biais du groupe Facebook « La guerre du Liban au jour le jour », elle tombe sur cela : une archive de l’agence internationale d’information Associated Press dans laquelle s’exprime une infirmière suédoise, engagée bénévole dans le camp palestinien de Tel-el-Zaatar, à l’est de Beyrouth, aux mains des phalangistes chrétiens. La militante communiste y a perdu un bras, son bébé, alors qu’elle était enceinte de 7 mois, et son mari, décédé, mais elle voudrait simplement que « les gens dans le monde comprennent quelque chose du peuple palestinien ». C’est pour cela qu’elle était là-bas avant que le siège du camp – et la famine – débute le 22 juin 1976 et s’achève par un massacre le 12 août, au lendemain d’un accord de reddition signé sur les conseils de l’OLP de Yasser Arafat. Bilan, énoncé dans la dernière partie du spectacle : 2 000 morts, 1 500 disparus et 6 000 blessés, dont une large majorité lors de la seule journée du 12 août.

Puisque nous sommes en 2025, le risque est grand de recevoir ce spectacle comme un écho à peine voilé de la situation actuelle, un génocide toujours en cours envers ce même peuple malgré les cessez-le-feu. Ce serait un raccourci grossier que Chrystèle Khodr ne fait pas. D’emblée, elle annonce que « toute coïncidence avec des événements survenus de nos jours ou dans un passé proche relève de votre entière responsabilité », car le récit qui suit se suffit à lui-même, et de poursuivre : « Ni l’équipe du spectacle, ni le théâtre producteur, ni moi n’y sommes pour rien ». Fermez le ban. Alors qu’elle va s’échiner à ne relater que les faits, elle ne fait pas œuvre de documentariste. Avec Nadim Deaibes, son co-metteur en scène, elle réfute cette démarche. Ensemble, ils fabriquent du théâtre. Dans un deuxième temps, il fait acte d’Histoire et aussi de justice, d’autant plus qu’aucun des attaquants ou commanditaires de ce massacre n’a jamais été traduit devant un tribunal.

Alors qu’elle avait déserté les plateaux depuis une dizaine d’années, Chrystèle Khodr redevient actrice pour l’occasion. Déjà, dans Beirut Sépia, présenté en 2013 dans le cadre du festival lyonnais Sens Interdits dédié au théâtre « de l’urgence », elle racontait simplement ces femmes libanaises qui ont tout perdu pendant la guerre civile du Liban. Depuis, le festival n’a cessé de l’accompagner : Titre provisoire (2017), dans lequel elle travaillait déjà avec des bandes magnétiques, Augures (2021), Ordalie (2023) et Silence, ça tourne, donc. Elle creuse, fouine dans la mémoire de ce pays plus prompt à la reconstruction immobilière qu’à la cautérisation des âmes – au point que les programmes scolaires d’histoire s’arrêtent en 1948 ! En conteuse qu’elle a toujours été, elle transmet cette plaie, alterne sa parole avec celle des témoins sonores que, parfois, quand elle ne peut plus faire autrement pour la bonne compréhension du récit, elle interprète. « Je ne jouerai pas de personnages sauf en cas d’urgence théâtrale », prévient-elle en prologue.

Eva Ståhl, toujours vivante, installée à Göteborg, et que le duo d’artistes a rencontrée pour ce travail, a découvert les luttes des peuples (vietnamiens, palestiniens) dans les années 1960 durant ses études. Elle a également adhéré au parti marxiste-léniniste révolutionnaire suédois. Et c’est ainsi qu’elle a rejoint le Liban en 1974 pour travailler bénévolement dans le dispensaire du Front Populaire palestinien ; puis qu’elle est arrivée au camp de Tel-el-Zaatar pour soigner, certes, mais aussi lutter contre les injustices sociales, au cœur des enjeux de ces territoires, plus encore que la question religieuse, réductrice. Sur scène, d’autres voix se mêlent à la sienne, et notamment celle du reporter de guerre suédois Anders Hasselbohm et de l’ancien responsable de la Croix-Rouge internationale, le Suisse Jean Hoefliger. Les ONG, à l’abri hors de l’enclave, comme la France, pourvoyeuse d’armes, sont taclées sans grand discours, car l’essentiel n’est pas de poser un regard vengeur et confortable 50 ans après les faits, mais de donner une existence à celles et ceux qui ont tenté de faire passer le sort des enfants – évoqués en prologue – avant les raisons de la guerre.

Pour cela, l’adresse-public ne saurait suffire. Alors, Chrystèle Khodr et Nadim Deaibes inventent un espace de jeu aussi réconfortant que périlleux : une sorte de maison dont, peu à peu, la comédienne dessine les contours avec précaution en tirant des bandes de cassettes toutes emmêlées à ses pieds et qu’elle accroche à des mâts fixés au sol. Reste à trouver des temps de respiration. Le travail sur la lumière vient à son secours. De nombreux fondus au noir ponctuent ces fragments de paroles qui souvent s’arrêtent net, sans chercher une forme conclusive à chaque étape. Six ans après ce massacre, adviendra celui, nettement plus connu, de Sabra et Chatila, mais Chrystèle Khodr est pour l’instant ici, à Tel-el-Zaatar. C’est tout et c’est beaucoup. Peut-être même que l’an prochain, elle pourra donner ce spectacle au Liban, chez elle.

Nadja Pobel – www.sceneweb.fr

Silence, ça tourne
Écriture Chrystèle Khodr
Mise en scène Chrystèle Khodr, Nadim Deaibes
Avec Chrystèle Khodr
Scénographie et lumière Nadim Deaibes
Son Ziad Moukarzel

Production Riksteatern, The National Swedish Touring Theatre ; Théâtre des 13 vents, Centre dramatique national de Montpellier
Coproduction Théâtre National Wallonie-Bruxelles ; Teatre Nacional de Catalunya à Barcelone
Avec le soutien de Hammana Artist House ; CommonMOB, dans le cadre de Common Stories, un programme Europe Créative financé par l’Union Européenne ; l’Onda – Office national de diffusion artistique

Durée : 1h05

TNP, Villeurbanne, dans le cadre du Festival Sens Interdits
du 29 au 31 octobre 2025

La Vignette, Université Paul-Valéry, Montpellier, dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée
les 6 et 7 novembre

La Bulle Bleue – ESAT artistique, Montpellier, dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée
le 8 novembre

La Passerelle, Sète, dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée
le 15 novembre

Théâtre National Wallonie-Bruxelles (Belgique)
du 18 au 22 novembre

MC93, Bobigny
du 26 au 30 novembre

Théâtre de la Bastille, Paris
du 11 au 20 mars 2026

Théâtre Joliette, Marseille, dans le cadre de la Biennale des écritures du réel
le 20 mars

31 octobre 2025/par Nadja Pobel
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