Sur les traces d’une œuvre musicale aussi curieuse qu’insaisissable, Original d’après une copie perdue de Samuel Achache et ses camarades du collectif La Vie brève rouvre le théâtre de l’Aquarium qui déborde de vie et d’envie jusque dans ses moindres recoins.
Après les revisites fantaisistes de mythes tels que celui de Didon et Enée ou bien d’Orphée et Eurydice dans des spectacles cosignés avec sa complice Jeanne Candel, c’est aux origines bibliques que remontent Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Marion Bois et toute leur bande de brillants et malins acteurs-chanteurs-instrumentistes pour nous transporter à Jéricho. Grands amateurs de musiques anciennes, mais aussi de littérature, de philosophie sans oublier les sciences, ils embouchent les fameuses trompettes qui ont réduit la ville en cendres. Leur proposition se présente comme une déambulation labyrinthique sur fond d’enquête musicologique prenant pour point de départ une partition voyageuse dans le temps qui excite deux chercheurs-démiurges dont la rivalité tenace trouvera son point final sur un ring de boxe en plein air. On pénètre dans le théâtre comme dans leur salle à manger qui est aussi un lieu de travail où se tiennent dès le réveil, à l’heure du café et des œufs brouillés, de grands discours prétendument savants et où déjà éclatent les vains égos de solistes plutôt perchés.
Même sous l’aspect d’un spectacle assez peu fignolé, sans doute trop profus et confus, on ne peut pas nier le talent qu’ont les artistes pour faire d’un propos apparemment théorique et un brin fumeux, une vraie matière théâtrale qui prend sans conteste une dimension hyper concrète, joyeuse, tapageuse, physique, organique, permettant aux comédiens de déployer une énergie et une liberté assez jubilantes, n’était ce côté un peu ravi d’en faire beaucoup voire trop. Dans un capharnaüm de sons et d’idées, un increvable désir de créer, de jouer, de s’exprimer est vraiment palpable et salutaire après la longue période de carence artistique imposée par le Covid-19.
Si Original d’après une copie perdue comporte des moments de grand flottement, on y trouve aussi des fulgurances, celles-ci sont d’abord musicales. A l’occasion d’intermèdes fugaces, s’improvisent de courts concerts intimistes entre autres happenings dispersés dans l’espace ouvert qui font véritablement éclater le génie des interprètes touche-à-tout, éclectiques et passionnés. Déguisées en bénédictines, certaines s’adonnent au chant grégorien dans les toilettes tandis que d’autres occupent le vaste hall en se livrant à une musique plus punk-expérimentale. Enfin, c’est sur un opéra de chambre imaginaire aux sources multiples et inconnues que se clôt la performance. L’oeuvre lyrique dont l’hybridité formelle inspire vraiment se distingue par son caractère lacunaire et advient au milieu du bric à brac d’une salle de répétition et de construction des décors. Celle-ci porte les stigmates du temps et du chaos. Seuls des fragments sont parvenus nous raconte-t-on. Elle s’offre comme une sorte de résolution au spectateur heureux même si désorienté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Original d’après une copie perdue
Performance pour 80 spectateursConception
Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Marion Bois
Avec
Samuel Achache, Pierre-Antoine Badaroux, Pierre Borel, Anne-Emmanuelle Davy, Lionel Dray, Anne-Lise Heimburger, Myrtille Hetzel, Antonin-Tri Hoang, Clémence Jeanguillaume, Léa Lanöe, Léo-Antonin Lutinier, Sarah Margaine, Eve Risser, Marie Salvat, Julien Villa, Lawrence Williams (en cours…)
Et Benoît Bonnemaison-Fitte (graphures et peintrismes en direct)Durée : 2h (environ)
Dans les recoins du théâtre de l’Aqurium
Jeudi 27, vendredi 28 et samedi 29 août 2020
à 20h
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